Les personnes tuées et kidnappées s’accumulent, comme les promesses des chefs
Une dizaine de personnes ont été tuées par balle et plus de 20 cas d’enlèvements enregistrés le week-end écoulé. Alors que les victimes s’accumulent, les chefs y vont de nouvelles promesses d’assurer la sécurité pour aller aux élections.
« Andrécite Jeudi, 40 ans, policier de la 22e promotion et un conducteur, Paul Eugène, ont été découverts, à Bourdon, samedi 5 février, autour de 8 heures du soir, à bord d’une Suzuki Grand Vitara noire, immatriculée AA-4499, criblés de balles par des hommes armés portant l’uniforme de l’Unité départementale de maintien de l’ordre (UDMO) de la Police nationale d’Haïti, a appris Le Nouvelliste de source policière. La compagne du policier Jeudi, policière elle aussi, était à bord du véhicule. « L’un des hommes portant l’uniforme de l’UDMO a donné l’ordre de l’abattre, mais un autre a dit non », a confié cette source, soulignant que ces hommes circulaient à bord de deux véhicules Toyota Land Cruiser tout-terrain « zo reken ». « Les deux hommes ont été criblés de balles. Mais nous n’avons pas trouvé de douilles sur la scène de crime », a indiqué au journal le juge de paix de la section est, Jean Claude Mondélus, qui a effectué le constat légal. Entre samedi et dimanche, dans la commune de Pétion-Ville, le juge de paix Clément Noël a verbalisé les cadavres de quatre hommes. « Tous tués par balles », a indiqué le juge de paix, questionné par Le Nouvelliste qui a partagé des détails collectés auprès de témoins en lien à ces quatre homicides.
À l’entrée de Laboule 12, Johnny Aucciel a été abattu par des individus circulant à moto. Steeve Gaspard a été tué à Kay Gwo, à Frères. Le nommé Ricardo Joseph, un agent de sécurité, a été tué à Bellevue, non loin de Torcel. Il a été pris pour cible par des individus circulant à moto. Un autre agent de sécurité a été blessé lors de cette attaque. La quatrième victime n’a pas été identifiée. Il s’agit d’un homme a été tué non loin du tribunal de paix de Pétion-Ville, a confié le juge Clément Noël.
Le Nouvelliste a aussi appris de source policière que O’Donnell Maximen, 54 ans, a été tué samedi soir, à Frères. La veille, vendredi soir, Sterline Rebeca Renous a été blessée mortellement à Bois-Patate lors d’une tentative d’enlèvement. Vers 8h du soir, des individus lourdement armés, à bord d’une Nissan Patrol Blanche et une Toyota « Zo reken» ont intercepté un véhicule Toyota Land Cruiser Blanche immatriculé O1- 00961 ayant à son bord deux employés. « Lorsque les bandits, plus de huit, ont réalisé que le véhicule était blindé, ils l’ont canardé. 17 impacts de balles ont été relevés sur le véhicule », a confié une source policière. Ces individus ont craché les feux de l’enfer à Bois-Patate. « C’est à ce moment que Sterline Rebeca Renoïse a reçu trois projectiles à la cage thoracique. Elle a rendu l’âme à l’hôpital du Canapé-Vert », a poursuivi cette source policière.
Plusieurs cas de kidnapping à Bourdon
À Bourdon, samedi soir, après le double homicide, deux véhicules, une Toyota Land Cruiser Prado AA- 43347 et un pick up Volkswagen Amarok année 2012 AA 19348, ont été retrouvés sans leurs occupants, selon nos sources. « Nous ne savons pas combien de personnes étaient à bord de ces véhicules. Mais il y a de fortes chances qu’elles aient été kidnappées », a expliqué notre source. Le journal a pu confirmer que Caëlle Edmond, animatrice à radio Caraïbes, a été enlevée samedi soir, à Bourdon. Dimanche matin, c’est le pasteur Rémy Lochard, chanteur évangélique très populaire depuis plus de deux décennies, qui a été enlevé à Tabarre. Il se rendait à l’église .
Croix-des-Bouquets, un autre point chaud
Le recteur de l’université de Port-au-Prince, Gérard Dorcely, 86 ans, formateur à l’Inaghei et dans d’autres temples du savoir de plusieurs générations d’étudiants haïtiens, a été kidnappé en compagnie de son chauffeur à Croix-des-Bouquets, fief du gang 400 Mawozo qui a des ramifications avec celui de Vitelhomme, un chef de gang opérant à Torcel, Tabarre et dans des zones avoisinantes, selon des sources policières. A Croix-des-Bouquets, une vingtaine de passagers interceptés à bord d’un bus de la compagnie de transport Sans-Souci sont séquestrés par le gang 400 Mawozo. Le week-end écoulé, un policier a été tué lors d’une opération sur les terres de ce gang qui dispose d’un armement conséquent et d’une bonne connaissance géographique de leur fief.
Préoccupations
Plusieurs sources interrogées par Le Nouvelliste se disent préoccupées par le regain d’activités affiché par les gangs, dont celui de Grand-Ravine et 400 Mawozo dans un contexte de tensions politiques. Les membres de ces gangs sont actifs. Ils kidnappent, volent des véhicules qu’ils vendent à des recéleurs. Même si le gang de Grand-Ravine est en guerre depuis le 1er juin 2021 avec celui de Chrisla, leur lieu de séquestration est toujours pourvu. C’est aussi le cas pour le gang 400 Mawozo, a expliqué cette source. « La vérité, c’est qu’en l’état, des policiers administratifs ne peuvent pas faire face à la puissance de feu des kidnappeurs qui écument les rues. Vous imaginez les policiers du sous-commissariat du Canapé-Vert face à un commando de kidnappeurs armés de Galil, M-4, Ar -15? Ce sont des douilles de calibre 5.56 millimètres qui ont été retrouvées à Bois-Patate lors du kidnapping raté de ces deux employés de l’ONU », a expliqué cette source entre impuissance, résignation et un zeste de dépit. Entre-temps, les promesses d’appui à la PNH ne manquent pas. Au quotidien, la liste des personnes assassinées et kidnappées s’allonge.
Réactions
« La Conférence des recteurs, présidents et dirigeants d’institutions d’enseignement supérieure haïtiennes (CORPUHA) a appris avec indignation et consternation que l’honorable professeur et recteur Gérard Dorcely a été kidnappé à la fin de la semaine écoulée par des galopins lourdement armés aux environs de la commune de Ganthier », selon une note rendue publique le 6 février, signée par Jean Robert Charles, président du conseil d’administration de la CORPUHA, soulignant qu’il est inacceptable que des bandits apatrides, ennemis de la société et des gens de bien,puissent, en toute impunité, « s’attaquer à ceux qui nous sont chers et qui ont servi pendant plusieurs décennies dans l’enseignement supérieur public et privé, à la formation des meilleurs cadres haïtiens du pays ».
« C’est une action intolérable que les universités et centres d’enseignement supérieur ont droit de rejeter et de condamner. Par conséquent, selon cette note, « Ia CORPUHA demande à toutes les institutions membres de cette corporation, en signe de protestation, de fermer leurs portes à partir du 8 février 2022 et par la même occasion invite toutes les universités publiques et privées à s’armer de courage en fermant aussi leurs portes jusqu’à la chimiothérapie de ce cancer qui tue la nation, par les responsables moraux et civilisés des forces policières : « MANYEN YON REKTE SE MANYEN TOUT REKTE ».
« Nous disons NON aux ravisseurs, NON aux voleurs sans vergogne. NON à l’ignorance à outrance; NON aux génies du mal qui alimentent les moins privilégiés à abâtardir cette nation endolorie depuis son indépendance à nos jours », selon cette note.
