entre petite fièvre et malaise mortel, des Haïtiens meurent

Il est médecin. Il est un ami. Il est un professionnel que le pays ne doit pas perdre. Le taux d’oxygène dans son sang baisse de façon inquiétante. Il refuse d’aller à l’hôpital. »

Celui qui parle est le Dr Jean William Pape, spécialiste des maladies infectieuses, co-président de la Commission multisectorielle de gestion de la Covid-19, mais surtout responsable des centres Gheskio. Pape, en plus de son savoir théorique, a pu suivre à travers les centres de traitement Covid de Gheskio plus de 600 patients.

Le Dr Pape a l’expertise et l’expérience, mais il peine à convaincre un médecin qui a la formation et la conscience de la gravité de son cas d’aller se faire soigner.

Par ce témoignage livré au pays en conférence de presse le mardi 2 juin 2020, toute la problématique haïtienne de la Covid-19 est étalée en quelques mots.

Si même un médecin doute ou a honte de se faire soigner, a peur ou est dans le déni total face à la pandémie, imaginez ce qui traverse la population…

Le récit du Dr Pape du cas de ce médecin réticent aux soins rejoint des dizaines d’autres histoires qui remontent à la surface de l’actualité, souvent avec des fins tragiques.

Ils sont policiers, militaires, avocats, simples citoyens ; chacun fait son choix, hésite, refuse d’aller voir un médecin ou d’être hospitalisé, cherche un hougan ou la prière, fait de l’automédication ou ignore simplement son état. Quand ils finissent par être transportés dans un centre Covid, ils y arrivent trop tard. Et décèdent.

Ces patients meurent des suites de la « petite fièvre » dont tout le monde parle dans la région métropolitaine ou de ce « malaise », mot-valise qui permet d’éviter d’accepter la réalité du coronavirus.

En conférence de presse, les Dr Lauré Adrien et Jean William Pape ont tenu à rappeler que « la Covid-19 n’est pas mortelle pour ceux qui voient un médecin tôt, qui vont à l’hôpital eux-mêmes ».

« Toux, fièvre, mal à la tête, maux de gorge, conjonctivite, diarrhée, courbatures, difficultés pour respirer. Si vous avez un de ces signes, n’attendez pas. Allez voir un médecin », insistent les médecins Pape et Adrien.

Autre point important de la conférence de presse, le Dr Pape a dit clairement : « A Port-au-Prince, nous sommes au stade où le diagnostic clinique est suffisant pour dire que quelqu’un a la Covid-19. Pas besoin de faire le test quand le patient présente les signes. C’était le cas pour le choléra et avant pour le sida. »

Il n’y a pas de petite fièvre. Personne ne meurt de malaise. C’est la Covid-19 qui est à l’œuvre. Et les statistiques ne suivent pas, ne peuvent pas suivre, à cause de mille handicaps.

Plus que jamais, le respect des gestes barrières est de mise au pays du grand déni, de la peur, du doute et de la stigmatisation.

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