Jean-Henry Céant tente d’expliquer à la population la situation du pays
Le pays va mal, mal à tous les niveaux. Le Premier ministre n’entend pas fermer les yeux sur cette réalité. Jean-Henry Céant essaie de faire comprendre à la population la situation actuelle d’Haïti. Dans une adresse à la nation vendredi dernier, le chef du gouvernement, chiffres à l’appui, a présenté l’état des lieux.
« Notre économie stagne. De 1998 à 2018, la croissance moyenne de notre économie a été de 1,3% par an alors que la croissance moyenne annuelle de la population a été de 1,8 %. Plus d’habitants, moins de ressources, diminution de la production nationale. D’où une augmentation accrue de nos importations et une pression sur la monnaie nationale. Vous serez d’accord avec moi que cette situation n’est pas normale, absolument pas normale. Nous ne pouvons plus continuer dans cette direction », a expliqué avec amertume le chef du gouvernement.
Il a appelé les élites intellectuelle, économique et politique du pays à œuvrer ensemble pour sortir le pays de cette situation pour le moins précaire. « Même s’il y a des désaccords entre nous, c’est notre responsabilité de dialoguer », a-t-il exhorté.
Selon le chef de la Primature, parmi les revendications exprimées actuellement, il y en a qui sont justes et importantes pour le pays comme la reddition de comptes, la lutte contre la corruption, la lumière sur l’utilisation du fonds PetroCaribe… « C’est dans le dialogue que nous pouvons construire le pays », a-t-il ajouté.
Au point où nous en sommes, Jean-Henry Céant a fait remarquer : « Nou pa sou bon wout la, nou pa sou bon chimen. » Il a pris l’exemple de la douane qui fournit plus de 35% des recettes du budget national et la DGI plus de 64%. « C’est cet argent qui nous permet de construire des cliniques, des écoles, des commissariats de police, supporter le secteur agricole, employer des enseignants », a-t-il avancé, annonçant que son gouvernement va prendre des mesures pour augmenter les recettes de l’État.
Sur le plan sécuritaire, le notaire a fait remarquer que nous ne disposons que de 16 000 policiers pour sécuriser 11 millions d’habitants, ce qui représente un policier pour chaque 700 habitants. Ce qu’il n’a pas dit c’est que des officiels, sénateurs, députés, ministres, directeurs généraux ont à leur disposition au moins deux policiers pour assurer leur sécurité.
« Est-ce que vous réalisez que sur chaque 1000 enfants qui naissent, 59 meurent avant d’avoir un an ? », a rappelé le chef du gouvernement dans son adresse à la nation. Selon lui, si l’on avait bien utilisé l’argent du Trésor public ces 30 dernières années, beaucoup de ces problèmes seraient déjà résolus. « C’est pourquoi la justice doit faire la lumière sur des fonds mal dépensés. C’est pourquoi nous allons trouver où est passé l’argent de PetroCaribe », a affirmé Céant.
Le Premier ministre a annoncé que l’État haïtien travaille avec ses conseillers juridiques pour trouver le bon moyen afin de porter plainte contre ceux qui ont détourné le fonds PetroCaribe.
Le Premier ministre croit que l’heure est enfin arrivée de nous mettre ensemble pour trouver la stabilité politique nécessaire pour permettre au pays de prendre une autre direction. Selon lui, le dialogue est le seul moyen d’y arriver. Il a lancé un appel au calme tout en annonçant que la loi sera appliquée contre tous les fauteurs de troubles.
Parallèlement, M. Céant a annoncé que son gouvernement va adopter des mesures d’apaisement social. Les ministères du Commerce et des Finances vont accorder des crédits à des petites entreprises, a-t-il promis.
Après une semaine de paralysie de toutes les activités à Port-au-Prince et dans les villes de province, ce lundi, les écoles ont recommencé à fonctionner ; les transports en commun, le commerce et l’administration publique ont repris aussi leurs activités. Toutefois, l’opposition politique reste mobilisée et déterminée à obtenir le départ du chef de l’Etat.
Pour ceux qui ont été tués lors des dernières manifestations dans le pays, le Premier ministre a présenté ses condoléances à leurs familles. Contrairement au président de la République dans son adresse à la nation, Jean-Henry Céant n’a pas omis de saluer les victimes de La Saline. « La vie de chaque citoyen est importante pour nous et pour le pays. C’est pourquoi nous allons enquêter sur tous les cas… », a-t-il annoncé.
À la communauté internationale
« Je dois, à cette étape de mon intervention, saluer la constance des efforts que vous avez consentis pour le peuple haïtien. Je dois saluer également la qualité du dialogue que j’ai eu avec vous depuis la ratification de ma politique générale par le Parlement. Le moment est venu pour que dans le respect de nos engagements mutuels, nous nous mettions au travail pour améliorer le bien-être du peuple haïtien. Comme j’ai eu à le dire, le gouvernement que je dirige ne ménagera aucun effort pour respecter les clauses des accords conclus », a précisé M. Céant face à la communauté internationale.
« Mes ministres et moi sommes déterminés à accélérer les décaissements sur les projets et programmes existants et à finaliser tous les dossiers pour les programmes à venir. Haïti est une île certes, mais c’est également un maillon de la grande chaîne des échanges internationaux. Une réelle ouverture au monde, jointe à une augmentation continue de la production nationale, nous permettra de rééquilibrer nos comptes et d’améliorer les conditions de vie de la population. Nous avons pris l’engagement ferme de réformer les finances publiques et de manière plus générale le fonctionnement de l’État. Nous réitérons notre engagement à agir dans la transparence pour une bonne gouvernance », a promis le notaire devenu Premier ministre.
Robenson Geffrard
Le Nouvelliste