La chute économique du Brésil

Voila le titre qui est apparu cette semaine dans les colonnes du journal français Le Monde. La raison est bien simple. Le Brésil est le pays qui a connu, le 6 octobre dernier, la plus forte révision à la baisse des prévisions de croissance par le Fonds monétaire international (FMI), de – 1,5 point pour 2015 et – 1,7 point pour 2016. Il parvient finalement à une prévision moyenne de – 3,0 % en 2015, la pire année depuis 1990.

Il est vrai que le Brésil cumule, de façon accentuée et presque caricaturale, la plupart des difficultés du monde émergent actuel  : forte dépendance aux matières premières (70 % des exportations) ; explosion de la dette privée au cours des dernières années (augmentation du ratio dette privée/produit intérieur brut – PIB – d’environ 40 points depuis 2007) ; assez forte dépendance à la Chine (1re source d’exportation, presque 20 % du total) ; baisse de compétitivité-prix ces dernières années (hausses salariales et monnaie surévaluée) ; taux d’inflation de 9,5 % en glissement, malgré la récession  ; déficit courant (proche de 4 % du PIB).

L’on se demande, comment le Brésil, celui du charismatique Lula, qui a sorti une quarantaine de millions de Brésiliens de la pauvreté, grâce à d’amples programmes sociaux, a-t-il pu perdre autant de sa superbe. Qu’ils soient de gauche ou de droite, la plupart des analystes et autres économistes en conviennent. «La faute à un modèle de développement mal calibré, de courte vue et qui a cédé aux sirènes de la facilité, celles de matières premières», expliquent-ils en substance. Longtemps considéré comme la locomotive de l’Amérique latine, avec une croissance de 7,5 % en 2010, et puissance phare des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud), le Brésil additionne erreurs politiques, mauvaise gouvernance, corruption, inflation et chômage. En regardant leur passé proche, celui des années Lula et celui de Dilma Rousseff, les Brésiliens découvrent que la croissance économique des années fastes n’a pas été synonyme d’industrialisation. «Pire, cette croissance s’est accompagnée d’une désindustrialisation», estime Guillaume Tresca, économiste au Crédit Agricole. «Le Brésil des années Lula a profité du boom des matières premières. En exportant minerais et autres énergies fossiles le pays avait de quoi satisfaire l’appétit de l’économie chinoise», poursuit Pierre Salama. Ce qui a permis à la septième puissance économique mondiale de surmonter assez rapidement la crise de 2008. Et de mettre en place des programmes sociaux de lutte contre la pauvreté.»

Certes, le Brésil pouvait se targuer d’avoir comme premier partenaire la Chine. Mais quand la Chine cale, se sont les carnets de commandes des industries agroalimentaires et autres exportateurs d’énergies fossiles qui se sont aussitôt vidés.

A tout vouloir miser sur les matières premières, le Brésil a oublié d’adopter une politique industrielle digne de ce nom. Le Brésil s’est laissé bercer par un modèle d’économie de rente des matières premières. A preuve, le taux d’investissement dans le secteur industriel n’est que de 18% du PIB, contre près du double en Inde et plus de 50% en Chine.»

Cigales hier, les Brésiliens sont devenus fourmis aujourd’hui. L’accès au crédit est de plus en plus difficile. La hausse du chômage ajoutée à une envolée des taux d’intérêt (20% au minimum), n’a fait que renchérir le coût des crédits des Brésiliens endettés souvent à taux variables. Il n’en fallait pas plus pour amorcer un cercle vicieux, dans lequel la baisse de la consommation entraîne une baisse de la production et une chute de l’investissement. Et enfin une hausse du chômage (de 4.8% en 2014 à plus de 7% aujourd’hui).

Malgré cette crise économique, les jeunes haïtiens sont de plus en plus nombreux et déterminés à se rendre au Brésil, et pour évoluer dans la plupart des cas dans des situations très vulnérables.

Etzer S. EMILE

Economiste

Radio Vision 2000

etzeremile@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *