Victimes de violence armée : les handicapés du camp « La piste » relogés dans des conditions inhumaines à Pétion-Ville
Ils sont des manchots, des sourds-muets, des unijambistes, des non-voyants, des tétraplégiques à cohabiter à l’école communale de Pétion-Ville, dans deux anciennes salles de classe reconverties en abris de fortune dans des conditions infrahumaines. Suite à l’incendie du camp « La piste », le périple de ces personnes handicapées et des membres de leur famille les a conduit dans les locaux de cette institution qui visiblement n’est pas aménagée à cette fin. L’espace prend la forme d’un camp qui abrite des réfugiés de guerre, les bancs sont enlevés pour laisser la place à des linges sales qui sont posés à même le sol où s’installent
adultes et enfants qui tuent le temps, d’autres s’asseyent et s’impatientent. La promiscuité prend corps. Dans ce contexte marqué par la propagation du coronavirus, les mesures barrières sont inexistantes. Les gens se sont entassés. « Nous sommes empilés les uns sur les autres, si bien que quand je dors je suis obligée de poser mes pieds sur deux autres personnes. C’est Dieu qui nous protège contre le coronavirus », a déploré Marjorie Benoit, une manchote, mère de deux enfants.
Arrivée au fond de la première grande salle dans laquelle est regroupée la majorité des sinistrés, une odeur âcre se dégage, alertant de l’insalubrité dans le couloir situé derrière cette pièce, qui sert de douche aux déplacés ; des eaux usées et des détritus occupent l’espace. Les latrines sont débordées, des armées de mouches sillonnent l’endroit et des vers grouillent. « Je ne suis pas à l’aise, les W.C contiennent des vers. Imaginez ce que c’est pour une fille ou une femme de faire ses besoins dans un endroit comme ça. J’ai encore le souffle de vie, cela suffit. Mais nous vivons dans des conditions répugnantes », a-t-elle poursuivi, ressassant les bons moments du camp « La piste », qui, certes, n’était pas un paradis mais où elle pouvait avoir un peu d’intimité.
Des sanitaires en mauvais état, absence d’eau potable, les sinistrés dénoncent les conditions dans lesquelles ils sont logées. Ils demandent aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires afin de les placer dans un endroit approprié. Pour l’instant, l’aide est assurée par la secrétaire d’Etat à l’Intégration des personnes handicapées, Soinette Désir, confient des sinistrés qui jugent qu’elle est toutefois insuffisante. « Depuis ce matin (mardi 22 juin) j’ai rien mangé. D’habitude on nous donne du pain et du fromage le matin. Mais aujourd’hui j’ai rien reçu », s’est plaint un unijambiste, qui se rappelle que la veille on lui a apporté un peu de nourriture à 22 heures alors qu’il était plongé dans un profond sommeil après avoir passé une journée sans rien avaler.
Les personnes déplacées ont fui la violence au camp « La piste » suite à l’affrontement entre la police nationale et des gangs armés. L’incendie de ce camp résulte de cet échange musclé. Un non-voyant rencontré devant les locaux de l’école nationale communale accuse les agents de la PNH d’être à l’origine de l’incendie. Selon lui, les forces de l’ordre ont posé cette action sous prétexte que les handicapés se font complices des bandits opérant à bas Delmas. Ses propos ont été corroborés par ses voisins.
Source: Le Nouveliste