Haïti – Politique : «Une situation de transition dont la sortie ne sera pas facile» dixit Gustavo Gallón

Source / HaïtiLibre 

Mercredi à Genève, le Conseil des droits de l’homme a tenu, au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, un dialogue interactif avec Gustavo Gallón, l’Expert indépendant chargé, de la situation des droits de l’homme en Haïti.

Présentant son rapport, M. Gallón a constaté qu’Haïti se trouvait dans une situation de transition dont la sortie ne sera pas facile. Mais, il a demandé au Conseil d’apprécier les efforts que les dirigeants actuels ont consentis jusqu’à présent. La fragilité de la gouvernance en Haïti souligne toutefois l’urgence d’organiser des élections pour améliorer la situation des droits de l’homme, a dit M. Gallón. L’Expert indépendant a regretté que quatre de ses recommandations relatives à l’analphabétisme, à la détention préventive prolongée, à la lutte contre l’impunité et aux conditions de vie des personnes vivant dans les camps n’aient pas fait l’objet d’une attention suffisante.

Un groupe de pays amis d’Haïti a salué le processus électoral engagé depuis octobre dernier et lancé un appel au dialogue constructif entre tous les acteurs politiques. Les amis d’Haïti lui demandent de poursuivre les réformes tendant au renforcement de l’état de droit et au bon fonctionnement des institutions étatiques, de la justice et de la police. Le Gouvernement haïtien a été prié aussi de réduire les inégalités et de protéger les droits des femmes et des enfants. Les délégations ont appuyé le renouvellement du mandat de l’Expert indépendant. Il a été observé également qu’en raison de la complexité de la situation en Haïti, il était essentiel de prendre en compte les besoins immédiats et réels de ce pays, en matière de sécurité alimentaire, de reconstruction de l’infrastructure et la lutte contre la pauvreté. De nombreuses délégations ont pris part à ce débat.

M. Gustavo Gallón, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, a rappelé avoir recommandé aux autorités haïtiennes, dès son premier rapport il y a deux ans, de concentrer leurs efforts sur plusieurs aspects qu’il jugeait particulièrement inquiétants, en particulier l’analphabétisme, la détention préventive prolongée, l’absence d’élections ou l’impunité concernant les violations passées.

Il a estimé que des efforts importants avaient été faits sur le plan démocratique, avec l’installation d’un nouveau Gouvernement chargé d’organiser des élections qui ont donné lieu à des scrutins en août et octobre dernier. En revanche, le second tour de l’élection présidentielle, qui était prévu en décembre, a dû être reporté à la suite de protestations populaires face aux résultats du vote. Un accord conclu le 5 février a permis l’élection par les deux chambres du Parlement de M. Jocelerme Privert comme président provisoire à partir du 7 février, date de la fin du mandat du président sortant, en attendant le second tour de l’élection présidentielle, prévu en même temps que les législatives et les élections locales, le 24 avril prochain. L’accord a permis un passage pacifique du président sortant aux nouvelles autorités, ce qui «n’est pas négligeable» dans le contexte des tensions politiques en Haïti, a estimé M. Gallón. En revanche, le Premier ministre pressenti, Fritz Jean, n’a pas obtenu l’investiture du Parlement, et les affaires courantes sont actuellement expédiées par le Premier ministre sortant Evans Paul.

Pour l’Expert indépendant, Haïti se trouve donc «dans une situation de transition assez embrouillée dont la sortie n’est pas facile». Dans ces conditions, il estime qu’il faut apprécier les efforts que les dirigeants actuels ont consentis jusqu’à présent pour trouver une «solution civilisée» à ce problème au moyen du dialogue politique, tel que conseillé par la commission nationale d’évaluation électorale. M. Gallón estime que ces efforts méritent le soutien de la communauté internationale. L’expert indépendant estime que la fragilité actuelle de la gouvernance en Haïti vient confirmer la pertinence d’inclure l’organisation des élections parmi les cinq recommandations urgentes formulées en matière de droits de l’homme.

