Haïti : Vivre… sans cinéma

Enquête

Par Jacky Marc

P-au-P., 14 déc. 2016 [AlterPresse] — Le rideau est tombé, depuis longtemps, sur le cinéma en Haïti. Plongées désormais dans le noir, les salles demeurent fermées.

Le tremblement de terre du 12 Janvier 2010 a donné le coup de grâce. Il a fragilisé ou détruit ce qui restait des salles de cinéma à Port-au-Prince.

Aller au cinéma n’est plus qu’un souvenir pour certaines générations. Ce loisir collectif disparait. Sans entracte, les marchands ambulants sont l’alternative.

Mission Impossible

Comme dans le film, mettant en vedette l’acteur Tom Cruise, les producteurs, réalisateurs et acteurs haïtiens se livrent à un rude combat. Ils mènent une lutte sans merci contre les vendeurs de copies de DVD de leurs films sur les trottoirs. Sans succès.

Dans les corridors sombres de Port-au-Prince, de vastes ateliers de reproduction fonctionnent fébrilement, nuit et jour. Ils multiplient des films haïtiens, autant que ceux d’auteurs étrangers.

Le support des autorités judiciaires et policières fait défaut pour aider à endiguer ce mal, qui ronge le cinéma haïtien.

Cinéaste, distributeur de films haïtiens, Raynald Delerme fait une lecture comparative du problème : « concernant la vente de copies piratées de films, la République Dominicaine a su protéger ses artistes de ce fléau, il y plusieurs années. J’avais cru et espéré qu’avec l’arrivée d’un Président-artiste (Michel Martelly, 2011) à la tête du pays, le problème des droits d’auteur en Haïti serait résolu. Dommage. ».

Dans les rues de la capitale, des vendeurs dissimulent, dans leurs sacs-à-dos, des films haïtiens et des productions pornographiques étrangères, qu’ils vous offrent, une fois la conversation engagée. Mais, sur leurs étagères, ils exposent des réalisations pour enfants, des films d’actions ou d’autres catégories.

André a plus de 10 ans dans le secteur. C’est son gagne-pain, faute d’alternative.

Pour convaincre les clients, il résume, dans le si peu de temps qui lui est accordé, le synopsis du film. Mais, en réalité, ce qu’il raconte n’a souvent rien à voir avec le DVD qu’il offre. L’objectif, c’est d’écouler la marchandise.

Vers la fin des années 1990, début 2000, le 7e art se portait relativement bien en Haiti. L’industrie cinématographique proposait régulièrement des courts, comme des longs métrages. Les cinéphiles se régalaient, bien qu’il y eût toujours à redire : soit du scenario, du cadrage, du montage, soit des dialogues ou de la prise de son. On est certainement loin d’Hollywood.

Politique, Insécurité

Les tumultes socio-politiques, associés à l’insécurité grandissante, et les coupures drastiques d’électricité ont provoqué la fermeture, au cours de la décennie 2000, des deux salles les plus populaires et mieux équipées de la région métropolitaine, Capitol et Imperial.


C’est un Capitol vandalisé, qui a finalement fermé boutique, à la rue Lamarre, à proximité du Bel-Air (centre de la capitale), constamment agité entre 2000 et 2004. Des scènes de violence à répétition ont limité la fréquentation de cet espace de prédilection des années 1980-1990.


Quant au Ciné Imperial (situé dans le quartier périphérique de Delmas), il a éteint ses projeteurs en septembre 2009. La crise économique de cette époque aurait été à la base de cette décision. L’établissement n’était plus rentable. Certaines informations à l’époque faisaient état de la mise en vente de l’Imperial. Les responsables n’avaient ni confirmé, ni infirmé.

Une mutation qui fait mal

La multiplication des chaînes de télévision à Port-au-Prince participe de la mort lente du secteur. Les cinémas ne peuvent pas les concurrencer. Elles devancent les salles. Les films étrangers, à l’affiche au cinéma, sont en rotation sur les petits écrans. Déjà-vu.

Les chaînes n’ont aucune contrainte, lorsqu’aucune réclamation étrangère ne leur est adressée. Sauf que, pour éviter des poursuites judiciaires, la Radiotélévision Nationale d’Haïti (chaîne 8) avait du dédommager Raynald Delerme, en mars 2015, pour la diffusion non autorisée de son film Dyab Baba (Le Diable de Baba). « Je ne cherche pas la gloire, mais le respect de la propriété intellectuelle chez nous », rappelle le réalisateur.

Si l’on remonte le temps, les magasins spécialisés dans la location de cassettes, ensuite de DVDs de films, faisaient déjà la concurrence aux salles de cinéma. Dans les grandes agglomérations, on trouvait au moins une maison de location de DVD. Aujourd’hui, ce sont les vendeurs ambulants qui prennent le dessus. La location d’un DVD est plus chère que l’acquisition d’une copie !

A cela s’ajoute Internet. Certains portails et logiciels permettent aux cinéphiles de monitorer, à la seconde près, la disponibilité de nouveaux films. A leur sortie, ils les enregistrent sur disques durs ou d’autres supports. Astuce utilisée aussi par les vendeurs pour répondre aux demandes de la clientèle.

Sophia, passionnée de cinéma, confie avoir plusieurs « fournisseurs » de films. Parfois, ils lui proposent de nouveaux films, tout comme il lui arrive de placer, elle-même, des commandes.

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Habitude oubliée

Les générations actuelles ne connaissent presque pas le goût d’être dans une salle et de vivre l’expérience de la projection d’un film. Il y a pourtant une vingtaine d’années, les jeunes écoliers se donnaient…….lire la suite sur alterpresse.org

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