Martissant, « une boucherie humaine à ciel ouvert », déplore le Cardh 2 JUIN 2022

– Le Centre d’analyse et de recherche en droits humains (Cardh) critique la situation insoutenable, qui prévaut, en toute impunité, depuis le 1er juin 2021, à Martissant, dans la périphérie sud de Port-au-Prince après l’éclatement des hostilités entre des gangs rivaux, sous le regard insouciant de l’État, dans une analyse transmise à l’agence en ligne AlterPresse.

Une trentaine de citoyens ont été tués, lors des affrontements entre les gangs de Martissant, qui éclatèrent les 1er et 2 juin 2021, rappelle le Cardh.

« Un an après, Martissant, territoire contrôlé exclusivement par les gangs, demeure une boucherie à ciel ouvert. Les hôpitaux, desservant quasiment la 3e circonscription, dont Médecins Sans Frontières et Saint Germain, ont dû fermer leurs portes, de même que les écoles publiques et privées. Certains servent de bases aux bandits », dénonce l’organisme de droits humains.

Le Cardh fustige l’inaction de l’État, chargé de rétablir l’ordre public, de respecter, de protéger et de mettre en œuvre les droits humains, devant la cruauté des actes des bandits.

Il désapprouve la non tenue des obligations de la coopération internationale, qui fait du respect des droits humains l’une de ses missions sacro-saintes.

« Les 17 décembre 2021 et 21 janvier 2022, deux réunions internationales sur Haïti ont eu lieu, et 160 millions de dollars américains ont été promis : États-Unis, 115 millions ; Canada, 50 millions de dollars canadiens ; France, 6,5 millions d’euros. Le droit à la vie et à la sûreté des citoyennes et citoyens ne peut pas se limiter aux discours, aux promesses ».

Le Cardh appelle le gouvernement de facto à prendre des dispositions, pour garantir les droits des citoyennes et citoyens, conformément à la Constitution et aux obligations découlant des traités internationaux de protection des droits humains, auxquels Haïti est partie.

La coopération internationale doit concrétiser ses promesses, à l’aune des résultats concrets.

Plusieurs scènes macabres ont marqué Haïti, depuis le début des affrontements armés, le 1er juin 2021.

« Des hommes armés ont ouvert le feu sur des véhicules, des motards…comme bon leur semble. Même les ambulances ne sont pas épargnées. A longueur de journée, des décès sont constatés dans divers endroits à Martissant », relève le Cardh.

« Roosevelt Petit-Phar, enseignant à l’école nationale République du Brésil, le 3 juin 2021, Virgile Lorna Fils Aimé, une infirmière, dans une ambulance, le 5 juin 2021, plusieurs citoyens dans un bus, le 21 juillet 2021, quatre passagers, le 5 août 2021, un carnage dans un autobus transportant 38 passagers, le 1er décembre 2021, Carlos Basile, professeur de chimie, le 6 décembre 2021, trois (3) personnes et plusieurs blessés, le 24 décembre 2021, quatre personnes à bord de deux autobus de transport, le 27 décembre 2021, un mort et deux blessés résultant d’une attaque contre un bus, le 30 mai 2022 », énumère le Centre d’analyse et de recherche en droits humains, entre autres actes de terreur des gangs armes, du 1er juin 2021 au 30 mai 2022.

Les affrontements armés ont poussé environ 2,000 personnes hors de chez elles, dont 1,500 ont été accueillies au centre sportif de Carrefour (507 garçons, 582 filles, 426 mineurs, 50 nourrissons) avec la diligence du conseil exécutif intérimaire, soutenu par la société civile locale et des Organisations non gouvernementales (Ong).

Il y avait 300 enfants en âge de scolarisation. Des filles sont victimes d’abus sexuels dans les familles d’accueil, certaines se sont vues imposer une offre de « sexe contre abri ».

A Carrefour, des personnes déplacées sont traitées de voleurs, de gangs, de nèg matisan (citoyens de Martissant), poursuit le Cardh.

Cette situation, qui paralyse les principales activités au sud de la capitale, coupe, avec le reste du pays, une partie de l’Ouest (Carrefour, Léogane, Petit Gôave, Miragôane…), le Sud-Est et les départements du Sud, des Nippes et de la Grande Anse (Sud-Ouest d’Haïti) frappés par un tremblement de terre le 14 août 2021.

« Ces départements deviennent encore plus vulnérables au plan socio-économique, les activités commerciales étant quasiment bloquées ».

Des chauffeurs, qui assurent les transports Centre-Ville/Carrefour, Port-au-Prince et les départements Sud, Nippes et Grande Anse, sont contraints de payer des sommes exorbitantes aux gangs armés, pour pouvoir assurer leur passage dans la zone (« des droits de passage »), au risque de leur vie, rapporte le Cardh.

« Le gang de Ti Bwa exige que les autobus soient enregistrés et paient des frais mensuels de 5,000.00 gourdes et 2,500 gourdes par semaine (Ndlr : US $ 1.00 = 114.00 gourdes ; 1 euro = 122.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.10 gourdes aujourd’hui). Les chauffeurs d’autobus ont bloqué la circulation et manifesté contre ces tarifs. L’État n’est toujours pas intervenu », fustige le Cardh.

Le lundi 9 mai 2022, le directeur général ad intérim de la Police nationale d’Haïti (Pnh), Frantz Elbé, avait annoncé, pour bientôt (?), un renversement de la situation et avait demandé la population de patienter, à l’occasion d’un bilan de ses 6 mois à la tête de la Pnh.

De son côté, le premier ministre de facto, Ariel Henry, avait donné la garantie, à travers un tweet le jeudi 11 février 2022, que le tronçon de route de Martissant serait dégagé et que la police en reprendrait le contrôle, malgré ses faibles moyens.

 

 

 

Source: APR

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