Danser les ombres : Haïti plie mais ne rompt pas
Source Le Figaro | Crédits photo Jacques Gavard
Laurent Gaudé plonge ses lecteurs en apnée dans Port-au-Prince à l’heure du séisme de 2010, pour dresser le portrait d’une ville incroyable et de ses habitants qui, toujours, se relèvent.
Dans les romans et les pièces de théâtre de Laurent Gaudé, la terre finit souvent par gronder. Dans ses précédents romans, c’était à Naples ou La Nouvelle-Orléans. Dans celui-ci, c’est à Port-au-Prince, capitale ravagée par un séisme il y a tout juste cinq ans. La terre, jamais repue, a fini par gronder.
Mais il serait injuste de réduire Danser les ombres à un roman sur la catastrophe. Il dresse avant tout le portrait d’une ville incroyable et de ses habitants qui, toujours, se relèvent. Avant que la terre ne tremble, il faut donc d’abord faire connaissance avec un petit peuple fourmillant de vie et de couleurs, de bruits et d’odeurs, distinguer quelques figures qui incarneront cette humanité palpitante. Il y a Lucine qui revient en ville après l’avoir quittée précipitamment pour venir en aide à sa cadette, fille mère. Elle est de retour pour annoncer au père de sa nièce que sa sœur est morte. Elle doit lui réclamer de l’argent mais le cœur n’y est pas. Et descendant du bus à Port-au-Prince, elle est à nouveau happée par le mouvement frénétique de la cité. Il y a Saul, soigneur au grand cœur, bâtard incorruptible qui préfère soigner les pauvres dans les bidonvilles que se rallier à sa riche famille paternelle. Il y a Tess pilier de «Chez Fessou», une ancienne maison close devenue le rendez-vous des amis où l’on rit, contemple, danse, boit et «on parle un peu de politique». Ceux qui s’y réunissent pour jouer aux dominos sont rejoints par les étudiantes de l’école d’infirmières toute proche qui y apportent leur gaieté et leur jeunesse. Laurent Gaudé sait aussi peindre l’idée du bonheur.
Mais à mi-roman, ce monde qui réapprenait doucement à vivre après les années de dictature, qui se prenait à rêver que «tout pouvait reprendre en ce jour», bascule dans le chaos. Le lecteur qui se détendait, bercé par le ton optimiste de ce roman choral, va passer le reste du roman en apnée. Trente-cinq secondes de tremblements suivies d’une secousse tout aussi meurtrière anéantissent des quartiers entiers, dispersent les familles, frappent dans le tas, semant la mort et la désolation. Les amis surgissent des décombres, empoussiérés, choqués. Ils convergent vers les grandes places et leurs pas résonnent sur les décombres.
Tragédien en embuscade
Roman de vie et de mort, Danser les ombres est un chant d’amour à Haïti, découverte récemment par l’auteur du Soleil des Scorta. Néophyte ne veut pas dire ignorant. Une multitude de détails tirés de lire la suite sur lefigaro.fr