Le budget 2018-2019 passé au crible par Kesner Pharel

Une semaine après le dépôt du budget 2018-2019 au Parlement dans le délai fixé par la loi, le P.D.G. du Group Croissance S.A. l’économiste Kesner Pharel, a expliqué, le jeudi 5 juillet 2018, à l’hôtel Royal Oasis, les grandes lignes du projet de loi de finances pour le prochain exercice fiscal. Pour le patron du Group Croissance, le budget 2018-2019 suit la même tendance que les autres lois de finances pour cette décennie : plus de recettes, plus de dépenses courantes et taux de croissance faible.

Dans le souci de permettre aux citoyens de comprendre le projet de loi de finances, l’économiste Kesner Pharel partage avec le grand public, depuis des lustres, un résumé des travaux effectués par l’Observatoire du système financier haïtien (OSFH) sur le document budgétaire déposé au Parlement. Cette année, le numéro un du Group Croissance a attiré l’attention sur l’importance de ce budget qui est le dernier pour cette décennie post-tremblement de terre. Avant de souligner les tendances observées, l’économiste a avancé les prévisions relatives aux indicateurs économiques. Malgré une augmentation de 22% de l’enveloppe budgétaire estimée à 176,28 milliards de gourdes pour l’exercice 2017-2018, la prévision de croissance est fixée autour de 3,8%.

« Après le tremblement de terre de 2010, le pays avait pris l’engagement, de concert avec la communauté internationale, à travers le Plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH) pour que l’économie haïtienne croisse dans une fourchette de 5 à 10%. Mis à part le taux de croissance de 5,5% enregistré en 2010-2011, le pays n’a jamais atteint le niveau de 5% », a indiqué Kesner Pharel, soulignant qu’il faut questionner à la fois les décideurs nationaux et internationaux qui prenaient des décisions importantes pendant cette décennie. Pour l’exercice fiscal en cours, le gouvernement a révisé à la baisse le taux de croissance fixé initialement à 3,9% pour le faire passer à 2%. Avant d’aborder cet indicateur, M. Pharel a aussi souligné l’évolution de la démographie du pays, passant de 9,9 millions d’habitants en 2009 à 11 millions en 2018.

Dans son exposé, l’économiste Kesner Pharel a démontré aussi l’évolution du

taux de change à partir d’une représentation graphique pour cette décennie. Le taux de change, situé dans une fourchette de 40 à 45 gourdes, était relativement stable pendant les cinq premiers exercices de cette décennie, d’après le P.D.G. du Group Croissance. « Cette stabilité du dollar par rapport à la gourde était influencée par le volume de devises qui rentraient dans le pays après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 », a expliqué M. Pharel, soulignant que le taux de change a finalement dérapé pendant les cinq prochaines années fiscales pour passer de 46,65 à près de 68 gourdes actuellement.

Un taux d’inflation en glissement annuel de 13, 6% est prévu par le gouvernement dans le budget 2018-2019 déposé au Parlement, la semaine dernière. « Le taux d’inflation était inférieur à 10% jusqu’à peu près l’année 2015 grâce aux effets du volume des devises reçues après le séisme. Au cours de la deuxième partie de cette décennie, le taux d’inflation a pris de l’essor pour passer au-dessus de 10%. Il y a un taux d’inflation extrêmement élevé et un taux de croissance très faible. En ce sens, le pouvoir d’achat des citoyens ne cesse de diminuer une fois que leurs revenus n’ont pas augmenté », a argué Kesner Pharel, soulignant qu’il est plus difficile pour les pauvres quand le taux d’inflation est supérieur à 10%.