Il a estimé en revanche que ses autres recommandations n’avaient pas fait l’objet d’une attention suffisante. Il a ainsi estimé qu’au rythme actuel, la réduction de l’analphabétisme, qui touche environ la moitié de la population, prendra au moins vingt ans. De même, malgré une volonté très positive du Ministre de la justice, la campagne de libération des personnes arrêtées arbitrairement et en détention préventive prolongée a eu peu d’effet. Ces personnes représentent encore 72 % des personnes incarcérées dans le pays, ce qui contribue aussi à la surpopulation carcérale. En matière de lutte contre l’impunité, M. Gallón a réitéré sa recommandation tendant à créer une commission Vérité, justice et réparation pour les graves violations des droits de l’homme commises par le passé.

L’Expert indépendant a également rappelé que 60 000 personnes étaient toujours déplacées dans des camps à cause du tremblement de terre de janvier 2010 et de cyclones, soit un chiffre similaire à celui de l’an dernier. Il a également mentionné le sort douloureux de plusieurs milliers d’Haïtiens ou de personnes d’origine haïtienne enjoints de quitter «sous pression» la République dominicaine et installés dans des conditions très précaires dans des camps exposés aux épidémies, dont le choléra.

M. Gallón a par ailleurs insisté sur sa recommandation tendant à créer une commission Vérité, justice et réparation pour faire respecter les droits de plus de 9000 victimes du choléra. À cet égard, l’Expert indépendant a rappelé que, le 23 octobre 2015, cinq titulaires de mandat de procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme avaient adressé une lettre au Secrétaire général pour insister sur la nécessité de donner accès à ces victimes à un mécanisme de prise en considération de leurs demandes.

En conclusion, M. Gallón a exprimé l’espoir que les difficultés de gouvernance actuelle puissent être surmontées et permettre l’adoption d’une politique de droits de l’homme concentrée sur ses recommandations. Il a également estimé que les droits des femmes devraient être considérés de façon prioritaire, étant donné leur situation de vulnérabilité. Il a souhaité que soit désignée «au plus haut niveau du Gouvernement, une personne responsable des droits humains», comme cela avait été le cas jusqu’en décembre 2014.

Haïti a salué la pertinence et l’objectivité du rapport de M. Gallón, qui a pu constater à la fois la complexité de la situation, mais aussi les efforts du Gouvernement. À ce titre, plusieurs mesures et initiatives ont été prise, notamment dans le domaine de la détention préventive prolongée, un problème récurrent. Le gouvernement haïtien a lancé un programme dit « Opération coup de poing » permettant de concerner un nombre significatif de personnes détenues préventivement et de manière prolongée. Ce programme, qui vise à réduire le phénomène à défaut de l’éliminer, inclut également la rédaction d’un projet de code de procédure pénale. Le problème de l’analphabétisme est abordé par des campagnes de sensibilisation qui exigent toutefois des moyens considérables s’inscrivant dans le long terme.

Le représentant a ensuite présenté la situation politique du pays, née du report des élections présidentielles initialement prévue le 24 janvier dernier : un nouveau Premier Ministre a été désigné hierhttp://www.haitilibre.com/article-16952-haiti-flash-enex-j-jean-charles-nouveau-premier-ministre-nomme.htmlhttp://www.haitilibre.com/article-16954-haiti-politique-qui-est-enex-jean-charles.html après que la déclaration de Politique générale de son prédécesseur ait été rejetée dimanche soir par la Chambre des députéshttp://www.haitilibre.com/article-16930-haiti-flash-la-declaration-de-politique-generale-est-rejetee.html. Cette nomination intervient dans le cadre de « l’Accord politique pour continuité institutionnelle à la fin du mandat du Président de la République en l’absence d’un président élu et pour la poursuite du processus électoral entamé en 2015 ». Le Gouvernement a également pris des mesures dans le domaine de la crédibilité judicaire, notamment avec la mise en disponibilité de plusieurs juges pour des manquements à leurs devoirs et d’un juge pour négligence dans le traitement des dossiers qui lui étaient confiés.

Le gouvernement a également pris lire la suite sur haitilibre.com

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