Haïti – Économie: Déclaration de politique générale rejetée, les conséquences économiques sont à venir
Comme toute la presse en parle, la déclaration de politique générale du premier ministre nommé a été sanctionnée ce Dimanche dernier à la chambre des députés avec 38 députés pour, 36 contre et une abstention. Donc, la politique générale du premier ministre nommé, Fritz Alfonse Jean, n’a pas eu la bénédiction du parlement et a été rejetée.
Si certains se réjouissent de ce vote de non confiance, d’autres, notamment des économistes et des acteurs avisés du pays, sont conscients que ce vote défavorable aura des conséquences socioéconomiques graves sur le pays, car la pérennisation de l’instabilité politique et institutionnelle, ou encore l’aggravation de cette crise politique avec l’absence d’un chef de gouvernement, ne manquera pas d’avoir des coûts économiques énormes que l’on pourra difficilement quantifier et rattraper à l’avenir. Il est de toute évidence que doter le pays d’un gouvernement provisoire maintenant ne veut pas dire que la crise politique est résolue et que tout va être rose pour l’économie. Cependant, les conséquences de ne pas avoir ce gouvernement sont beaucoup plus importantes.
Il faut rappeler que nous sommes à quelques jours de la fin du deuxième trimestre de l’exercice fiscal en cours. Un deuxième trimestre perdu en raison des soubresauts politiques depuis Janvier dernier, notamment avec l’annulation du deuxième tour des élections qui a ainsi accouché un président provisoire qui lui-même, après plus d’un mois, n’arrive pas à doter le pays d’un gouvernement pour poursuivre avec le processus électoral et mettre un peu de stabilité dans les institutions publiques.
Si pour l’exercice précédent le taux de croissance de l’économie, sur une base trimestriel, a été en moyenne de 0.42%, pour ce deuxième trimestre (janvier- mars 2016) de l’exercice en encours, l’absence d’un gouvernement, combinée aux effets du marché, devrait engendrer un taux de croissance presque négatif, aussi bien qu’une dépréciation continue de la gourde par rapport au dollar américain et un taux d’inflation supérieur à 14% pour le mois de Mars 2016. Il faut mentionner que ce taux d’inflation a déjà atteint le niveau de 14.4% pour le mois de Février 2016, selon les derniers chiffres rendus publics ce weekend dernier par l’IHSI.
D’un autre coté, les conséquences de l’augmentation du taux de change depuis quelques mois se font sentir, entre autres, dans les chiffres d’affaires de plusieurs grandes et moyennes entreprises en Haïti, et ce qui est inquiétant c’est que la Banque de la République d’Haïti (BRH) n’a presque plus de marge de manœuvre pour intervenir sur le marché des changes avec des réserves nettes de change déjà en nette baisse et que le pays n’a pas la capacité de générer des devises face à cette conjoncture politique et économique des plus incertaine.
En fait, depuis plusieurs années nous assistons à une récession continue des activités économiques en Haïti, et cette récession devrait continue pour l’année 2016, selon toutes prévisions, en raison de cette conjoncture politique qui ne laisse pas présager une période de stabilité pour les deux trimestres restant de l’exercice fiscal.
Donc, depuis plus d’un mois, Haïti n’a pas de chef de gouvernement, il n’y a pas de politique gouvernementale pour aborder ou répondre à un ensemble de problèmes (politiques, institutionnels et économiques) auxquels le pays fait face. La situation socioéconomique du pays se détériore et continuera à se détériorer, des millions d’haïtiens sont aux abois, l’administration publique est censée maintenant livrer à elle-même et nous ne devons pas nous étonner si dans les jours à venir nous constatons que les services publics s’avèrent des plus exécrables, que des employés du secteur public n’arrivent pas à trouver leurs salaires convenablement et que les recettes fiscales pour le deuxième trimestre de l’exercice sont en nette baisse par rapport au trimestre précédent.
Il faut donc finir avec les tractations et les matraquages politiques pour doter le pays d’un gouvernement le plus vite que possible pour éviter le pire dans les mois à venir.
Riphard Serent, MPA (Policy)
Economiste