Un bébé de 8 mois tué par balle à Cité Soleil dans la guerre pour contrôler ce territoire

Pour faire tomber Gabriel, l’unique absent de la fédération de gangs G-9 an fanmi ak alye, ses adversaires crachent le feu de l’enfer. Sur ses terres, dimanche, un nourrisson de huit mois, Meridina Fleurimont, a fait les frais de la conquête meurtrière de G-9.

 

Dimanche 12 juillet 2020. Peu avant 9 heures du matin, à Norway, Belekou, un quartier de Cité Soleil, la vie de Meridina Fleurimont, huit mois, a été brutalement arrachée par un snipper en embuscade dans une position en hauteur occupée par des hommes du chef de gang dénommé Iscar, a dénoncé Lenèse Léo, la mère du nourrisson. La balle d’un fusil automatique a perforé l’oreille droit, sectionné sa langue et fait exploser la joue gauche de l’enfant. « Je dis merci à Iscar, au G-9 et à Jovenel Moïse », a balancé Lenèse Léo qui faisait le ménage avec son mari Junior Fleurimont lorsque sa maison a été arrosée de balles. « Nous avions décidé de faire le ménage, sans nous exposer aux tirs de Iscar et de ses hommes. Soudain, ils ont pris pour cible un homme, un pêcheur qui a été touché à la tête au moment de courir pour sauver sa peau. C’est à ce moment que Meridina a été touchée ainsi que la personne qui la portait », a expliqué Junior Fleurimont. « Tout s’est passé très vite. Comme le bébé, j’aurais pu mourir aujourd’hui », raconte le père de l’enfant, qui souligne «être un homme sans histoire ». Comme sa compagne, Junior Fleurimont dit merci à Iscar. « Le cadavre est à l’intérieur de la maison », a suffoqué Lenèse Léo. « Nous sommes assiégés », a poursuivi la jeune femme qui envisage d’inhumer l’enfant. Tout simplement.

Le juge de paix de Cité Soleil, Me Evens Levêque, a entendu parler de cet homicide. Mais il est dans l’impossibilité de se rendre sur place pour verbaliser. « La police ne peut pas entrer. Nous ne pouvons pas exposer notre peau », a expliqué au journal le magistrat. Le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Jacques Lafontant, a confié avoir ordonné à la Direction centrale de la police judiciaire (DPCJ) d’enquêter sur « ce cas qui révolte la conscience ». La clameur publique indexe Iscar. Si elle est déterminante, elle ne suffit pas, a poursuivi le commissaire du gouvernement qui veut avoir les résultats d’une enquête de la police judiciaire pour mettre en mouvement l’action publique.

Interrogé sur le fait que Iscar est membre de la fédération de gangs dénommé «G-9 an fanmi ak alye » qui considère une action contre un membre comme une action contre tous les membres, le chef du parquet de la capitale a indiqué que la justice est une femme aux yeux bandés.

Le coordonnateur du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), Pierre Espérance, a déploré l’assassinat du nourrisson de huit  mois, dénoncé la banalisation de la vie, le support du pouvoir à G-9 an fanmi ak alye et appelé la justice à agir. « La police doit arrêter Iscar et le conduire à la justice », a appelé Pierre Espérance. « Ces bandits tuent, menacent et intimident parce qu’ils sont protégés par le pouvoir, par les autorités », a pesté Pierre Espérance.

La police est dépassée par la situation. « Cité Soleil est un champ de bataille », s’est lamenté un policier qui confirme que le commissariat, qui a abrité une base de l’UDMO, est abandonné depuis un certain temps.

Entre-temps, presque toutes les positions en hauteur, église, école sont occupées par les hommes de Iscar, appuyés par les autres alliés du G-9. Ils tirent sur tout ce qui bouge, a expliqué un habitant de la cité.

Pour le moment, le chef de gang de Brooklyn, Gabriel, résiste. Mais il est pris dans un étau, a détaillé cette source qui a requis l’anonymat. Mètre par mètre, les Iscar, ses alliés de Simon, de Pelé et du G-9, poursuivent une conquête brutale. Avant le drame du dimanche 12 juillet, il y a huit jours, au moins trois personnes ont été tuées à « Village-des-rapatriés », avait confié le pasteur Jean Enock Joseph à la matinale de Magik 9 (100.9 fm) en début de semaine. La coopération entre les gangs, a-t-il dit, est fort probable.

Le 29 juin 2020, deux lieutenants de Gabriel, Ti Dominicain et Ti Sony, ont été liquidés à Pierre-Fils, non loin de Varreux 1, à Cité Soleil. «Il n’y a pas eu de constat légal de ces cadavres », a indiqué une source policière. « La guerre qui fait rage au centre de Cité Soleil s’étend un peu plus», a confié cette source.

La conquête de territoire et le jeu d’influence ont des objectifs politiques, a appris le journal. Avant le drame du dimanche, la vie de résidents des quartiers de la Plaine-du-Cul-de-Sac, dont Croix-des-Missions, Buttes-Boyer a été rythmée par des tirs à l’arme automatique. Pour protester contre la désignation de Nice Simon comme agent exécutif intérimaire, des forces armées et influentes ont fait parler la poudre, a confié une source qui s’inquiète de la prolifération des armes de guerre, mais surtout de l’incapacité des autorités à faire respecter la loi et protéger les vies et les biens…

Source: Le Nouvelliste

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