Haïti-Choléra : Me Jaccéus Joseph : « L’ONU doit dédommager les victimes »
Les récentes déclarations du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, qualifiant d’irrecevables des réclamations faites par des Haïtiens auprès de l’ONU contre la Minustah pour avoir introduit le choléra en Haiti, n’ont pas mis fin au débat. Le spécialiste en droit international, Me Jaccéus Joseph, avec des arguments juridiques ‘fondés’, veut aller jusqu’au bout dans la lutte.
Avocat au barreau de Port-au-Prince et celui du Canada, Jaccéus Joseph, auteur de l’ouvrage « La Minustah et le choléra, procédure pour dédommager les victimes », a insisté sur le principe du droit international exigeant l’ONU à dédommager les victimes.
« L’immunité n’est pas un obstacle à la réparation civile. Toute immunité a ses limites… », a réagi Me Jaccéus Joseph, rejetant la thèse « d’immunité » évoquée par Ban Ki-Moon pour nier la plainte desvictimes du choléra en Haïti.
Certes, a admis Me Jaccéus Joseph « la plainte qui a été déposée contre la Minustah n’a pas respecté les procédures… ».
Le 21 février, Ban Ki-Moon avait, dans un communiqué, informé les avocats des plaignants de l’« irrecevabilité de leur plainte, au titre de la section 29 de la Convention sur les privilèges et les immunités des Nations Unies ».
Ban Ki-Moon en a également profité de l’occasion pour informer directement le président de la République, Michel Joseph Martelly (qui depuis lors n’a pas réagi), face à cette décision.
Pour combattre les arguments de Ban Ki-Moon, l’avocat des victimes Jaccéus Joseph, dans son ouvrage de 128 pages, a démontré la responsabilité pénale de la Minustah dans la propagation du choléra, qui a fait des milliers de morts dans le pays.
« La Cour internationale de justice prévoit des limites à l’immunité quand l’action porte sur des affaires à caractère civil ou sur les réparations des dommages causés par le personnel onusien sur le terrain », a écrit Jaccéus Joseph.
Dans un chapitre consacré à l’immunité de juridiction de la Minustah et ses limites selon les instruments juridiques internationaux, Me Joseph a fait savoir : « la question de l’immunité de juridiction est distincte de celle de réparation de tout préjudice subi du fait d’actes accomplis par l’ONU ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions officielles. L’organisation peut certes amenée à supporter les conséquences dommageables de tels actes ».
Selon l’auteur de « La Minustah et le choléra, procédure pour dédommager les victimes », il est reconnu l’absence de l’immunité – pour l’ONU ou ses membres –, pour des réclamations à caractère civil, même dans le cadre des forces coercitives.
À propos du titre de la section 29 de la Convention sur les privilèges et les immunités des Nations Unies, avancée par Ban Ki-Moon pour justifier l’irrecevabilité de la plainte, Jaccéus Joseph a rappelé l’affaire de Dato Param Cumaraswamy comme exemple.
Ce dernier, juriste malaisien et rapporteur spécial de l’ONU, avait fait l’objet d’un procès en diffamation en Malaisie pour des propos qui avaient été publiés, en novembre 1995, dans la revue International commercial mitigation.
Malgré les démarches, sans succès, du secrétaire général de l’ONU pour faire respecter l’immunité du rapporteur spécial, la Cour international de justice (CIJ), en 1998, a refusé l’application de cette Convention pour ce cas particulier.
En tout état de cause, a signalé Jaccéus Joseph, l’immunité n’empêche pas la poursuite au civil pour réparation au cas où la responsabilité de l’organisation internationale aurait été établie.
Me Jaccéus Joseph, qui a consacré une partie de son livre au cas des victimes de l’Opération des Nations Unies au Congo (ONUC) de juillet 1960 à juin 1964, a appelé l’État haïtien à se positionner aux côtés des milliers de victimes pour qu’ils puissent être dédommagé.
« Le gouvernement haïtien doit exercée une protection diplomatique en faveur des victimes du choléra. C’est à l’État seul qu’il revient de le faire », a précisé Me Joseph.
Les gouvernements de Belgique, de Grèce, d’Italie, du Luxembourg et de Suisse avaient exercé la protection (ou pressions ou protestations) diplomatique auprès des Nations Unies au nom de certains de leurs ressortissants ayant subis des dommages en raison d’activités illicites des forces de l’ONUC.
Les procédures ont abouties au point que le secrétaire général de l’ONU a reconnu la responsabilité de son organisation pour « actes illicites » et offert des compensations aux États requérants.
Depuis la position adoptée par Ban Ki-Moon, des organisations de défense des droits humains, des avocats et des citoyens ne cessent de dénoncer le silence du gouvernement dans cette affaire. (hpnhaiti.com)