24 mois pour des miracles

Le président Jovenel Moïse est seul maître bord du navire Haïti. Il a constaté avec délectation la « caducité » de la 50e législature et la fin de mandat des 2/3 du Sénat. Le chef de l’État, garant de la bonne marche des institutions, en ponce Pilate, n’assume aucune part de responsabilité dans le dysfonctionnement du Parlement, consécutif à la non réalisation des élections prévue fin 2019.

Pour se défendre, Jovenel Moïse dit avoir envoyé au Parlement le projet de loi électorale et le projet de budget avec les fonds pour la réalisation de ces joutes. Il n’a pas souligné que ce projet de budget lui a été retourné en janvier 2019 par le président de la Chambre des députés Gary Bodeau.

Il n’a pas dit que le président Bodeau, son allié au gré des circonstances, avait, sur recommandation de la CSC/CA, recommandé à son tour que ce projet de budget soit reformaté dans le strict respect de la loi du 4 mai 2016. Le retour de ce projet de budget, à l’époque, devait embarrasser le Premier ministre Jean Henry Céant que le président et ses alliés voulaient bouter  hors de la Primature.

Le président Jovenel Moïse, connu pour sa capacité à faire des promesses, raconte des histoires merveilleuses, écrit l’histoire politique récente à sa manière et voit dans le dysfonctionnement du Parlement  une « opportunité historique » pour effectuer des réformes pour réinventer l’Etat, le faire passer d’Etat prédateur à un État serviteur.

Le chef de cet État prédateur depuis trois ans,  Jovenel Moïse, choisi par Michel Martelly  après cinq ans de pouvoir, s’engage, avec le soutient des américains et le silence gêné du reste de la communauté internationale dans une nouvelle aventure. Il a plus de pouvoir. Et ne semble pas être inquiet des conséquences de ce trop plein de pouvoir, de l’envers de la médaille de ce pouvoir absolu.

En ces temps difficile pour Haïti, l’histoire retiendra le passage du secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, à Port-au-Prince. En campagne pour sa réélection, le secrétaire de l’OEA, oint par les Américains, a fait l’impasse sur les vrais problèmes d’Haïti. Son engouement à donner un blanc seing au président Jovenel Moïse a anéanti le « petit reste », le « très petit reste » de crédibilité de l’OEA en Haïti.

Le silence de l’OEA, l’appui sans nuance des Etats-Unis qui se cherchent souvent des alliés en fonction de leurs intérêts et non dans l’intérêt de la consolidation systématique de la démocratie en Haïti, s’achoppent à la charte de l’organisation qui, dans le cadre de ses obligations régionales, se fixe des objectifs essentiels. L’alinéa b de l’article 2 de la charte de l’OEA stipule que l’OEA doit « encourager et consolider la démocratie représentative dans le respect du principe de non-intervention ».

Si le président Jovenel Moïse n’est pas le seul acteur responsable du recul de la démocratisation en Haïti, ni l’ONU, ni l’OEA n’a encore pris acte. Le Core Group s’est muré dans le silence. Les Etats-Unis ont donné le ton en se mettant rapidement à l’écoute des priorités du président Moïse.  « L’ Amb. Sison et l’ Administrateur Adjoint de l’USAID @JohnBarsa Barsa ont rencontré @moisejovenel le 12 janvier pour discuter des priorités en terme de croissance économique & de l’importance de la sécurité publique et de la stabilité politique en vue de supporter des partenariats clés dans les domaines de l’éducation et de la santé », a tweeté l’ambassade des Etats-Unis, à 7 heures 35 du soir, lundi 13 janvier 2020.

Le tweet laisse l’impression que Jovenel Moïse est au début et non à la troisième année de son quinquennat. Le tweet laisse l’impression que l’actualité du pays n’est pas la récession économique dont il faut sortir, l’insécurité alimentaire qui affecte plus de 3 millions d’Haïtiens à laquelle il faudra continuer à faire face.

En position de force, seul à bord, victorieux d’une opposition radicale qui s’est fissurée, Jovenel Moïse a cependant perdu tout prétexte à ses incapacités. Il n’a plus de bouc-émissaire et gère une population qui rit les parlementaires en fin de mandat. Ces mêmes dents  souriront-elles au président dans les prochains mois ? Rien ne l’indique. La fin de mandat n’est jamais facile. Mais le président a 24 mois pour faire des miracles. N’est-ce pas ?

 

Source:  Le Nouvelliste

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