Des kidnappeurs tuent et écument Port-au-Prince en toute impunité

Ce lundi à la matinale de Magik 9, aucune interview n’était possible avec Chrislande Lafaille. La jeune femme, entre sanglots et cris, ruminait un mot, une supplication. « Libérez ma mère s’il vous plait », plaidait la jeune femme dont l’univers s’est effondré, hier dimanche. Son père, Sylner Lafaille, 60 ans, a mortellement été blessé par balle sur les parvis de la première église baptiste de Port-au-Prince en s’opposant au kidnapping de sa femme, Marie Marthe Laurent Lafaille. « Pourquoi nous ? », s’est demandé Chrislande Lafaille, restée chez elle, qui ne pouvait savoir que l’assemblée  religieuse fréquentée par ses parents depuis des lustres serait la cible des kidnappeurs qui écument les rues de Port-au-Prince en toute impunité.

Les kidnappeurs, à bord d’une Nissan Patrol immatriculée Service de l’État (SE), étaient en faction, épiaient, attendaient le moment de frapper. « Nous avons entendu les premiers coups de feu. Dans la panique, des fidèles ont essayé de s’enfuir », a confié à radio Kiskeya le pasteur Aly Loubert, blessé à la tête et au bras par des congénères qui tentaient de fuir les feux de l’enfer déchaînés sur le parvis de l’une des plus vieilles églises d’Haïti, située à un jet de pierre du Palais national, du grand complexe de la cité administrative et de la prison civile de la capitale.

« Les kidnappeurs agissent en toute quiétude », a confié l’homme d’Église qui avait tenu à poursuivre le culte. « Nous sommes là pour louer l’Éternel », a rappelé le pasteur Loubert dont la congrégation a reçu le soutien de la Fédération protestante d’Haïti qui a fustigé la perpétration d’un « sacrilège » et dénoncé « la recrudescence du phénomène de l’insécurité. « Ce qui s’est passé nous révolte », a indiqué le pasteur Aly Loubert. La révolte, la colère ont grondé ce lundi à Bois-Verna et à Lalue où des barricades de pneus enflammés ont été érigées ce lundi pour exiger la libération de Sébastien Sainvil, kidnappé devant chez lui vendredi soir par des individus lourdement armés qui circulaient à bord d’un pickup JMC.

Le jeune homme, vendredi, autour de 8 heures du soir, rentrait chez lui, à la rue Robin.  Arrivé à destination, il est descendu de son véhicule pour ouvrir la barrière de son domicile. C’est à ce moment qu’il a été enlevé. Le père de la victime, le professeur Sainvil, homme serviable, a enseigné la philosophie à des générations d’écoliers haïtiens dans des lycées et écoles privées de Port-au-Prince. Sébastien Sainvil a été libéré ce lundi 27 septembre.

Un peu plus bas, à deux minutes en voiture, à l’avenue Charles Sumner, des employés de la direction du budget du ministère de l’Économie et des Finances ont à nouveau battu le pavé pour exiger la libération de Mackenley Mogène. Ce cadre, enlevé jeudi soir, ainsi que son frère, le Dr Herby Lafrance, ont été aussi libérés ce lundi.

À Hinche, dans le Plateau central et aux Cayes, il y a des protestations liées à ces cas de kidnapping. Le journal a appris qu’une jeune femme, Bibiana Bélizaire, a été enlevée le même jour, au même lieu, alors qu’elle faisait la queue pour avoir un peu de carburant à Turgeau, non loin de l’église St-Louis Roi de France jeudi. Le téléphone de l’une des victimes a été géolocalisé à « Village-de-Dieu, lieu tristement célèbre de séquestration où en mars dernier ont péri cinq agents du GIPNH (Swat) dont les cadavres, non récupérés par la Police nationale d’Haïti, ont servi de trophées à ce gang. Entre jeudi et vendredi soir, le journal a appris le kidnapping d’au moins onze personnes. L’une d’elles, la journaliste Frantzie Siméon, a été libérée samedi.

Le Nouvelliste n’a pas encore d’informations sur la situation d’un homme et d’une femme kidnappés jeudi dernier. Les ravisseurs ont laissé dans le véhicule un enfant en bas âge qui était avec ces deux victimes, a confié notre source. Le même jour, jeudi, dans l’après-midi, à Martissant, trois personnes ont été kidnappées, dont la mère d’un célèbre chanteur de compas de la nouvelle génération.

Selon notre source, ces trois cas de kidnapping, à Martissant, zone de non-droit, ont été perpétrés séparément. Vendredi, deux employées d’une entreprise privée manquent à l’appel. « L’une a été chercher l’autre pour se rendre au travail. Depuis ce matin, nous sommes sans nouvelles d’elles », avait rapporté une source interrogée par le journal vendredi.

Au moment où les kidnappeurs, en mode razzia, écument les rues drapées d’effroi à la nuit tombée, la PNH a indiqué qu’elle quadrillait les rues. « Quadrillage de la zone métropolitaine de Port-au-Prince à cause des multiples cas de kidnapping enregistrés ces derniers jours. Des check sont effectués sur des véhicules. Les patrouilles sont accentuées dans les zones les plus exposées », a tweeté la police nationale, samedi, en début de soirée. « La Police nationale invite la population à collaborer avec les agents de l’ordre, chargés de mettre en application ce plan visant à mieux contrôler la circulation des véhicules en effectuant également des check de routine », selon ce tweet.

« Pour toutes informations concernant le signalement d’un acte de kidnapping appelez au 122. Ces informations permettront aux autorités policières de mieux articuler ce plan de quadrillage visant à contrer le phénomène », a indiqué la PNH. Ce lundi, problème de réglage ou non, à 7 heures 42 a.m, le 122 n’était pas joignable. Entre-temps, le Premier ministre, le Dr Ariel Henry, a annulé une conférence prévue ce lundi, a visité l’École de la magistrature, a parlé de tourisme à l’occasion de la Journée mondiale du tourisme. « La relance des activités touristiques se veut inclusive, à travers la participation effective de tous les acteurs. Elle doit être aussi pragmatique », a tweeté le Premier ministre d’Haïti, classé dans la  catégorie 4 des pays où il ne faut pas voyager, pays où des voisins discutent de sa « pacification » sur fond de crise migratoire provoquée par un exode d’Haïtiens en République dominicaine, Panama, Costa Rica et aux États-Unis. Cette nouvelle flambée de kidnappings intervient après deux mois de guerre entre deux gangs rivaux à l’entrée sud de Port-au-Prince. De jour comme de nuit, pour consolider leurs positions, ils se sont affrontés à l’arme automatique.

 

 

 

Source: Le Nouveliste

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