Haïti-Interdiction de la styromousse : Un arrêté qui n’arrête rien
[AlterPresse / Ayiti Kale Je] — Malgré la double interdiction – les 9 aout 2012 et 10 juillet 2013 – de l’importation et de l’utilisation de la vaisselle en polystyrène expansé ou styromousse (« styrofoam » en anglais), ces produits sont encore en circulation partout dans la capitale. De plus, il est possible de les acheter et de les vendre en gros et en détail, au vu et au su de tous.
La première interdiction, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2012, fait partie d’un arrêté qui a également prohibé l’utilisation de « sachets en polyéthylène noir », les sacs utilisés par la plupart des vendeurs et vendeuses dans les rues, ainsi que dans les pépinières partout dans le pays.
Le ministre de l’Environnement à l’époque, Ronald Toussaint, n’avait pas signé en 2012 l’arrêté, qui avait été annoncé et même salué par différents médias et sites environnementaux comme un grand pas en avant pour Haïti.
« Vu mon expérience dans le domaine, je n’ai pas signé ce document parce que les parties prenantes, telles que les pollueurs, les importateurs et les commerçants, n’étaient pas impliqués dans l’élaboration de l’arrêté », explique l’ancien ministre Toussaint à Ayiti Kale Je (AKJ). « L’arrêté en tant qu’une manifestation de l’Etat présentait une approche très réductrice de la façon de traiter la question des déchets en plastique. »
En dépit de l’échec évident de l’arrêté de 2012, l’administration de Michel Martelly et Laurent Lamothe vient d’adopter un nouvel arrêté libellé presque dans les mêmes termes.
« Interdiction de produire, d’importer, de commercialiser et d’utiliser, sous quelque forme que ce soit, des sacs en polyéthylène et objets en polystyrène expansés (PSE ou PS ou styrofoam) à usage alimentaire unique, tels que plateaux, barquettes, bouteilles, sachets, gobelets et assiettes », selon le journal officiel Le Moniteur du 10 juillet 2013.
« Dès l’entrée en vigueur dudit arrêté, soit à partir du 1er août 2013, tout arrivage de colis contenant ces objets sera confisqué par les autorités douanières et les propriétaires sanctionnés conformément aux dispositions du code douanier », lit-on dans l’arrêté.
En plus d’être de nature un peu démagogique – vu le fait que le premier arrêté a été complètement ignoré – le nouvel arrêté a également suscité la colère des industriels en République Dominicaine, qui sont les principaux fournisseurs des assiettes et gobelets en styromousse pour la nourriture à emporter.
Une mer de styromousse
Si les dix derniers mois pourraient donner une indication, il y a peu de raisons de penser que le nouveau décret va y changer quoi que ce soit. Les rues de la zone métropolitaine sont submergées de styromousse. N’importe quel passant, policier ou fonctionnaire de l’Etat, peut se rendre compte de l’utilisation de ces produits tout blancs ainsi que des sacs noirs illégaux en plastique déversés un peu partout.
Port-au-Prince est drainé par une série de grands canaux à ciel ouvert qui se jettent dans la mer des Caraïbes. Les égouts et les canaux d’évacuation sont encombrés de ces produits fabriqués de matières qui prennent des centaines d’années à se biodégrader.
Les déchets plastiques produisent des effets catastrophiques sur l’environnement immédiat. En plus de bloquer les drains et provoquer des inondations, ces déchets, une fois emportés par les eaux de pluie, finissent par se jeter dans la mer.
« Les déchets plastiques, selon moi, sont une source de nuisance, » affirme Toussaint. « Ils sont une nuisance par rapport au problème d’insalubrité et de santé publique qu’ils posent. Ils sont aussi une nuisance par rapport au dommage causé à l’écosystème côtier et marin. »
L’incapacité des autorités à développer des stratégies efficaces de gestion de ces déchets incite certains citoyens à tenter de résoudre le problème eux-mêmes en ayant recours à l’incinération. Parlant à AlterPresse en 2003, le responsable de la Fédération des Amis de la Nature a souligné la toxicité du plastique.
« Le plastique est un produit synthétique constitué d’éléments chimiques tels l’oxygène, l’hydrogène, le nitrogène et le carbone. L’incinération ou la combustion du plastique a de graves conséquences sur la nature. La fumée issue de la combustion du plastique est très toxique », a indiqué Pierre Chauvet Fils le 12 juin 2003. Lire la suite sur alterepresse.org