L’ONU envisage de déployer une mission politique spéciale en Haïti
Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a recommandé au Conseil de sécurité de créer une mission politique spéciale en Haïti afin de prendre la relève à partir du 16 octobre 2019 de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (Minujusth, fin de mandat 15 octobre) et permettre de maintenir le soutien à Haïti.
Pour la remplacer pour une période d’un an, à compter du 16 octobre 2019 et avec l’approbation des autorités haïtiennes le Secrétaire général « […] recommande au Conseil de sécurité d’approuver la création d’une mission politique spéciale [dont la dimension reste à définir] dirigé par un représentant spécial du secrétaire général. […] Son mandat serait de fournir de bons offices et de conseiller le Gouvernement dans des domaines spécifiques tels que la réforme politique, les élections, la justice, le système pénitentiaire, le développement de la police, la réduction de la violence et les droits de l’homme » a déclaré Guterres.
Extrait du rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti :
« Les risques d’un regain d’instabilité découlant des problèmes politiques, économiques, humanitaires, de sécurité et des droits de l’homme susmentionnés ont été examinés minutieusement au moment de décider de clore le chapitre du maintien de la paix et d’opter pour une présence consécutive au maintien de la Paix en Haïti. Comme cela a été constaté durant la crise récente, il est clair que si les capacités nationales de surmonter les menaces contre la sécurité intérieure et l’ordre public sont considérables, la clef pour empêcher tout glissement se situe au niveau politique ; il faudrait donc continuer de favoriser la stabilité politique du pays. De même, du fait que bon nombre de critères énoncés dans la stratégie de sortie de la Minujusth ayant trait à l’État de droit et aux droits de l’homme ne seront pas atteints d’ici à octobre 2019, il faudra poursuivre les efforts dans les secteurs connexes pour parvenir aux objectifs ultimes escomptés en Haïti, comme indiqué dans mon rapport.
Au vu de ce qui précède, la mission d’évaluation stratégique s’est entretenue avec le Président Moïse et les membres de son cabinet de la durée du mandat de la Minujusth dont le Conseil prévoit qu’il se terminera à compter d’octobre 2019, ainsi que d’options pour une présence des Nations Unies qui corresponde le mieux à la situation actuelle sur le terrain, sachant qu’elle a considérablement évolué depuis 2004. Deux grands modèles et leurs variantes ont été examinés : la transition vers une mission politique spéciale qui, à divers degrés et sous des formes différentes, pourrait offrir des compétences politiques et des fonctions consultatives aux côtés de l’appui technique et en matière de programmes fourni par l’équipe de pays des Nations Unies et une transition vers la présence d’une équipe de pays des Nations Unies, coordonnée par un coordonnateur résident et coordonnateur de l’action humanitaire.
Au titre de l’option équipe de pays des Nations Unies, Haïti ne figurerait plus sur la liste des questions dont le Conseil de sécurité est saisi et l’ONU, par sa présence, s’emploierait à appuyer l’action nationale visant à faire avancer le développement durable et une responsabilisation à l’échelle du système afin de mettre en oeuvre le plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement. Cette option ne permettrait cependant pas de conserver, au titre d’un mandat du Conseil de sécurité, un chef de la police civile et des policiers internationaux dont la présence au moyen d’un rôle consultatif et de mentorat a été essentielle pour garantir la prestation et le développement de la police nationale.
La création d’une mission politique spéciale permettrait néanmoins de mettre fortement l’accent sur le développement étant donné que celle-ci viendrait compléter le rôle plus technique et plus axé sur le développement à long terme que jouent les organismes, fonds et programmes des Nations Unies. Le plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement continuerait d’être le principal vecteur de la planification afin de coordonner les activités intégrées de la mission et de l’équipe de pays des Nations Unies. Une mission politique spéciale permettrait au Conseil de sécurité de continuer d’accompagner l’action menée par Haïti en vue d’une Paix durable et de renforcer le rôle de médiation de l’ONU grâce au mandat octroyé à ma Représentante spéciale. Le risque de basculer à nouveau dans l’instabilité politique, comme c’est le cas actuellement, qui porterait atteinte à la situation des droits de l’homme, indique que cette option présente des avantages. Diverses formes de présence ont été examinées, allant d’un petit bureau politique de la mission à des structures plus vastes, qui comprennent des fonctions consultatives en vue d’un développement et d’un mentorat accrus de la police, une réforme stratégique plus ciblée de la justice, le système pénitentiaire, les élections, les droits de l’homme et la réduction de la violence de proximité, pour aider le Gouvernement à mettre en place ses priorités stratégiques en matière d’état de droit à court et moyen terme. Dans la planification de la transition, un accent particulier a été mis sur le fait de garantir un passage en douceur vers une nouvelle présence. Il faudrait une analyse solide des risques sur le plan de la sécurité que courraient les femmes qui y participeraient et dans le même temps, des possibilités qui s’offriraient à elles, au moment d’envisager les formes que prendrait la présence de l’ONU.
Tout au long des débats, les interlocuteurs haïtiens ont réaffirmé qu’il était temps de mettre un terme aux activités de maintien de la Paix des Nations Unies et à l’application du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Aucune requête n’a été faite en vue d’une prorogation du mandat de la Minujusth au-delà du 15 octobre 2019.
Dans le même temps, eu égard aux besoins persistants du pays, les autorités haïtiennes ont exprimé leur appui au déploiement d’une mission politique spéciale au titre du Chapitre VI de la Charte, destinée à accompagner les priorités en cours dans des domaines précis tels que l’état de droit, la sécurité, les droits de l’homme et le développement, pendant une période transitoire, de façon que Haïti ne figure plus à terme sur la liste des questions dont le Conseil de sécurité est saisi. »