Le créole enseigné à plus de 80 fonctionnaires chiliens : bonne nouvelle pour nos Haïtiens là-bas

Source Riphard Serent, MPA / Economiste / riphardserent@gmail.com | Le Nouvelliste

Le Chili veut-il de plein gré et sans contrepartie offrir une alternative à nos jeunes Haïtiens et Haïtiennes en quête d’un emploi et d’une vie meilleure à l’étranger, face à l’atonie de l’économie haïtienne qui n’arrive même pas à maintenir une croissance moyenne d’au moins 5% sur une période de 5 ans ?

En fait, après deux mois de classe, le premier cours de base en langue créole à l’intention de plus de 80 fonctionnaires du Département des migrations (DEM) du Chili vient de prendre fin, selon ce qu’a indiqué l’institution dans son dernier communiqué. Ce cours de créole, mis sur pied par le DEM et dispensé par l’Haïtien Emmanuel Cimméus, qui est également fonctionnaire à ce Département, s’inscrit dans une politique de facilitation des demandes de permis de résidence produites par nos compatriotes au Chili.

Le chef du DEM, Gabriella Cabellos, qui a procédé à la remise des certificats, a profité pour féliciter les participants d’avoir réussi ce cours de créole, car ils sont en mesure maintenant de mieux communiquer avec les immigrants haïtiens qui sollicitent les services de l’Office de l’immigration chilienne.

La mise sur pied de ce cours de créole à l’intention des fonctionnaires chiliens du Département des migrations prouve que les autorités chiliennes sont conscientes que presque tous les Haïtiens qui voyagent vers le Chili ces derniers temps ne sont pas des touristes, bien qu’on leur exige des conditions de voyage qui ne rentrent que dans un cadre d’une politique touristique chilienne.

Il est à remarquer que sur le site Internet même du Département des migrations du Chili (DEM), un onglet en créole intitulé «Kondisyon pou Rezidans» est affiché clairement avec des informations disponibles dans notre langue maternelle pour nos compatriotes désireux d’appliquer pour un permis de résidence au Chili.

Il faut dire qu’en l’espace de trente ans, plus de 300 000 étrangers se sont installés au Chili. Selon l’Annuaire statistique de la migration chilienne, entre 1992 et 2014, ils sont passés de 105 000 à 411 000, soit 2,3% de la population totale, loin des 13% de la moyenne dans les pays de l’OCDE. D’un autre côté, selon les chiffres du DEM, 72% des étrangers vivant au Chili avaient un visa de travail en 2015. Ces derniers ont généralement un niveau d’éducation supérieur à celui des nationaux et un taux d’occupation également plus élevé (72% contre 52%).

Bien qu’elle génère des retombées très positives sur l’économie haïtienne en général, à travers cette nouvelle source importante de rentrée de devises (les transferts) d’environ 7,5 millions de dollars par mois, cette migration massive et délibérée des Haïtiens vers le Chili devient une question de plus en plus sérieuse et préoccupante. Elle traduit, entre autres, notre faillite en matière de gouvernance économique et l’incapacité des «policy makers» à mettre en œuvre des politiques publiques capables de répondre aux besoins de nos jeunes.

Même si le Chili n’a pas été le deuxième pays de provenance des transferts privés de la diaspora haïtienne en juin dernier, car la France l’a devancé pour seulement environ 2 millions de dollars de plus, ce pays d’Amérique du Sud terminera sans nul doute l’année 2017 parmi l’un des trois principaux fournisseurs de ces transferts à l’économie haïtienne devant le Canada pour la première fois.

Ceci dit, une analyse de l’évolution de ces envois de fonds des travailleurs migrants révèle que la croissance de ces derniers en provenance du Chili devrait dépasser les 100% en 2017 par rapport à 2016.

Haïti doit plus que jamais renforcer ses relations diplomatiques avec le Chili et profiter de ce momentum pour étendre la générosité des autorités chiliennes vers des programmes conjoints de bourses d’études pour nos jeunes Haïtiens et Haïtiennes, en attendant la résolution de ces crises au niveau de nos universités et dans l’espoir que nous préconiserons un jour une meilleure politique éducative dans ce pays.

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