« L’État haïtien n’a pas la volonté de résoudre le problème de l’insécurité », pense l’économiste Etzer Emile

L’économiste Etzer Emile se dit préoccupé du fait que l’Etat haïtien n’a envoyé aucun signal démontrant sa volonté de mettre fin au problème de l’insécurité dans le pays. « Moi, je le vois comme une sorte d’indifférence mêlée à une incompétence et en même temps basée sur le manque de moyens », a-t-il dit, déplorant une absence de plan de sécurité au sein de la Police nationale d’Haïti.

« Je réalise qu’il n’y a aucun plan de sécurité qui est exécuté ; nous nous rendons compte que lorsqu’il y a une pagaille, le Premier ministre effectue une visite dans la base de la police ou bien fait une rencontre ponctuelle, mais il n’y a rien qui est défini, suivi et implémanté de manière scientifique. On ne peut pas avoir de résultats performants lorsqu’on n’utilise pas la science, la planification, la stratégie, la collecte d’informations de manière scientifique pour atteindre l’objectif visé », a poursuivi Etzer Emile.

Comme autre constat, l’économiste évoque l’absence d’un service d’intelligence. « Tout le monde en Haïti se plaint parce qu’il n’y a pas un service d’intelligence. Rppelons-nous ce qui s’est passé dans le cadre de l’assassinat du président qui avait à ses côtés presque une trentaine de personnes armées, mais il est mort suite à l’élaboration d’un plan qui s’est étendu sur plusieurs mois parce que nous refusons de mettre un corps d’intelligence en place. Même à l’intérieur de la police, de la Primature, des ministères de la Justice, de la Défense, il y a des stratégies qui pourraient être mises en place. Malheureusement, je pense qu’il y a des moyens disponibles, mais on ne les utilise pas à bon escient. Tout le monde sait que le budget alloué au fonctionnement du Premier ministre s’élève à presque 25 millions de gourdes par mois. Mais au final qui fait de l’intelligence en Haïti? Qui est payé pour le faire? Qui sait le faire ? Qui travaille dans le domaine ?», s’est-il demandé.

Le manque de moyens de la PNH attire l’attention d’Etzer Émile.  « Je peux toujours dire qu’il y a un boycott du fait que le Canada n’a pas livré les équipements au rythme qu’il devrait le faire. Est-ce que c’est la seule compagnie qui peut nous vendre ce matériel ? Est-ce qu’on peut en acheter seulement au Canada ? Est-ce que c’est uniquement ce matériel qu’on peut acheter ?», s’est interrogé l’économiste. « Beaucoup se questionnent sur la qualité des blindés qu’on a achetés. Est-ce qu’on ne peut pas acheter même un hélicoptère ? Nous n’avons pas l’impression que les moyens sont mis en place de manière à aborder ces questions. »

Depuis plus de deux ans, l’insécurité tiraille la population haïtienne. En ce sens M. Emile pense qu’il devrait déjà avoir un corps antigang pour adresser la question. Il a plaidé pour un nettoyage au sein de l’institution policière. « Je ne sens pas qu’au sein de la PNH qu’il y a un nettoyage systématique alors que c’est un secret de polichinelle que des policiers font partie des gangs soit parce qu’ils partagent la même zone, en tire profit ou autres. On ne peut pas mener la bataille contre les gangs lorsqu’il y autant de policiers qui peuvent fournir des informations aux cibles. »

Selon Etzer Emile, les policiers devraient bénéficier d’un meilleur traitement. « On ne perçoit pas les efforts visant à donner de meilleures conditions de travail aux policiers ». Les opérations policières traînent dans certaines zones contrôlées par des gangs. « Je ne constate pas d’opérations policières fréquentes. Il y a des habitants de Pernier qui en témoignent. La bataille contre le gang de Vitelhomme se limite à proximité du Parc du Souvenir. Il n’y a pas eu depuis plusieurs mois des opérations musclées. De même pour le Village de Dieu, la dernière grande opération remonte à deux ans. Si on avait essayé à nouveau, l’on aurait dit qu’il y avait une volonté », a-t-il analysé.

La PNH n’investit pas pour se renforcer à en croire la répartition du budget durant ces cinq dernières années. « Pour ces cinq dernières années, entre 2017-2021, l’argent mobilisé pour la PNH et les Forces armées d’Haïti se chiffre à 60-68 milliards de gourdes. Je réalise que 91% du budget est destiné à la police et 8% à l’armée. Mais, je me rends compte que seulement 2,9 % du budget de la police est alloué à l’investissement. Le reste est destiné au fonctionnement de l’institution. Cela veut dire que pendant cinq ans il n’y a pas eu de moyens consacrés pour augmenter la capacité des opérations parce que l’investissement sert à cette fin. En d’autres termes, le budget de la police nous montre clairement que la capacité de l’institution n’est pas renforcée alors que les gangs se renforcent, les besoins augmentent », a indiqué Etzer Emile.

Comme proposition, M. Emile soutient que les autorités devraient adresser la question de manière holistique. « Il faut tenir compte de l’étude, la stratégie, l’opération. Il faut agir de manière scientifique avec une planification en même temps tenir compte des corollaires. Peut-on parler de la sécurité sans la justice ? Le ministère de la Justice se doit de faire un travail d’assainissement. Il faut travailler pour donner plus de moyens à la police, faire un vetting au sein de la PNH. Il faut définir la stratégie lorsqu’on reçoit l’assistance des étrangers.  Il y a la nécessité de faire un état général sur la question permettant d’aborder les différents aspects. »

 

 

Source: Le Nouveliste

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