Usines et marchés publics au temps du coronavirus

 

 

Sur la route de l’aéroport ce mercredi, rien ne manque au décor en ce jour des plus ordinaires. Des motocyclistes qui font les yeux doux aux passants; des tap-tap bondés de passagers pour la plupart sans masque de protection; des piétons qui se dirigent dans tous les sens; une cacophonie de klaxons, de vrombissement de moteurs et de cris de marchandes d’œufs bouillis et de figue-banane […] Il est 6h a.m., la journée débute sur les chapeaux de roue.

La réouverture des usines depuis lundi ajoute un plus à l’ambiance paradoxale de Port-au-Prince au temps du coronavirus. Des grappes d’ouvriers prennent d’assaut l’entrée de la SONAPI. Dehors, les gestes barrières tels que le port de masque ou la distanciation physique semblent être jetés aux oubliettes. Le port du masque tient plus à un effet de mode qu’à un réel souci de protection contre le Covid-19. Certains ouvriers le portent sous le menton, d’autre le mettent en-dessous du nez, d’autres n’attendent que leur arrivée à l’entrée principale pour le porter au visage. À l’entrée principale comme sur la route qui mène aux différentes usines, la distanciation physique n’est pas respectée. Tout ce qui importe, c’est de franchir la barrière et de se rendre au plus vite à son usine, son gagne-pain, pour y prélever le « précieux sésame » : les 500 gourdes ou plus pour une nouvelle journée de travail.

Si les gestes barrières ne sont pas respectés à l’extérieur, ils sont exigés pour pénétrer dans toutes les usines logées au parc industriel de la SONAPI. Certaines usines placent sur le sol des points jaunes après chaque 1m50 de distance afin que les travailleurs puissent se distancer l’un de l’autre pour entrer. Des points de lavage des mains sont observés devant pratiquement toutes les usines. Le port de masque est une condition nécessaire pour y pénétrer. En plus de cela, des entreprises comme Pacific sport Haiti vérifient la température corporelle des ouvriers avant de les autoriser à travailler. Pacific sport Haïti désinfecte les chaussures des ouvriers avec du chlore avant qu’ils pénètrent l’enceinte. Seul 30% du personnel de ces entreprises est autorisé à travailler. Le gouvernement avait exigé des patrons le travail par roulement, ce, afin de respecter les consignes de distanciation.

Si dans les usines on exige des ouvriers le respect des consignes, la réalité contraste dans les marchés publics. Les marchandes sont entassées comme des sardines. Elles vacillent entre incrédulité et la ferme espoir que « Dieu va les préserver du danger ».

Au marché Salomon, une jeune femme dans la trentaine interrogée par le journal dit ne pas vouloir porter de masque parce que celui-ci l’empêche de respirer. Une autre dame préfère son foulard au cache-nez parce qu’il a entendu dire que les cache-nez sont « empoisonnés ». Une autre encore dans la quarantaine n’a pas hésité à exhiber fièrement son masque fabriqué à base de tissus. « Je l’ai acheté avec mes propres moyens. Ce n’est pas un don du président. On avait distribué quelques-uns au marché la semaine dernière mais j’avais refusé d’en prendre parce que je ne voulais pas que ma photo fasse le tour des médias. Je ne vendrai pas ma dignité pour un morceau de tissu », déclare t-elle, le ton ferme. Plusieurs marchandes interrogées par le journal ont indiqué avoir pris des mesures de précaution contre le virus. « Nous avons chacune une bouteille d’eau avec du chlore pour nous laver les mains après chaque vente », soutiennent-elles.

 

 

 

Au marché du Canapé-Vert, la plupart des marchandes de charbon de bois n’étaient pas munies de masque ce mercredi. Selon certaines d’entre elles, la chaleur les empêche de porter cette barrière de protection. D’autres ont déploré le fait que les autorités n’en aient pas encore distribué. Une marchande interrogée par le journal compte sur une eau chlorée, devenue noirâtre à force d’utilisation, pour se prémunir contre le danger que représente le coronavirus. Une autre, la seule qui portait un masque en tissu lors de la visite du journal, croit que Dieu va l’épargner du danger. « Dieu est notre docteur. Il prendra le contrôle. Il va nous protéger du coronavirus. Il prendra soin de nous », assure-t-elle avec conviction.

 

 

Source: Le Nouveliste

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