Augmentation des recettes et des dépenses, les résultats remis en question

Après avoir présenté et analysé les indicateurs économiques, le patron du Group Croissance a fait un survol sur les recettes et les dépenses de l’État pendant cette décennie. Les recettes de l’État représentaient seulement 36 milliards de gourdes pour l’exercice 2010-2011. Chaque année, les recettes ne cessent d’augmenter. Elles sont passées à 46 milliards, 52 milliards de gourdes, 51 milliards de gourdes, 60 milliards de gourdes, etc. Pour l’exercice 2018-2019, le gouvernement a prévu d’atteindre le niveau de 125 milliards de gourdes. « C’est pour la première fois que le pays va franchir la barre de 100 milliards de gourdes en termes de ressources financières », a fait remarquer Kesner Pharel, précisant qu’il y a un changement structurel dans l’économie haïtienne durant cette décennie. « Les recettes augmentent mais pour quels résultats ? », s’interroge-t-il. Les recettes internes sont chiffrées à 100,5 milliards de gourdes et les recettes douanières à 24,48 milliards de gourdes. En total, les ressources domestiques, précise M. Kesner Pharel, sont passées de 93,4 milliards de gourdes à 124,98 milliards de gourdes.

Contrairement aux recettes domestiques, les dons ne font que diminuer pendant cette décennie. Dans le budget 2018-2019, les prévisions pour les dons sont chiffrées à 30,29 milliards de gourdes dont seulement 5,74 milliards de gourdes en appui budgétaire et 22,5 milliards de gourdes en aide projets. Pour l’économiste Kesner Pharel, le fait d’avoir plus d’argent ne veut pas dire forcément qu’il va y avoir une meilleure performance économique. Au cours des premières années de cette décennie, les dons et le fonds PetroCaribe étaient plus importants. Parmi les voies et moyens pour arriver aux 176,28 milliards de gourdes, le gouvernement prévoit 21, 01 milliards comme financement, 11,56 milliards de gourdes à partir des tirages sur emprunts, 3 milliards de gourdes sur les bons du Trésor et 6,46 milliards de gourdes sur d’autres financements internes des projets. « Sur chaque 100 gourdes qui vont être dépensées dans le cadre du budget, les citoyens vont contribuer à hauteur de 70 gourdes », a révélé Kesner Pharel.

Au même titre que les recettes, les dépenses augmentent. Kesner Pharel a souligné que les dépenses totales sont passées de 105,2 milliards de gourdes à plus de 157 milliards de gourdes selon les prévisions du gouvernement cette année. Les dépenses de fonctionnement continuent d’augmenter. « Les recettes sont beaucoup dirigées plus vers la consommation que l’investissement », a démontré le P.D.G. du Group Croissance, précisant que les dépenses courantes représentent plus de 50% du budget. Il a expliqué que dans les dépenses courantes, se trouve la masse salariale qui va passer de 35 milliards de gourdes à 45,66 milliards de gourdes. M. Pharel a mis l’accent également sur le fait que 55,7% des dépenses courantes soient allouées au paiement des salaires des employés de l’État.

Le patron du Group Croissance revient sur l’arrêté du 29 mars 2017 pris par le Premier ministre Jack Guy Lafontant, annonçant qu’il va réduire le train de vie de l’Etat. « Les dépenses de l’Etat effectuées dans la rubrique des biens et services étaient de l’ordre de 20,3 milliards de gourdes l’année dernière et passent dans le budget récemment déposé pour le prochain exercice à 29,94 milliards de gourdes, soit une augmentation de 47%. », a souligné l’économiste.

En ce qui concerne les transferts et les subventions, ils sont fixés à 10,90 milliards de gourdes. M. Pharel a souligné que les subventions accordées aux parlementaires font partie de cette rubrique. D’un autre côté, l’économiste a fait remarquer que sur chaque 100 gourdes collectées dans la rubrique des ressources domestiques, 35 gourdes seront dépensées pour payer les salaires et 24 gourdes pour faire des acquisitions de biens et de services. « Nous mettons plus d’argent pour acheter des biens et services que dans l’investissement », regrette Kesner Pharel.

Le service de la dette est chiffré dans le budget 2018-2019 à 24,84 milliards de gourdes et représente la plus grande allocution budgétaire dans le projet de loi de finances 2018-2019. « Le pays va payer chaque mois 2 milliards de gourdes. Le gouvernement met plus d’argent dans le service de la dette que dans l’éducation », déplore l’économiste Kesner Pharel. Le patron du Group Croissance a aussi présenté l’allocation des crédits budgétaires avant de conseiller de mettre de l’ordre dans les dépenses.

Gerard Junior Jeanty Source Le Nouvelliste

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