A Haïti, le coeur battant des jeunes créateurs

Le bar 10-traction à Port-au-Prince, repère de la scène littéraire

 

 

De notre correspondant Samuel Chalom

 

Source lexpress.fr

 

Sur l’avenue Magloire-Amboise, dans le quartier des universités à Port-au-Prince, à proximité du marché Salomon, où l’on vient s’approvisionner en matériaux de constructions, entre les bruits de klaxons et les pots d’échappement, un bar discret, le 10-Traction, rassemble tout ce que la vibrante capitale haïtienne compte d’écrivains, de critiques littéraires, de poètes ou de slameurs. Autour d’une « Prestige », la bière nationale, ou d’un Ti-punch au rhum Barbancourt, dans ce « Café de Flore » antillais, la jeune garde de la littérature haïtienne refait le monde à la nuit tombée. Parmi eux, il y a Coutechève Lavoie Aupont, poète, connu pour son recueil de poèmes Partances (Rivarticollection, 2009), mais aussi James Pubien, un autre poète, cofondateur des éditions Bas de Page, Jerry Michel, un doctorant en sociologie à l’université Paris 8 qui prépare une thèse sur le rapport des Haïtiens à la mémoire, ou encore Béo Monteau, slameur et membre du collectif artistique Feu Vers.

Les habitués considèrent que la belle époque du lieu est désormais révolue et se plaignent d’une musique trop sonore, qui ne laisserait plus la place au débat. Mais la jeune garde de la littérature haïtienne est restée fidèle au lieu : « Ici, tu vois, il y a deux ou trois ans, c’était le repère des jeunes et des anciens. Et puis, depuis que le propriétaire a changé, ils passent de la musique commerciale pour attirer plus de clients » confirme Jerry Michel.

Du début des années 1950 jusqu’à la fin des années 1980, de tels rassemblements n’auraient pu avoir lieu: la dictature des Duvalier, père (« Papa Doc ») et fils (« Baby Doc »), interdisait une bonne partie de la production littéraire, qui du coup trouvait refuge à l’étranger. Pourtant, la dictature n’est pas souvent évoquée lorsque l’on discute avec la jeune garde littéraire haïtienne. « Parler de politique est une perte de temps », entend-on souvent. Nombre de ces écrivains contestent aussi leur statut de « jeunes » : « Comment circonscrire cette catégorie de jeunes écrivains ? », demande Stéphane Saintil, critique littéraire. « Faut-il appliquer un critère d’âge ? Est-ce une question de première publication? Si j’ai 60 ans et que je publie mon premier recueil de poèmes, ne suis-je pas un jeune poète?… »

La Fokal, ministère de la culture bis

A quelques encablures du 10-traction, le Centre de la Fokal rassemble dans un bâtiment moderne l’une des plus importantes bibliothèques du pays ainsi que l’une des seules salles de spectacle équipées de la capitale haïtienne (un second lieu, le Rex-Théâtre, place du Champ-de-Mars, est actuellement fermé). Le centre dispose aussi d’un « biblio tap-tap », une bibliothèque mobile qui donne aux habitants des zones les plus reculées du pays l’accès aux livres. Sa création est le fruit d’un partenariat avec l’ONG française Bibliothèques Sans Frontières. « La Fokal est affiliée à la fondation Open Society du milliardaire américain George Soros. Elle finance une grande partie des productions artistiques du pays » confie Josué Noël, metteur en scène et directeur d’un centre culturel à Jacmel, dans le sud-est. « Le ministère de la culture n’a pas vraiment de budget. Pour mon prochain spectacle, par exemple, j’ai demandé des financements publics. Sans succès. C’est pourquoi la Fokal prend une place aussi importante pour nous » continue-t-il. Signe des temps, c’est un ami qui lui prêtera le rideau de sa prochaine mise en scène.

C’est aussi à la Fokal que l’on retrouve  Lire la suite sur lexpress.fr

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