Haïti – Économie: Les problèmes socio-économiques actuels persisteront malgré la mise en place d’un gouvernement provisoire

 

Après environ 41 jours de tergiversations, de diversions, de tractations et de matraquage politiques, le pays est finalement doté d’un gouvernement provisoire. Ce dernier aura bien sur à faire face à de grands défis politiques, sociaux et surtout économiques, bien que ces deux derniers défis ne soient pas vraiment des priorités pour ce gouvernement de soit disant 120 jours, selon les termes de l’accord du 5 Février dernier.

Il y a quelques semaines, le président provisoire Jocelerme Privert était clair sur les 4 grands axes prioritaires sur lesquels est fondée sa présidence, des éléments qui n’ont rien à voir avec des questions de palliatifs économiques ou d’apaisement social. Entre temps, les incertitudes politiques continuent de peser lourdement sur l’avenir économique du pays, avec notamment cette quasi-impossibilité de réaliser des élections le mois prochain pour doter le pays d’un président élu le 14 Mai prochain et compléter le parlement.

Même si on prorogerait le mandat de ce gouvernement provisoire pour quelques mois de plus, il sera très difficile pour ne pas dire impossible d’avoir le temps et les moyens nécessaires pour mettre en œuvre des politiques visant à faire baisser l’inflation d’au moins 40%, de prendre des mesures pour freiner la dépréciation continue de la gourde qui affecte même les chiffres d’affaires de certaines grandes entreprises en Haïti qui génèrent des revenus en gourdes et contractent des dépenses en dollar américain et implémenter des projets de politique pour empêcher à ces 1.5 millions d’haïtiens d’être basculés dans l’insécurité alimentaire, ce qui porterait le nombre à 5 millions de personnes, selon les prévisions de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO).

Le comportement de quelques indicateurs économiques clés durant ces deux derniers mois montre que nous allons perdre le deuxième trimestre de l’exercice en cours à cause des soubresauts politiques. D’un autre côté, les perspectives économiques pour le 3ème trimestre, qui commence à partir de ce Vendredi prochain, ne sont pas trop prometteuses par rapport aux grandes préoccupations politiques liées au redémarrage du processus électoral pour doter le pays d’un président élu au suffrage universel et rentrer dans l’ordre constitutionnel. En effet, le plus grand problème demeure la persistance de la cherté de la vie dans le pays, alors que les gens n’ont pas de revenus, les prix des biens et services continuent d’augmenter, et ceci de manière célère, car l’inflation a gagné plus de 10 points de Janvier à Février 2016 pour passer de 13.3% à 14.4%. Cette tendance risque d’afficher un taux proche de 15% pour ce mois de Mars.

Donc il est clair que la mise en place de ce gouvernement provisoire ne va pas vraiment changer les données. Les problèmes socio-économiques persisteront car il n’y a pas moyens de les résoudre dans quelques semaines ou quelques mois devant ce tableau politique sombre, les marges de manœuvre de la BRH pour contenir la dépréciation de la gourde et garantir la stabilité des prix sont totalement réduit, le budget de la République (moins de $ 2.5 milliards) est trop maigre pour relancer l’économie, pendant que les prêt internationaux et les programmes de développement pâtissent depuis quelques mois.

Devant cette situation très précaire qui risque d’aggraver cette crise économique sans précédent, il faut que les acteurs politiques trouvent une formule stratégique pour poursuivre avec le processus électoral et réaliser le reste des élections dans un plus bref délai, en vue de mettre un terme à cette instabilité politique et institutionnelle, l’une des principales causes de la dégradation économique et sociale du pays durant ces derniers mois.

Riphard Serent, MPA (Policy)

Economiste

riphardserent@gmail.com

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