Haiti-Cinéma : Quand les déportés racontent leur calvaire
« Deported » est le titre du film documentaire de Rachèle Magloire et Chantal Regnault, qui raconte le calvaire de huit déportés vers leur pays d’origine, Haïti, après avoir purgé leur peine de prison aux Etats-Unis et au Canada.
Le documentaire relate le parcours difficile de ces personnes dans un pays inconnu, Haïti, où ils font face à l’incompréhension et un environnement hostile, observe l’agence en ligne AlterPresse lors de la projection de ce documentaire à la Fondation connaissance et liberté (en créole : Fokal), le lundi 18 mars 2013.
Ces déportés, exilés de force vers Haïti, s’adaptent difficilement à leurs nouvelles conditions de vie, expose le film « Deported » qui dure un peu plus d’une heure.
En plus, la distance séparant ces « expulsés » de leurs familles et proches qui vivent en pays étrangers amplifie leur douleur et la leur font vivre comme une double sanction.
Des déportés, dont Richard, pensent que leurs peines sont disproportionnelles à leurs actes.
Sans emplois, les espoirs de certains d’entre eux s’amenuisent peu à peu.
D’autres tentent, par contre, de se réinventer une autre vie avec difficulté à l’instar d’Emmanuel, qui, après avoir été déporté en Haïti, essaie de s’investir dans des activités de promotion du rap haïtien.
Ce documentaire semble être une invitation à un changement de politique au niveau de la déportation des américains et canadiens vers leur pays d’origine, c’est-à-dire Haïti.
Il plaide aussi pour une meilleure prise en charge de ces déportés livrés à eux-mêmes dans le pays.
« Les déportés ont bien joué leur partition sans fausse note en donnant un témoignage crédible, vivant, humain et touchant », relève l’historien Georges Michel à l’occasion de la projection de ce documentaire à la Fokal.
Michel voit aussi ce film comme un témoignage sur le patrimoine architectural de Port-au-Prince qui n’existe presque plus, le film ayant été tourné avant le tremblement de terre de janvier 2010.
Pour sa part, le cinéaste haïtien Arnold Antonin croit que ce film permet de voir les déportés en chair et en os parce que, dit-il, il y avait dans l’imaginaire haïtien tout un mythe assimilant ces derniers uniquement à des criminels.
L’intérêt du film réside également dans le fait qu’il aborde un problème qui n’est pas seulement propre à Haïti, mais à toute l’Amérique centrale et aux Caraïbes, précise Antonin.
En dépit des avancées effectuées au niveau de la déportation, il y a beaucoup à faire dans l’encadrement des déportés, indique le secrétaire d’Etat à la sécurité publique, Réginald Delva, présent à la projection.
Les organisations de droits humains continuent à indexer la manière d’accueillir ces déportés dans le pays, avance, de son côté, la sociologue haïtienne Daniel Magloire, critiquant le fait qu’aucun travail de sensibilisation et d’information n’est mis en place pour montrer que ces derniers sont des êtres humains ayant des droits.
Quand on a purgé sa peine, on a payé sa dette, fait remarquer Magloire rapportant les propos de Richard (déporté) dans le film.
Haïti semble ne pas comprendre cette logique, déplore t-elle.
L’ancien premier ministre Jacques Edouard Alexis rappelle que, lors de son passage au pouvoir, les Etats Unis ont profité de la faiblesse du pays pour déverser des déportés sur le territoire national.
Selon lui, à l’époque, Haïti n’était pas préparée pour gérer ces déportés.
Les statistiques indiquent que 914 personnes ont été déportées en Haïti entre Janvier 2011 et février 2013.
Entre le dernier semestre 2004 et la fin de 2006, 1,242 déportés sont entrés dans le pays dont 1,124 homme et 118 femmes, selon le bureau des renseignements judiciaires (Brj).
2,564 personnes sont déportées entre 2001 et 2006, d’après le ministère de l’intérieur. (alterpresse.org)