121 ans pour Le Nouvelliste, ne désespérez pas de demain

Hasard du calendrier, la création du Nouvelliste le 1er mai 1898 correspond avec la date retenue un peu plus tard pour célébrer la fête du Travail et de l’Agriculture. En ce même mois, le 18, c’est la fête du Drapeau et celle de l’Université que mai met sur la route du journal. Heureuses coïncidences.

Du travail, le pays en a besoin. La création d’emplois est une nécessité pour construire une société meilleure et plus forte. De plus en plus de gens formés, de la maternelle aux études doctorales, sont nécessaires pour changer de paradigmes en Haïti. Cela paraît une évidence. En disant cela, nous ne dévoilons pas de secret.

Mais constater que ces deux exigences, le travail et l’éducation, ne constituent ni des revendications de la population ni des obsessions pour nos dirigeants, nos éducateurs et nos hommes d’affaires, voilà ce qui nous désole en ce mois de mai. Constater que des pans entiers de la population s’entichent d’autres valeurs loin de l’effort et de la recherche patiente de la réussite est un autre augure de catastrophe. Nous n’aimons plus assez l’école ni le travail.

Cela dit, les nouvelles sont amères. L’espoir est en berne. On scrute l’horloge avec appréhension. L’angoisse étreint à l’aube, au réveil. La peur envahit les foyers et le pays au coucher du soleil. Les temps sont durs dans l’Haïti de 2019.

Et pourtant, chaque jour qui passe dépasse l’espérance de vie d’hier. Nous vieillissons. Nos institutions aussi. Le Nouvelliste a 121 ans ce 1er mai.

Le temps n’est pas à la fête. L’inquiétude prend toute la place. Le Nouvelliste ne célébrera pas ce cent vingt et unième anniversaire. Aux flonflons, nous préférons, cette année, la sobriété.

Reste la fierté du chemin parcouru, le bilan du travail abattu et la famille du doyen de la presse qui, des Guillaume Chéraquit, Henri Chauvet, Oswald Durand en 1898, continue de s’agrandir avec le même esprit de vouloir dompter les défis nombreux de ce pays jamais tranquille en faisant vivre une entreprise de presse.

Aujourd’hui, c’est l’insécurité et ses victimes innocentes, la crise économique et le taux de change affolant du dollar ; c’est la communauté internationale qui ne nous aiguillonne plus vers la recherche du meilleur pour se faire complice du pire ; c’est l’envie de partir qui dissout les volontés les plus ancrées de faire ici un pays où il fait bon vivre ; c’est tout cela et l’insolente incompétence que certains responsables portent en étendard qui tissent la trame de nos vies. Et comme un fil blanc qui tient l’édifice en place : l’appât du gain.

En mai 1902, quelques années après avoir pris naissance, Le Nouvelliste a ouvert ses pages à des articles du journaliste Alexandre Lilavois pour traiter des affaires de ceux qui « gueux hier sont devenus aujourd’hui des richards insolents ». L’affaire qui déboucha sur « le procès de la consolidation » était lancée. Cela fait dix ans que le journal suit les circonvolutions d’une péripétie similaire du nom de PetroCaribe. Sans préjuger de la suite, les deux époques se ressemblent étrangement.

Les noms changent, le sujet central demeure. L’appétit pour la corruption anime les dépeceurs de l’Etat haïtien. Et rares sont les Nord Alexis qui œuvrent pour que l’Etat soit défendu et pour que justice soit faite.

Comme il y a de cela un siècle, des Blancs et des nationaux s’allient pour soustraire au pays les bénéfices de financements gigantesques. Aujourd’hui, comme au début du vingtième siècle, il s’agit de sommes empruntées et détournées de leurs usages. Ici, au Nouvelliste, comme en 1902, la radiographie du captage des mamelles de l’Etat au seul bénéfice de chefs-voleurs s’opère au quotidien. Que de gardiens du troupeau n’avons-nous pas vu se transformer en loups ces dernières décennies pour causer au pays plus de torts que toutes les dévastatrices catastrophes naturelles mises ensemble.

Aujourd’hui comme hier, Le Nouvelliste et ses journalistes feront leur travail. Sans perdre la mémoire. Dans le calme. Sans précipitation. Sans acrimonie. Sans esprit de représailles. Avec rigueur et méthode.

Ici au Nouvelliste, nous sommes convaincus depuis 1898 qu’Haïti n’ira pas mieux si la presse s’installe au banquet des corrompus pour faire ripaille avec les audacieux aux doigts longs. Nous en sommes convaincus et vous remercions, lecteurs d’hier et d’aujourd’hui, de continuer à nous faire confiance en dépit des sollicitations qui vous assaillent et des calomnies intéressées dont on vous abreuve.

La presse, Le Nouvelliste en premier, parce que le plus ancien organe de presse de ce pays fait face à de nombreux défis en 2019. Il en fut toujours ainsi. Nous nous adapterons. Nous ferons le dos rond. Nous résisterons. Nous ferons de notre mieux pour vous servir. Tel est l’engagement du journal envers vous en ce 121e anniversaire.

Ce 1er mai 2019 ramène le 121e anniversaire du journal Le Nouvelliste. En cette occasion, il nous plaît de souhaiter à nos abonnés, à nos commanditaires, à nos lecteurs, à nos collaborateurs, à nos journalistes, à nos employés nos vœux les meilleurs pour la nouvelle année qui commence.

La rédaction s’associe à la direction du Nouvelliste, à Max E. Chauvet et à Pierre Chauvet Fils, les propriétaires, pour vous assurer, encore une fois, des meilleurs sentiments de Le Nouvelliste, votre journal.

Chers amis lecteurs et lectrices, ne désespérez pas de demain. Bâtissez-le au bout de l’effort à votre image et tout ira bien.

Frantz Duval

Le Nouvelliste

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