« L’université est protectrice de la nation. Elle est consciente de sa mission de former une Élite sociale, responsable de conduire la société mais aussi d’interpréter l’ensemble des informations qui lui sont disponibles. Quand tout va mal, son devoir est de réguler moralement les extrêmes par les alternatives de connaissance impartiales et les valeurs métoniennes. Son devoir, a souligné cette note, est d’aider l’Etat et tout gouvernement à bénéficier de ses services devant l’évidence de changement que requiert son intervention. » « Du reste la CORPUHA invite instamment les forces de police de la République à mettre en place des actions pour que le recteur Gérard Dorcely soit libéré dans les meilleurs délais, selon cette note.
« L’Université Quisqueya condamne avec la plus grande fermeté l’enlèvement du professeur Gérard Dorcély, recteur de l’Université de Port-au-Prince, ancien doyen de l’INAGHEI et ancien ministre de l’Éducation nationale », peut-on lire dans une note du recteur de cette université, Jacky Lumarque.
« Combien de nos éducateurs, de nos professionnels, de nos étudiants, de nos artisans, de nos chefs d’entreprises et de fonctionnaires de l’État doivent continuer à endurer cette violence des gangs avant que les autorités ne se décident à montrer la volonté politique qui s’impose et à mobiliser les ressources nécessaires pour s’attaquer de manière frontale et cohérente au problème de l’insécurité ? Quand la population sera-t-elle enfin libérée de cette nouvelle forme d’asservissement ? Quand le cauchemar des victimes et de leurs proches cessera-t-il? », s’est interrogé Jacky Lumarque dans cette note.
« L’Université Quisqueya lance un appel solennel au Gouvernement, à l’ensemble des acteurs de la classe politique, aux forces vives du pays, et les invite à s’engager toutes affaires cessantes dans une négociation soutenue en vue de mettre au point une réponse coordonnée à l’expansion des gangs », poursuivi cette note.
« Si nous ne consentons pas le sursaut collectif nécessaire pour bâtir cette coalition nationale contre le développement du banditisme, l’appareil d’État pour le contrôle duquel la classe politique investit tant d’énergie ne sera plus qu’une dépouille, pour le déshonneur de la nation et le malheur du pays », a indiqué la note de l’université Quisqueya.
D’autres promesses du PM de facto Ariel Henry
Pour la tenue des élections, des consultations populaires pour adopter une nouvelle constitution, il faut régler la question sécuritaire. Il faut d’abord arrêter tous les terroristes qui tirent sur des innocents dans les rues, qui enlèvent enfants et adultes, sèment le deuil au sein de la population. Nous ne pouvons pas demander aux gens d’aller aux élections si nous ne pouvons pas leur donner la garantie qu’ils pourront circuler en toute liberté partout à travers le pays et faire campagne dans toutes lés villes et les quartiers sans craindre pour leurs vies.Tout le gouvernement, a assuré Ariel Henry lors d’une adresse à la nation le 7 février 2022. Le chef du CSPN a mis en avant des « victoires » remportées par la PNH à Savien, La Croix Perisse, dans l’Artibonite. La PNH s’attaque au gang des 400 Mawozo dans son fief, des écoles publiques dans des quartiers difficiles ont rouvert, a soutenu Ariel Henry qui se fend d’une promesse, une de plus. « Nous cherchons plus de moyens, plus d’équipements et de formation pour nos policiers, pour qu’ils puissent continuer à mettre de l’ordre. Les bandits de Martissant et d’autres zones peuvent attendre. Ils sont dans notre collimateur », a indiqué Ariel Henry, soulignant qu’il sait que la sécurité est la principale préoccupation des gens.
Entre-temps, mardi, après une journée paralysée lundi, des rafales d’armes automatiques ont provoqué des « kouri » au bas de la ville. Croix-des-Bouquets vit, a appris le journal, au rythme des opérations de la police, des incursions de bandits qui crachent le feu de l’enfer. L’entrée Sud de Port-au-Prince, six mois, reste un calvaire. S’y aventurer équivaut à jouer à la roulette Russe sur fond de promesses, notamment des Américains, à aider au financement d’une unité anti-gang.
Source: Le Nouveliste