Il y a en Haïti une « démocratie à la Jovenel », selon le président Moïse
Jusqu’au 26 novembre 2020, le président Jovenel Moïse était dans les bonnes grâces de ses amis de la communauté internationale. Mais au moment où, deux ans après, son administration n’a rien fait de concret contre le massacre à La Saline et dès lors qu’il a publié deux décrets créant l’Agence nationale de l’intelligence et sur le Renforcement de la sécurité publique, le chef de l’Etat a été sévèrement rappelé à l’ordre par l’ONU et les principaux ambassadeurs accrédités au pays. Jovenel Moïse maintient sa décision et tente de rassurer qu’il n’a pas la volonté d’instaurer une dictature dans le pays.
« Ces deux décrets présidentiels, pris dans des domaines qui relèvent de la compétence d’un Parlement, ne semblent pas conformes à certains principes fondamentaux de la démocratie, de l’Etat de droit, et des droits civils et politiques des citoyens », a critiqué le Core Group dans une rare prise de position contre le président de la République.
En réaction, Jovenel Moïse déclare avec autorité : « Quand je prends une décision, je l’assume en tant que chef de l’Etat, le président de la République ! Toutes mes décisions sont prises pour le bien-être de la population. »
Le président a dénoncé ce qu’il considère comme une politique deux poids, deux mesures de la part de la communauté internationale. « Pendant ce temps, l’insécurité s’installe dans le pays. Cela nous prend du temps pour avoir des informations qu’on pouvait avoir rapidement… », a-t-il fulminé au cours de son passage à Ouanaminthe le week-end écoulé.
« Le président Jovenel Moïse n’a aucune velléité dictatoriale, a-t-il affirmé. C’est la démocratie à la Jovenel. Cette démocratie que je construis doit se faire dans l’ordre et la discipline. Personne ne peut vouloir déstabiliser le gouvernement en finançant les bandits pour commettre des actes de kidnapping sans que nous n’ayons à notre disposition un instrument légal pour l’arrêter. »
Jovenel Moïse croit qu’il y a des gens et des entreprises qui financent l’insécurité dans le pays grâce à l’argent des contrats qu’ils ont avec l’Etat. Comme toujours, il accuse sans citer de noms. Avec l’Agence nationale de l’intelligence, il entend sévir contre ces personnes et il l’a dit haut et fort.
Le locataire du Palais national a reconnu que la communauté internationale et la société civile haïtienne peuvent voir dans ces deux décrets une volonté de sa part d’instaurer une dictature dans le pays. « Mais je sais qu’il y a des lobbys derrière tout ça », a-t-il dénoncé.
Le chef de l’Etat a toutefois rassuré que l’Agence nationale de l’intelligence ne sera pas utilisée pour faire de la persécution politique, « mais pour protéger la population… », a-t-il ajouté.
Après environ quatre ans au pouvoir, Jovenel Moïse considère encore le pays comme un avion en chute libre. Avec la publication de ces deux décrets, a-t-il affirmé, il cherche à redresser l’appareil étatique. Le chef de l’Etat a fait remarquer qu’il y avait déjà des services d’intelligence dans plusieurs institutions publiques du pays comme à la Primature, au Palais national, à la Police nationale, aux ministères de la Justice et de l’Intérieur, à la secrétairerie d’Etat à la Sécurité publique.
« Je n’ai jamais eu un rapport d’intelligence depuis trois ans et dix mois que je suis au pouvoir », s’est plaint le chef de l’Etat. Avec la création de l’Agence nationale de l’intelligence, Jovenel Moïse a dit vouloir changer cette situation et obtenir des renseignements sur la situation du pays chaque jour.
Selon le président, ceux qui sont contre la création de l’Agence nationale de l’intelligence sont ceux qui cherchent à déstabiliser le pays.
Jovenel Moïse a fait remarquer qu’en République dominicaine il y a la Direction nationale d’intelligence, qu’aux Etats-Unis le CIA, le FBI, la DEA entre autres agences de renseignements, la France a ses services de renseignements… « Je comprends l’inquiétude de tout le monde, c’est leur droit », a-t-il rappelé. Selon le président, c’est normal que des gens aient des inquiétudes face à la force de ces deux décrets, mais il n’entend pas faire marche arrière.
Le président a dit assumer la création de l’Agence nationale de l’intelligence et le décret sur le Renforcement de la sécurité publique qui renforcent ses pouvoirs en tant que chef de l’Etat alors qu’il n’y a pas de Parlement pour contrôler les actions de son administration depuis bientôt un an.
Source: Le Nouveliste