L’inflation mondiale, un incitatif pour la production nationale
L’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI) vient de publier l’Indice des prix à la consommation (IPC) pour le mois de février 2022. Les variations mensuelle et annuelle de l’IPC, ou encore les taux d’inflation mensuelle et annuelle, s’élèvent à 2.1 % et 25.2 %, contre respectivement 0.6 % et 24.0 % en janvier 2022. L’inflation annuelle observée en février 2022, précise l’IHSI, s’explique par le comportement des différentes divisions, ou composantes principales, de l’IPC.
Les prix des « produits alimentaires et boissons non alcoolisées » ont crû de 3.2 % sur un mois et de 25.9 % sur un an, alors que les prix des « articles d’habillement et chaussures » ont augmenté de 2.6 % mensuellement et de 26.6 % annuellement. Le poste « logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles » a enregistré une hausse de 3.1 % sur un mois et un accroissement de 28.6 % sur un an, pendant que les prix des soins de santé avaient connu une croissance mensuelle de 1.2 % et de 25.2 % en glissement annuel. Pour sa part, la progression des prix du transport était de 6.3 % sur un mois et de 30.2 % sur un an.
L’IHSI note à l’encre forte les produits qui ont le plus contribué à la forte augmentation du niveau général des prix en glissement annuel. Pour le poste « alimentation », on retient le riz (en moyenne 36.1 %), le pain (30.3 %), les viandes (en moyenne 23.2 %), le lait (en moyenne 27.9 %), l’huile comestible (62.2 %), le citron (20.5 %) et le sucre (en moyenne 27.4 %). Pour les articles « d’habillement et chaussures », ce sont plutôt la chemise (27.0 %), le pantalon pour homme (26.1 %), le soulier, le tennis (34.1 %) et les sandales (28.2 %).
Dans la catégorie « logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles », les plus grosses variations de prix proviennent du loyer du logement (20.4 %), de l’eau (40.2 %), du charbon de bois (33.6 %), du gaz propane (58.0 %) et du kérosène (119.8 %). Dans la rubrique « santé », ce sont les prix des médicaments (29.7 %) et des lunettes à verres correcteurs (20.7 %) qui ont connu les hausses les plus importantes. Tandis que dans le secteur « transports », c’étaient plutôt les coûts de l’entretien de véhicule privé (36.9 %) et de l’essence et du gas-oil (66.6 %) qui ont connu les hausses les plus significatives.
« Comme c’était le cas en janvier 2022, une hausse plus importante des prix a été observée au niveau des produits importés, soit 34.2 % en glissement annuel contre 20.2 % pour les produits locaux.», indique l’IHSI qui confirme également que toutes les régions géographiques avaient contribué à la montée de l’inflation en février 2022. Les variations géographiques les plus significatives par rapport au mois de février 2021 concernent surtout le Reste Ouest et le Sud qui ont affiché des taux respectifs de 26.7 % et de 26.9 %.
Notons que pour des produits comme le riz, l’IHSI fournit des variations moyennes de prix. Cela vient du fait qu’il en existe plusieurs variétés. D’abord, faut-il souligner, le poste « riz » est subdivisé en « riz local » et en « riz importé ». Ensuite, pour chaque poste, une ou plusieurs variétés spécifiques ont été sélectionnées pour la collecte de prix. Par exemple, pour le riz local, les variétés comprennent Madan Gougous, La Crête et Sheila. Dans l’ensemble, le calcul de l’IPC tient compte de 350 variétés de produits, réparties en douze divisions ou grandes composantes.
Les prix sont collectés au sein de l’échantillon des points de vente sélectionnés par l’IHSI. Le type de produit conditionne aussi le choix du point de vente. Celui-ci peut être les marchés publics, les supermarchés, les boutiques et magasins spécialisés ou des prestataires de services. Dans chaque département, les prix sont relevés dans le chef-lieu. Pour les produits alimentaires, les prix sont également collectés chaque semaine dans au moins deux autres villes secondaires du département en question. Pour ces produits, on calcule un prix moyen mensuel à partir des observations des quatre semaines.
Pour la collecte des prix des produits alimentaires, l’enquêteur de l’IHSI utilise le pèse-aliment afin de ramener le prix observé à une unité standard. Cet exercice s’avère extrêmement important puisque l’IPC doit mesurer une variation pure de prix. Les quantités et la qualité doivent alors demeurer fixes au cours du temps. Évidemment, pour certains produits, la qualité est plus difficile à évaluer.
Avec le temps, certains produits entrent dans la composition du panier de la ménagère (échantillon de produits servant au calcul de l’IPC) et d’autres en sortent. Les produits qui ne sont plus disponibles sont remplacés (si nécessaire) par des produits similaires. Dans d’autres cas, ils sont tout simplement retirés du marché. Par exemple, lors de la dernière mise à jour, l’IHSI avait retiré du panier les postes « champignon » et « bicyclette » alors que les rubriques « groupe électrogène », « Inverter », « ventilateur » et « motocyclette » font partie des postes qui ont été ajoutés.
Pour l’IPC base 100 en 2017-2018, les données de l’Enquête sur les conditions de vie des ménages après séisme (ECVMAS) 2012 ont permis d’identifier et d’intégrer les nouveaux produits dont la dépense est significative mais qui ne faisaient pas encore partie du panier de l’IPC base 100 en août 2004. Parallèlement, un seuil de 0.01 % a été utilisé afin d’écarter du panier les produits dont les dépenses sont tellement faibles qu’une collecte des prix n’est plus justifiée.
L’ECVMAS a permis aussi de calculer les poids des différents postes dans les dépenses totales des ménages. Au bout du compte, l’IPC est une moyenne pondérée évaluée à des étapes différentes puisque tous les produits et les divisions de dépenses n’ont pas la même importance pour le consommateur. Le riz et l’ail n’ont, de toute évidence, pas le même poids dans les dépenses de consommation des ménages. Les pondérations permettent de tenir compte de l’importance relative des produits dans les dépenses de consommations des ménages.
À quelque chose malheur peut être bon. Quand, en moyenne, l’inflation des produits importés est supérieure de 14 points de pourcentage à celui des produits locaux, cela peut constituer un puissant incitatif pour la production nationale. Puisque l’un des facteurs qui rendaient les produits importés plus attractifs était leur prix beaucoup plus faible. Par exemple, la marmite de riz importé est généralement moins chère que celle du riz local. Avec la hausse de l’inflation mondiale, les prix des produits importés tendent à converger vers ceux des produits locaux. Cette convergence invite les consommateurs à opter pour les produits nationaux purement biologiques, donc de meilleure qualité.
On peut penser au riz, au poulet, au citron, à la banane et quasiment à tous les produits alimentaires. Ce serait la même chose pour les articles d’habillement et chaussures, ce qui pourrait donner un vrai coup de pouce à la production locale dans ces domaines. Mais pour y parvenir, il faudrait une politique d’encadrement des producteurs locaux au plus haut sommet de l’État. L’inflation mondiale, si elle persiste, va constituer une vraie expérience naturelle à une éventuelle politique de relèvement des tarifs douaniers.
Thomas Lalime
thomaslalime@yahoo.fr