Céant lance le dialogue, Moïse étale son insatisfaction
Cela devrait être un moment de gloire pour le Premier ministre, le seul depuis qu’il est arrivé à la tête de la Primature le 17 septembre 2018. Mais c’était sans compter sur les insastifactions du président de la République. En introduisant Jovenel Moïse, ce mardi 22 janvier, au lancement officiel du dialogue autour du Pacte de gouvernabilité, Jean-Henry Céant s’est targué d’avoir rencontré tout le monde. Oui ! Mais il y a un mais. Le chef de l’Etat estime qu’il y a des gens importants au processus de dialogue qui ne sont pas dans la salle. Le locataire du palais national a donc demandé au chef du gouvernement d’aller convaincre les absents.
La grande salle du Centre de convention de la BRH est bien remplie ce mardi 22 janvier 2019. Tout le monde ou presque est là. On va dialoguer, discuter sur le Pacte de gouvernabilité élaboré par le Premier ministre avec pour objectif de trouver une solution concertée à la crise politique. Leaders politiques, membres de la société civile, officiels du gouvernement, l’ex-chef de l’Etat Boniface Alexandre, Nicolas Duvalier (fils de l’ancien président dictateur Jean-Claude Duvalier), des anciens Premier ministres, parlementaires, figures de la communauté internationale, personnalités de tout secteur sont là. Les grands absents à cette activité on les connaît déjà : les partis de l’aile dure de l’opposition qui ne jurent que par la démission du président de la République, la Fusion, le RDNP, entre autres.
Vient maintenant l’arrivée du Premier ministre. Il prend le temps de saluer la plupart de ses conviés, discuter avec certains d’entre eux pour tuer le temps en attendant l’arrivée du président de la République qui a pris tout son temps pour arriver au Centre de convention de la banque centrale. Une fois arrivé, la cérémonie débute avec deux heures de retard.
« Un grand merci au président de la République qui m’a permis de faire une expérience extraordinaire. Une expérience des hommes et des choses… », avance le Premier ministre l’air satisfait de ses réalisations. « Monsieur le président…j’ai rencontré tout le monde, j’ai traversé toute la société haïtienne, j’ai parlé à tout le monde… », se targue à souligner Jean-Henry Céant en donnant la parole au président de la République.
« Je sais qu’en deux mois, le Premier ministre n’a pas eu le temps de réaliser tout ce que je voulais. Il a rencontré beaucoup de monde, mais il n’a pas pu, en deux mois, convaincre tout le monde. C’est pour cela que je vais demander au Premier ministre de continuer avec le dialogue », a déclaré Jovenel Moïse dans son discours.
« Quand j’ai donné mandat au Premier ministre de consulter tout le monde, il l’a fait. Mais je dois vous dire que tout ce beau monde n’est pas dans la salle aujourd’hui. Il y a des gens importants qui ne sont pas là », a fait remarquer le locataire du Palais national, regrettant le fait que lors de l’élaboration de la Constitution de 1987 un secteur a été écarté de la vie politique pour 10 ans.
« S’il y a une satisfaction personnelle que je n’ai pas, c’est l’absence de certaines personnes. Vous devez aller les chercher. Elles doivent venir s’asseoir avec nous ! Aucun sacrifice n’est trop grand pour ce pays. Mettez-vous en quatre pour mettre tout le monde ensemble », a dit Jovenel Moïse à Jean-Henry Céant.
Le président demande au Premier ministre de continuer avec le dialogue jusqu’au 7 février, date à laquelle Jovenel Moïse annonce qu’il va lancer le dialogue.
« Il faut continuer à vous asseoir avec ceux qui ne sont pas là aujourd’hui, parce que nous avons besoin de tout ce monde, parce que le pays a trop souffert de cette situation de méfiance. Nous sommes arrivés à un carrefour où les Haïtiens sont obligés de se mettre ensemble pour sortir le pays de l’aliénation », a exhorté le chef de l’État.
Selon le président, le dialogue doit être un processus dans lequel aucun sujet n’est tabou. « Nous sommes dans un trou profond, nous devons être à même de nous regarder dans les yeux pour continuer à se parler et à nous dire la vérité rien que la vérité. »
« Je dois vous dire que ma décision d’initier, le 21 novembre 2018, le dialogue en donnant mandat au Premier ministre était une décision de sagesse, pour montrer à la nation qu’en étant chef de l’État, président de la République, nous n’avons pas la science infuse », a affirmé Jovenel Moïse.
Le chef de l’État n’est pas uniquement insatisfait du processus de dialogue sous le leadership de son Premier ministre, il n’est pas non plus satisfait des états généraux sectoriels..
En lançant l’année dernière les états généraux sectoriels de la nation en janvier 2018, le chef de l’État a affirmé qu’il a « tenté, osé. Je dois avoir aussi le courage de vous dire, ce matin, si les états généraux sectoriels de la nation n’arrivent pas à terme, c’est parce que le peuple veut approfondir ce dialogue. C’est pourquoi j’ai pris la décision de donner mandat au Premier ministre », a-t-il dit.
Ce premier forum de Céant sur le Pacte de gouvernabilité a été l’occasion pour des personnalités issues de secteurs différents de prendre la parole sur les problèmes du pays. Après l’interprétation de l’hymne national par James Germain, Charles Tardieu et Carole Démesmin sont intervenus respectivement sur des sujets liés à notre identité et aux principaux problèmes du pays.
Pour la société civile, Rosny Desroches, Édouard Paultre et Abner Septembre ont pris la parole. Tandis que Victor Benoît et Clarens Renois ont parlé au nom du secteur politique, Bernard Craan et Pierre Marie Boisson au nom du secteur des affaires, le Dr Phanel Alerte et JP Michel ont intervenu au nom de la diaspora.
Bien que son nom ne figurait pas sur la liste des intervenants, Théodore Beaubrun Jr dit Lòlò, le lead vocal de Boukman Eksperyans, a sollicité la parole pour plaider en faveur de la décentralisation, d’un dialogue structurel au lieu d’un dialogue conjoncturel. Il a dénoncé aussi la corruption qui gangrène le pays depuis toujours.
Aucun des intervenants ne peut se targuer d’avoir représenté le secteur dont ils sont issus. Ils ont été invités personnellement par le Premier ministre.
Ce forum devait permettre aussi la réalisation de travaux en ateliers sur le Pacte de gouvernabilité. Les résultats de ces travaux devraient contribuer dans l’élaboration d’un document final. La plupart des participants ont quitté la salle après les discours du président de la République et du Premier ministre. Une autre partie après la pause lunch. Après le départ du chef de l’Etat, le Premier ministre n’est pas revenu dans la salle pour clôturer l’évènement comme il l’avait annoncé.