Haïti – Économie: Faible productivité, faible compétitivité pour le cacao haïtien. Quelle stratégie?
Lors d’une récente présentation d’une étude réalisée dans le pays par les experts du centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) sur la filière du cacao, le Ministre de l’agriculture des ressources naturelles et du développement rural l’agronome Thomas Jacques, a souligné la nécessité d’un changement du mode de production du cacao, avec des innovations technologiques et techniques, afin d’améliorer la faible performance à l’hectare de cette filière porteuse en Haïti.
Dans son intervention le Ministre a déclaré que les exportations annuelles du cacao tournent autour de 450 millions de Gourdes. Ce qui représente globalement 25% du total des exportations des produits primaires du pays. La filière génère donc des milliers d’emplois et joue un rôle capital dans la gestion conservatoire de l’eau, des sols et de la biodiversité du pays en général.
Cependant, selon l’agronome Jacques, le potentiel local dans cette filière est largement sous-exploité. La production nationale oscille autour de 5,000 tonnes par an contre une production de plus de 50.000 tonnes pour la République Dominicaine. Donc 10 fois plus grande que celle d Haïti. Il faut dire également que les rendements à l’hectare sont en moyenne de 250 kg alors que certains de nos pays voisins obtiennent jusqu’à 3,000 kg avec des conditions agro-écologiques quasiment similaires aux nôtres.
Un autre problème important est la question des surfaces cultivées, qui sont très réduites. Les exploitations familiales qui produisent le cacao en Haïti ne possèdent souvent que 1000 à 3000 mètre carrée et au maximum 2 à 3 hectares. Avec une très forte pression foncière, les cacaoculteurs haïtiens sont loin des surfaces habituellement rencontrées en Amérique latine (en général qui vont jusqu’à 10 hectares).
Malgré cette faible performance ou encore ce niveau faible de productivité, le cacao représente plus de 60% des revenus totaux des cacaoculteurs selon un rapport de la BID paru en 2005.
Un autre aspect important c’est le type de cacao ou encore la forme sur laquelle il est vendu. Encore récemment, le cacao d’Haïti était non fermenté. La fermentation est une étape importante dans l’obtention d’un cacao aromatique. Elle est définie comme un ensemble de transformations que subissent les fèves de cacao fraîches, avant d’être séchées.
Le cacao fin, bien fermenté et aromatique est vendu sur des marchés de niche, notamment en Europe, à des prix plus rémunérateurs que ceux du cacao ordinaire. Le cacao haïtien ne pouvait donc pas exploiter ces segments de marché. Il a été en général valorisé à de faibles prix sur le marché américain, par des exportateurs locaux.
Ce désavantage au niveau du commerce international est a la base de la crise chronique que connaît la filière du cacao d’Haïti, depuis le début des années 70, avec notamment l’absence d’investissements publics et privés d’envergure. De nombreuses coopératives de producteurs ont émergé dans le courant des années 1980, sous l’impulsion de quelques ONG internationales. Celles-ci n’ont pas eu accès directs aux marchés internationaux à cause de la faible qualité du cacao produit et de l’absence structures de commercialisation. Elles se sont vite confrontées à un problème de rentabilité et la majorité ont dû cesser leurs activités. Il y a aussi le problème de la division au sein des producteurs qui ne parviennent à s’entendre pour fusionner leurs forces et présenter un front commun et homogène pour les exportations….Situation similaire pour les producteurs de café. C’est le sauve qui peut et égocentrisme improductif.
Les nombreux exportateurs se sont souvent reconvertis dans des activités plus lucratives, notamment le commerce de biens alimentaires et manufacturés d’importation. Mis à part quelques petits opérateurs très minoritaires, seuls deux exportateurs importants opèrent toujours dans la filière cacao d’Haïti. La culture du cacao se répartie dans deux grandes zones de production le Grand Sud avec 75% de la production (notamment avec le département de la Grande Anse, avec Dame-Marie par exemple) et le Nord.
Il faut reconnaitre en tout état de cause qu’en dépit des différents handicaps la production et l’exportation du cacao, cette filière a de grandes potentialités, et devrait constituer une priorité dans le plan de relance du secteur agricole. Mais Il faut un autre type de production, sous un autre modèle, avec des innovations technologiques et techniques pour rendre cette culture plus performante, plus productive. Il nous faut un cacao plus compétitif pour des revenus plus élèves pour nos producteurs et notre économie en générale.
Etzer Emile, M.B.A
Economiste
Radio Vision 2000