Jack Guy Lafontant se prépare à affronter les députés ce samedi
Le Premier ministre reste accroché à son poste à la Primature. Jack Guy Lafontant n’a pas l’intention de démissionner contrairement aux exigences de presque tous les secteurs de la société. Il l’a d’ailleurs clairement fait savoir à des députés et des sénateurs proches du pouvoir. Il se dit prêt à affronter les députés samedi lors de la séance d’interpellation.
Jack Guy Lafontant est imperméable aux demandes des secteurs de la société qui exigent sa démission après les actes de violence enregistrés dans le pays à la suite de l’augmentation des prix des produits pétroliers. Selon un parlementaire proche du Palais national et bien placé au bureau de la Chambre des députés, le président de la République ne veut pas lâcher son Premier ministre. Des députés du bloc majoritaire sont déjà en campagne pour dégager une majorité en faveur du gouvernement lors de la séance d’interpellation fixée au samedi 14 juillet.
« Le Premier ministre m’a fait savoir qu’il a bien reçu la lettre d’interpellation de la Chambre des députés et qu’il compte se présenter au Parlement samedi prochain », a rapporté au Nouvelliste une source parlementaire. Jack Guy Lafontant aurait fait savoir à des parlementaires qu’il ne démissionnerait pas et voudrait regarder les députés proches du pouvoir droit dans les yeux pour voir s’ils auront « l’audace de lui donner un vote de non-confiance ». Le chef de la Primature leur donne rendez-vous à la Chambre des députés, a indiqué au journal plusieurs sources parlementaires.
Interrogé par Le Nouvelliste pour savoir si le président Jovenel Moïse a demandé au Premier ministre de démissionner ou pas, le conseiller spécial du chef de l’Etat, Guichard Doré, a répondu en ces termes de façon laconique : « Je n’ai pas cette information.» D’autres conseillers du président ont préféré ne pas répondre à la question.
La position des 16 députés interpellateurs est arrêtée. Ils n’attendent que samedi pour voter contre le gouvernement. Dans le bloc majoritaire, des voix discordantes ont déjà fait savoir qu’ils ne font plus confiance à Jack Guy Lafontant, c’est le cas du député de Saint-Marc.
Samuel D’Haïti, membre du bloc majoritaire qui soutient les actions du pouvoir, est formel : Le Premier ministre doit partir le plus vite possible. « Jack Guy Lafontant a prouvé son incapacité à diriger le pays », a fulminé le parlementaire. Il a révélé au Nouvelliste que lui et un groupe de députés de l’APH allaient voter contre le Premier ministre lors de la séance d’interpellation avortée.
Pour le député de Corail, Wolf Papillon, membre du bloc majoritaire à la Chambre basse, il avait clairement mis en garde le chef de l’État lors d’une rencontre jeudi dernier sur les conséquences que pourrait avoir une augmentation du prix de l’essence sur le marché local. Pour le parlementaire, Jovenel Moïse n’a maintenant plus le choix, il doit renvoyer le Premier ministre et son gouvernement. Selon lui, seul un nouveau gouvernement peut rassurer les esprits.
Le député Wolf Papillon, qui avait fait ces déclarations dimanche dernier au Nouvelliste, soutient que le président doit donner un coup de balai dans son entourage et que le Premier ministre doit démissionner, mais apporte des nuances mercredi sur Radio Magik 9. Selon lui, il s’agit de sa position personnelle, non celle du bloc de l’APH. Pour lui, les actes de violence enregistrés les 6, 7 et 8 juillet ne concernent que Port-au-Prince qui, a-t-il souligné, n’est pas la République d’Haïti.
Au Sénat, la tension monte contre le Premier ministre. Même des sénateurs qui, généralement, soutiennent la position du gouvernement commencent à changer de position.
« Je ne crois pas que le Premier ministre devrait attendre qu’on lui demande de démissionner dans la mesure où, en tant que chef du gouvernement, il savait que la population n’était pas prête à accepter une augmentation des prix des produits pétroliers », a déclaré jeudi au Nouvelliste le sénateur Jean Renel Sénatus. « Il a failli à sa mission comme Premier ministre, a-t-il fulminé. Aujourd’hui encore, il n’est pas en mesure de dire combien de citoyens haïtiens ont été tués pendant les mouvements de protestation. »
Selon le sénateur Jean Renel Sénatus, si le Premier ministre s’accroche à son poste, c’est parce que le chef de l’État le veut. Jovenel Moïse, a-t-il affirmé, « pense pouvoir gérer le pays comme ses plantations de bananes, c’est pourquoi il n’a pas demandé la démission de son chef de gouvernement. Il veut avoir sous ses ordres quelqu’un qui n’a pas de colonne vertébrale, un zombi, un figurant… », a tancé l’élu de l’Ouest.
Pour le parlementaire, le chef de l’État ne respecte personne. « Il a monnayé les parlementaires », a dénoncé Jean Renel Sénatus. Pour lui, la population devrait commencer à questionner les députés et les sénateurs. « Les parlementaires n’ont pas de colonne vertébrale. Ils sont des cons. Nous sommes des salauds au niveau du Sénat et de la Chambre des députés. La population doit venir nous demander des comptes au Parlement comme elle l’a fait avec les entreprises de Boulos », a balancé sans langue de bois le sénateur Sénatus.
Le secteur des affaires, une partie de la classe politique, la Fédération des maires d’Haïti, des organisations de la société civile, le secteur religieux, entre autres, ont tous déjà réclamé, en faisant savoir au président de la République, la démission du Premier ministre Jack Guy Lafontant.
Robenson Geffrard
Le Nouvelliste