quand les infirmières lancent leurs cris

Même si elles sont souvent des femmes en Haiti, il existe aussi des hommes qui exercent le métier des soins infirmiers. Les infirmiers (ères) ont célébré sobrement le mardi 12 mai la Journée mondiale des infirmiers (ères) en Haïti. Alors qu’ils constituent un maillon indispensable de la chaîne de soins, qu’ils s’impliquent au même titre que les autres professionnels sanitaires, les infirmiers (ères) restent très peu valorisés dans le pays. Aux côtés des médecins, ils sont plusieurs dizaines à être affectés dans les centres de prise en charge de la Covid-19. Elles ne réclament que de la reconnaissance et surtout de l’aide, des équipements de protection pour faire face à la Covid-19. 

 

Dans la trentaine, l’infirmière Astrid Berri Prophète n’a pas l’air d’avoir peur pour sa vie. Elle se donne à fond, corps et âme pour soigner tout patient dont elle a la charge. Elle a été l’une des premières personnes à répondre « présent » sans question aucune quand on lui a demandé d’intégrer l’unité de prise en charge des infections respiratoires aiguës à l’hôpital St-Luc. Malgré les risques, les pièces manquantes du puzzle, elle embarque. « Non. Je n’ai pas peur. Je reste positive », raconte la jeune « miss », très sûre d’elle. Avoir une disposition mentale différente équivaudrait à trahir son rêve, celui pour lequel elle est née. « Depuis mon jeune âge, je ne voulais pas faire autre chose que de sauver des vies. C’est ma passion », précise l’ancienne étudiante de l’école infirmière Louis Pasteur.

Diplômée et détenant une licence du ministère de la Santé publique et de la Population, l’infirmière Astrid Berri Prophète n’a pas peur du danger. Elle aime son métier si noble mais très peu valorisé. Lorsque l’épidémie de choléra faisait ravage en Haïti, elle était allée au front. Aujourd’hui, elle est impliquée dans la Covid-19 avec toute son énergie et sa disponibilité. Elle ne demande que des équipements de protection individuelle pour elle, les membres du staff auquel elle appartient et pour tout le personnel soignant. « Je demande de la collaboration, de l’aide afin d’avoir à notre disposition les moyens de protection », tient à rappeller l’infirmière, qui ne néglige pas totalement les risques de contracter le virus sur le champ de bataille. Et si cela arrive, affirme-t-elle, elle aura juste besoin d’avoir la chance de pouvoir bénéficier des soins que son cas nécessitera.

Infirmier responsable de l’unité des maladies infectieuses à l’hôpital universitaire de Mirebalais, Arielson Valéry Jean-Baptiste, en s’impliquant dans la lutte contre la Covid-19, s’est souvenu du pourquoi il fait ce métier. « Le 12 janvier 2010, ma vie a basculé. Voyant l’urgence et le manque de bras auxquels le pays faisait face, je me suis tourné vers l’Ecole nationale des infirmières de Port-au-Prince pour avoir non seulement une profession, mais également pour aider les gens qui étaient dans le besoin », relate l’ancien du Petit Séminaire Collège St-Martial.

C’est en effet le même objectif qui l’anime quand il a décidé de se placer en première ligne contre la pandémie qui a fait près de 300 000 morts à travers le monde. « J’ai fait ce choix par souci mais aussi afin de mieux aider. Covid-19 est nouvelle. Personne n’a eu à faire cette expérience avant, encore moins dans les livres. Mieux vaut être dans les tranchées et tracer le bon exemple quand on est un leader afin de motiver les autres à mieux comprendre l’importance d’apporter leur aide à ceux qui en ont besoin », affirme le spécialiste en soins intensifs néonatologie.

Jean-Baptiste fait partie des infirmiers qui exercent ce métier avec le cœur. Sa seule satisfaction reste le fait d’aider un patient à retrouver sa famille et sa vie d’avant et de permettre à chaque patient, parent, famille et ami de retrouver le sourire quand ils n’avaient aucun espoir. « Mais le travail de nos chers (ères) infirmiers (ères) n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur », déplore celui qui dit garder aussi de mauvais souvenirs. Perdre des patients, quelles que soient les circonstances, le laisse anéanti, abasourdi.

« Etre infirmière cela veut dire beaucoup de choses. C’est d’abord sauver des vies à la place des autres, se donner soi-même. Donner des soins non pas en tant qu’infirmière mécanique mais humaniste », confie pour sa part Marie Laurie Chéry, infirmière directrice des soins a.i. à l’hôpital Saint-Damien de Nos petits frères et sœurs.

La spécialiste en soins infirmiers pédiatriques est fière de ses réalisations. Elle se décrit comme une professionnelle compétente dont la motivation première est de rendre heureux les autres. « Dans ma jeunesse, je n’avais jamais rêvé d’être infirmière. Je voulais être comptable. Au cours d’un stage à l’hôpital Saint-François de Sales, j’ai rencontré un patient qui a changé ma vie. J’ai compris que je peux être mieux utile à la société en tant qu’infirmière au lieu d’être comptable », déclare miss Chéry, qui s’était vite inscrite à l’Université Notre-Dame d’Haïti pour entamer ses études en soins infirmiers.

Après son diplôme et sa licence en 2005, Marie Laurie Chéry a roulé sa bosse partout avant d’intégrer le staff du plus grand centre pédiatrique d’Haïti. Dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, elle y est en première ligne. Elle dirige l’équipe qui est affectée à l’unité de soins des infections respiratoire aiguës à Saint-Damien. Elle définit le professionnel infirmier comme quelqu’un qui participe à la prise en charge des patients et non comme un simple exécutant. En Haïti, juge-t-elle, le métier d’infirmier est très peu apprécié. « C’est très décourageant parce que les pionnières ne nous laissent pas la chance d’intégrer cette organisation. Ce serait bien d’avoir une équipe qui promeut la profession d’infirmière, car cette profession est très noble », ajoute-t-elle.

C’est purement par amour que l’infirmière Steevencia Nabienne Pierre se rend chaque jour au travail. Affectée à la maternité Isaie Jeanty de Chancerelles (Cité Soleil) elle doit affronter les balles des bandits pour avoir accès à l’hôpital. Les conditions de travail ne sont pas réunies pourtant, elle ne songe qu’à contribuer au bonheur d’une femme qui veut mettre au monde un enfant, d’un malade qui n’a pas d’espoir. Si l’ancienne étudiante de l’école infirmière Louis Pasteur ne pense plus à entreprendre des études avancées, c’est parce qu’elle dit constater que le personnel de santé en Haïti n’a pas d’importance. Elle appelle les autorités du pays à prendre conscience car nos meilleurs professionnels vont à l’étranger.

 

 

Source: Le Nouvelliste

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