Les manœuvres des gangs armés contre les compagnies pétrolières traduisent l’inexistence de l’État en Haïti, dixit l’économiste et politologue Joseph Harold Pierre
L’État n’existe plus », réagit, sur la plateforme AlterPresse/AlterRadio, l’économiste et politologue Joseph Harold Pierre en ce qui concerne les manœuvres des gangs armés, qui forcent les compagnies de distribution du pétrole à « payer, en nature, 15 gallons de carburant par camion pour avoir accès au Terminal, 200 mille gourdes pour sortir les camions et 800 mille gourdes (US $ 1.00 = +150.00 gourdes ; 1 euro = 153.00 gourdes ; 1 dollar canadien = 105.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.60 gourdes aujourd’hui) de droit de passage (par flotte) jusqu’à la route de l’aéroport (international de Port-au-Prince) ».
Cette pratique des gangs armés traduit l’incapacité des autorités de l’État à garantir la sécurité des vies et des biens sur le territoire national, considère Joseph Harold Pierre.
« Comme c’est le cas dans le contrôle des portes d’entrée en Haïti, comme les ports et les aéroports, au niveau interne, l’État n’existe pas ».
« L’État ne peut plus jouer son rôle, si bien que ce sont les gangs armés qui soutirent de l’argent des compagnies pétrolières pour leur autoriser l’accès ou la sortie du Terminal de Varreux » (à Cite Soleil), déplore Pierre, soulignant combien il s’agit d’un problème à la fois politique et sécuritaire.
« L’État avait perdu le contrôle de la sécurité du pays. Mais, maintenant, il vient de prouver son incapacité à collecter les taxes. Maintenant, ce sont les gangs armés qui prélèvent les taxes, que les compagnies devraient payer pour leur fonctionnement dans la branche du pétrole. Donc, l’État n’existe plus ».
Ce problème est le résultat d’une tendance de l’inaction collective qui existe dans le pays, analyse l’économiste et politologue Joseph Harold Pierre.
« Si la branche pétrolière avait posé des actions politiques, comme d’autres secteurs de la vie nationale, qui demandent à l’État de créer des conditions pour garantir la circulation des biens et des personnes, nous ne serions pas là en train de parler de cela ».
Joseph Harold Pierre pointe du doigt la responsabilité de la branche des affaires dans l’armement des gangs au niveau des quartiers.
« Payer les gangs armés pour faciliter le passage du carburant en provenance du Terminal de Varreux devient la seule option des compagnies distributrices, compte tenu de l’incapacité de l’État à garantir la sécurité de toutes et de tous », dit-il.
Une fois de plus, les conséquences seront une fois de plus désastreuses pour le pays, souligne le professeur Joseph Harold Pierre, qui anticipe une éventuelle rareté des produits pétroliers et une augmentation de leurs prix sur le territoire national .
Il craint également d’éventuels impacts sur le taux d’inflation (46.4% en mai 2023), qui ne cesse point de s’accroître en Haïti.
« A mon avis, la république d’Haïti n’a pas la capacité, à elle seule, pour résoudre ce problème », estime Joseph Harold Pierre.
« Pour moi, il nous faut un soutien de la communauté internationale pour nous aider à résoudre le problème de l’insécurité. Sinon, cela va persister, car les gangs armés viennent de prendre la place de l’État, qui n’existe plus », suggère l’économiste et politologue Joseph Harold Pierre.
Appel des professionnels du pétrole à une intervention de l’État face au rançonnement par les gangs en Haïti
Le jeudi 20 juillet 2023, dans une lettre au titulaire de facto du Ministère de l’économie et des finances (Mef), Michel Patrick Boisvert, l’association des professionnels du pétrole (Appe) a attiré « (…) l’attention sur les risques, que pose l’activité des gangs à l’intérieur du Terminal de Varreux et sur les deux principaux axes routiers, nord et sud, sur le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement du pays en produits pétroliers ».
« Les transporteurs doivent payer, en nature, 15 gallons de carburant par camion pour avoir accès au Terminal, 200 mille gourdes pour sortir les camions et 800 mille gourdes de droit de passage (par flotte) jusqu’à la route de l’aéroport. À ceci, viennent s’ajouter d’autres paiements à négocier sur tout le circuit nord, en fonction de la route empruntée », a écrit l’Appe dans cette lettre dont une copie a été transmise à AlterPresse/AlterRadio.
L’association des professionnels du pétrole dit « craindre une escalade, qui paralyserait le secteur du transport et réduirait à néant ses efforts pour approvisionner le pays ».
L’Appe tire la sonnette d’alarme et appelle à une intervention d’urgence des autorités pour éviter une paralysie, pareille à celle survenue avec le blocage du Terminal de Varreux, du début du mois de septembre au début du mois de novembre 2022, à la suite d’une décision du gouvernement de facto d’Ariel Henry.
Le gallon de gazoline est passé de 250.00 à 570.00 gourdes (128%), le diesel de 353.00 à 670.00 gourdes (89.81%) et le kérosène de 352.00 à 685.00 gourdes (94.60%), à la suite d’un conseil de gouvernement, qui a eu lieu le mardi 13 septembre 2022.
A partir du jeudi 20 juillet 2023, le gallon de la gazoline est passé à 560.00 gourdes, le gallon de diesel à 620.00 gourdes et le kérosène à 615.00 gourdes, comme l’avait annoncé les Ministères de l’Économie et des finances (Mef), et du commerce et de l’industrie (Mci).
Le jeudi 3 novembre 2022, la Police nationale d’Haïti (Pnh) avait annoncé avoir pris le contrôle du Terminal pétrolier de Varreux, dans la commune de Cité Soleil (au nord de Port-au-Prince), après plusieurs semaines de blocage par la fédération des gangs armés (G9), dirigée par Jimmy Chérizier, alias « Barbecue ».
Les circonstances de déblocage de ce terminal, où sont stockées 70% des produits pétroliers en Haïti, restent floues.
Des négociations, pendant deux semaines, par l’intermédiaire du médecin et responsable du parti politique Konstwi Lavi, Harrison Ernest, entre le gouvernement de facto en Haïti et les gangs de la fédération G9 an fanmi e alye, dirigée par Jimmy Cherizier, alias « Barbecue », auraient servi à faciliter le déblocage de l’important Terminal pétrolier de Varreux, avait rapporté la chaîne américaine d’informations Cnn sur son site Internet, consulté par AlterPresse.
Source: APR