« Aucun parti politique n’a notifié au CEP avoir reçu du financement privé », révèle l’OCID
« Sur les 145 partis et regroupements politiques éligibles à recevoir le financement public de l’État au cours des dernières élections seulement 66 d’entre eux ont déposé le bilan détaillé de la subvention qu’ils ont reçue de l’État », a révélé Abdonel Doudou, membre du comité de pilotage de l’OCID, qui présentait ce mercredi le rapport d’une enquête exploratoire menée par l’OCID autour du financement public et privé des campagnes électorales de 2015 à 2017 en Haïti. Il s’empresse de souligner que les rapports que lesdites organisations avaient soumis au CEP ne sont pas audités.
Parmi ceux qui ont emboîté le pas, le bilan comptable de 58 partis et regroupements politiques est jugé complet et signé par un comptable agréé, a dévoilé Abdonel Doudou, qui se montre alarmant. « Il y a un problème majeur en termes de transparence, de recevabilité durant ces campagnes électorales », a-t-il constaté, critiquant vertement le mécanisme de contrôle du financement de ces élections dans le pays.
Ce qui pousse le responsable de Jurimedia à se questionner la source de financement des partis et regroupements politiques de ces dernières joutes électorales.
« Aucun parti ou regroupement n’avait notifié au CEP qu’il a reçu le financement du secteur privé », a-t-il relaté. Pourtant, a observé ce militant de droits humains, les dépenses en termes de billboards, publicités, de cortèges impressionnants sont considérables et peuvent difficilement ne pas rentrer dans la subvention publique.
Ce rapport d’enquête exploratoire ne s’arrête pas là. L’Observatoire citoyen pour l’institutionnalisation de la démocratie (OCID) a touché la plaie du doigt le financement privé dans cette compétition électorale. Si le décret électoral en ses articles 125 à 135-2 sur le régime de financement public et privée des élections, fixe le plafond à 500 000 gourdes, Abdonel Doudou doute que ces candidats n’aient reçu de dividendes dépassant ce plafond.
L’OCID en profite pour appeler à la révision du processus. « Un candidat qui reçoit un montant exorbitant de la part d’une entreprise pour mener campagne sera plus redevable à cette entreprise qu’au mandant », a déduit l’Observatoire citoyen pour l’institutionnalisation de la démocratie.
« Il y a un rapport pernicieux entre l’argent et la démocratie en Haïti. Cela donne naissance à la corruption, au clientélisme et entraîne le marchandage des votes », a indiqué l’OCID, pour lequel ces agissements auraient provoqué ce désintéressement des électeurs d’aller aux urnes, ce désenchantement des citoyens qui traduit le taux de participation aux élections extrêmement bas.
« Le risque que l’argent illicite provenant des sources douteuses remplace la volonté populaire est grand. Toute démocratie qui se renforce se donne des mesures de contrôle pour le financement des élections », selon l’OCID, rappelant que l’article 134 du décret électoral stipule que ces exigences ( le financement privé dépassant le plafond), si elles ne sont pas respectées, sont passibles de poursuites pénales.
Face à cet état de fait qui risque de compromettre tous les efforts de la construction de gouvernance démocratique, l’OCID recommande la mise sur pied, au niveau du CEP, d’une cellule chargée de suivi de l’application des dispositions légales relatives au financement des campagnes électorales. En sus, l’OCID préconise des mesures incitatives (fiscales) pour les potentiels donateurs qui contribuaient dans lesdites campagnes.
L’OCID encourage plus loin à procéder à une analyse approfondie de l’applicabilité des dispositions de contrôle du financement de la campagne électorale afin de proposer l’adaptation et le renforcement des mécanismes.
Mobiliser les institutions de contrôle financier, en particulier l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF), la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) pour appuyer le CEP ; s’assurer que chaque parti ou groupement politique dispose d’une unité comptable qui tient à jour ses cahiers comptables à temps sont entre autres recommandations formulées par l’OCID pour redresser la barre.
Michelson Césaire
Le Nouvelliste