Une vingtaine de députés lèvent la main pour la mise en accusation du chef de l’Etat
Ils accusent le président de la République de crime de haute trahison et d’avoir à maintes reprises violé la Constitution. En outre, ces députés accusent Jovenel Moïse d’avoir conduit le pays au bord de l’explosion sociale. Pour toutes ces raisons, ils sont une vingtaine de députés à avoir adressé, le lundi 10 juin, une correspondance au président de la Chambre des députés pour lui demander de donner suite à leur demande du 20 février dernier de mise en accusation du chef de l’Etat.
Les députés signataires de la demande de mise en accusation du chef de l’Etat ont dit prendre note de la détérioration rapide de la situation sociale, économique, politique et sécuritaire d’Haïti. « Le pays est au bord de l’explosion sociale. Des protestations massives se succèdent dans la capitale comme en province pour exiger la démission du président Jovenel Moïse, accusé de détournement de fonds dans un rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif. Ce dossier accablant vient s’ajouter à une longue liste de violations de la Constitution par le président et ses gouvernements successifs », ont écrit les accusateurs au président de la Chambre des députés.
« A l’unisson, tous les secteurs de la vie nationale se sont déjà exprimés dans le sens des revendications populaires. Les récentes positions de la Conférence épiscopale d’Haïti, du Forum économique du secteur privé des affaires, de la Fédération protestante d’Haïti et des regroupements associatifs de la société civile sont sans équivoque. Elles pointent clairement du doigt le chef de l’État comme responsable de la situation calamiteuse que connaît Haïti », ont-ils dénoncé.
« En tant que co-dépositaire de la souveraineté nationale, le Parlement ne saurait rester indifférent aux cris de la population dont elle doit être la véritable caisse de résonance institutionnelle et républicaine. Ainsi, nous vous rappelons l’impérieuse nécessité qui est la vôtre de tenir compte de la transmission le 20 février 2019 de l’acte de mise en accusation contre le président Jovenel Moïse pour des faits constitutifs du crime de haute trahison. Il y a été clairement indiqué : « qu’une fois destitué de sa fonction, Monsieur Jovenel Moïse sera traduit devant les tribunaux de droit commun pour répondre des faits qui lui sont reprochés ». C’est essentiellement ce que demande la population haïtienne ! », lit-on dans la correspondance dont Le Nouvelliste a eu copie.
Les députés accusateurs critiquent Gary Bodeau pour n’avoir pas donné suite à leur demande de mise en accusation de février dernier.
« Contrairement aux dispositions de la Constitution en vigueur et au règlement intérieur de la Chambre des députés, vous n’avez donné aucune suite administrative à la requête susmentionnée. En agissant ainsi, vous avez confondu le poste de président de la Chambre des députés à celui d’allié du PHTK et de sa majorité au Parlement. Outre les graves violations de la Constitution, la gestion du chef de l’Etat nous gratifie d’un sombre tableau caractérisé par l’inflation, la gabegie, la misère, la corruption, l’improvisation, la médiocrité, l’arrogance, l’incivisme, l’impunité, le règne des « bandits légaux », des gangs armés et la dilapidation des avoirs de l’État… »
Les députés accusateurs ont demandé au président de la Chambre de se ressaisir en organisant une séance spéciale, dès l’ouverture de la prochaine session ordinaire, en vue de fixer la date de la séance de mise en accusation. « Faute par vous d’obtempérer à cette demande pressante et impérieuse, lesdits députés n’auront d’autre choix que de s’opposer à la tenue de toute autre séance et solliciteront subséquemment votre destitution comme président du bureau », ont-ils menacé dans la correspondance.
Selon l’article 186 de la Constitution, la Chambre des députés, à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, prononce la mise en accusation: a) du président de la République pour crime de haute trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l’exercice de ses fonctions.
Les députés signataires de la correspondance
Député Sinal Bertrand ; député Jerry Tardieu ; député Jean-Robert Bossé ; député Roger Millien ; député Baudelaire Noelsaint ; député Rudy Devil ; député Joseph Manès Louis ; député Pierre Fequiere Julien ; député Déus Deronneth ; député Jean-Marcel Lumérant ; député Reynald Exantus ; député Abel Descollines ; député Smith Romuald ; député Ketel Jean-Philippe ; député Garnier Vikerson ; député Jacob Latortue ; député Frank Lauture ; député A Rodon Bien-Aimé ; député Paul Gérard Lorméus ; député Printemps Belizaire ; député Myriam Amilcar.
Robenson Geffrard
Le Nouvelliste