Boulo, « Au cœur ça fait mal »
Source Claude Bernard Sérant | Le Nouvelliste
Boulo Valcourt, quel parcours ! le chanteur de charme de Caribbean Sextet, Boulo, le crooner à l’éternelle guitare en bandoulière nous a charmés à différentes époques de sa vie dans divers groupes musicaux : Les Copains, Les Gilbreteurs, Ibo Combo, Pikliz, Boulo et les Boulettes, Djanm, Haitiando. Les succès de ce compositeur et arrangeur («La pèsonn », « Kòk gagè », « Chache yon frèt pou kale dada w », « Lagonav ») courent les rues. Ce vendredi, sans keyboard, sans guitare, sans micro, l’artiste a pris le chemin de l’éternité. Il est parti rejoindre les étoiles, là-haut, après cinquante ans de carrière derrière lui.
Au cœur ça fait mal, Boulo. J’ai appris la nouvelle, le vendredi 17 novembre, dans l’après-midi, un après-midi triste qui s’ouvre sur une ville sans lumière noyée dans le black-out. Dans cette ville sombre, abandonnée, défigurée et croulant sous les immondices, j’ai repassé dans ma mémoire notre dernière rencontre. Tu étais venu à la maison avec le cinéaste haïtien Kendy Vérilus et l’ethnomusicologue américaine, la pianiste, Rebecca Dirksen, pour aller prendre un verre avec moi à l’hôtel Oloffson. Tu rayonnais de joie, n’arrêtant pas de dire « Mon ami, le disque que tu as en main, c’est du cent pour cent Boulo ». Oui. Toi qui as collaboré avec des chanteurs et musiciens de tous horizons (Réginald Policard, Lionel Benjamin, Mushy et Joël Widmaier, Philippe (Toto) Laraque, Jean Jean Laraque, Lénor Fortuné (Azor), Ralph Tamar, José Tavernier, Gérald Merceron, Eddy Prophète, Dadou Pasquet, Buyu Ambroise), tu n’as jamais pensé à produire un album solo. Toi qui as fourni un encadrement hors pair à des artistes talentueux (Émeline Michel, Tifane, Darline Desca, Beethova Obas, Alan Cavé, Tamara Suffren), tu avais trop souvent oublié de te concentrer sur toi ; tu portais avec entrain le projet des autres. Quelle générosité !
Pendant toute la soirée, on parlait de ton premier album solo « Au cœur ça fait mal ». Un bel album que le monde doit connaître et apprécier pour sa coulée d’or musical. Il était prévu que l’on aille à New York, Kendy, Rébecca, toi et moi, pour la promotion de ce recueil de pépites. Kendy Vérilus, le réalisateur de « La danse des pieds », « Haïti, l’année zéro », « Libéra San fen », avait dit, je m’en souviens, que cet opus allait ouvrir un nouvel horizon pour toi.
Revisiter notre trésor de rythmes
Grâce à l’ethnomusicologue américaine et au cinéaste haïtien, cet album est venu au monde. Dans l’un de mes articles qui annonçait la vente-signature de cet album solo, j’avais souligné tes propos : « »Kè mwen fè m mal » est du pur Boulo. Durant toute ma vie, j’ai collaboré avec plusieurs artistes. Mais quand j’ai rencontré Kendy Vérilus et Rebecca Dirksen, je me suis embarqué dans cette aventure qu’ils m’ont proposée : faire du Boulo ».
Rebecca Dirksen, lors d’un concert à quatre mains, – qui a marqué le public haïtien à l’occasion du 35e anniversaire de la Banque de la République d’Haïti – t’a permis de revisiter notre trésor de rythmes. Je me demande : ce projet n’a-t-il pas germé dans la tête de Dirksen dans cette période de recherche intense sur la musique haïtienne ? Notons, pour contextualiser que, en 2014, l’Américaine avait effectué, sur le plan classique, cette recherche universitaire avec Micheline Laudun Denis dans « Les héritages oubliés revisités ». Madame Denis, cette grande pianiste haïtienne, sacrée par la République française Chevalier de l’ordre des arts et des lettres, avait offert avec l’ethnomusicologue un spectacle inoubliable à l’hôtel Oasis.
Elle a du flair, Rebecca. Elle a servi de catalyseur pour porter Boulo à exploiter un répertoire qu’il connaît à fond, des rythmes qui font corps avec l’ethos de l’artiste : konpa, congo, rabòday, rara, ibo, méringue, rasin, chansonnette française, harmonies américaines (blues, funk, rock, soul) qui sonnent George Benson, Chick Korea, Herbie Hancock ; les harmonies brésiliennes dont la bossa nova qui va si bien avec Gilberto Gil et Antonio Carlos Jobim; le creolatino qui souligne les saveurs latines de la Caraïbe.
Ce soir-là, à l’hôtel Oloffson, Kendy avait parlé de ton appétit pour les mets fins et de ton éternelle jeunesse. Ton visage jovial souriait. Dans cette bonne humeur, tu avais promis de sortir plusieurs pépites de ta banque de données musicales. Rebecca et Kendy, pour leur part, s’étaient promis de t’encadrer encore une fois et d’aller plus loin.
Je te disais, entre deux gorgées de bière, que l’album avait fait sensation sur moi, au point que je le tourne chaque jour dès que je prends le volant. Sur les routes, chante dans ma tête, l’album de A à Z.
Un dream team autour de Boulo
Boulo avait travaillé cet opus, une production de Manoumba Records, comme si c’était……………………………….lire la suite sur lenouvelliste.com