« Kafouyaj » dans le dossier PetroCaribe au sein du pouvoir, selon Évans Paul
Le chef de l’État remplace ses proches indexés dans le dossier PetroCaribe; le Premier ministre crée une commission et fait appel à des experts internationaux; le chef du parquet invite des anciens gestionnaires du fonds PetroCaribe… Pour Évans Paul, on décèle un manque de cohésion dans les actions de l’exécutif sur le dossier. L’ancien Premier ministre de Martelly qualifie ces actions de « kafouyaj ».
Jovenel Moïse n’avait à demander à personne de se mettre à la disposition de la justice « puisque nous sommes tous des justiciables », a fait savoir Évans Paul. Selon lui, le président agit avec beaucoup d’émotions dans le dossier PetroCaribe. « Kafouyaj », c’est le mot que je peux utiliser pour traduire ma compréhension de la situation », a avancé l’ex-Premier ministre de Martelly et allié du pouvoir Tèt kale dans une interview accordée lundi au Nouvelliste.
Le chef de l’État a révoqué tôt lundi matin pas moins de 18 hauts responsables dans son entourage, dont le chef de cabinet, le secrétaire général du Palais national et six de ses conseillers. Évans Paul se demande si tous ces gens sont indexés dans le dossier PetroCaribe ou si le président Moïse ne cherche qu’à sauver sa peau dans cette affaire. L’ancien chef du gouvernement a rappelé que tous les noms cités dans le dossier PetroCaribe bénéficient du principe de la présomption d’innocence et ont droit à un procès équitable.
« La seule chose que le président de la République puisse dire dans le dossier PetroCaribe c’est qu’il ne fera pas d’obstacle à la justice. Mais un tweet du chef de l’État ne peut pas pousser les gens à se mettre à la disposition de la justice. La justice est sacrée, tous les citoyens sont justiciables… », a soutenu KP.
« Ma préoccupation : je sens que les réactions se font dans une ambiance d’improvisation qui n’a pas protégé l’État », a affirmé le leader charismatique de l’organisation politique KID qui a son représentant au sein du gouvernement Céant. « Je suis préoccupé par l’affaiblissement de l’État. Je ne souhaite pas que la crise PetroCaribe enterre l’État qui doit apporter des réponses à ce dossier », a-t-il ajouté.
À la question de savoir ce que devrait faire le président de la République pour prouver sa bonne foi à faire avancer le dossier PetroCaribe, Évans Paul a répondu en ces termes : « Il doit rester dans son rôle de président. Il n’a pas à réaliser le procès. Le président ne doit pas faire obstacle au procès. Il doit s’assurer que tous les pouvoirs de l’État fassent leur travail et maintenir une cohésion dans le respect des procédures. Si nous agissons avec émotion, il n’y aura jamais de justice. »
Après les tweets la semaine dernière de Jovenel Moïse demandant aux grands commis de l’État indexés dans le dossier PetroCaribe de se mettre à la disposition de la justice et les invitations du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, cette semaine c’est le tour du Premier ministre d’annoncer que « le gouvernement a constitué un groupe d’experts nationaux aux fins d’analyser tous les documents reçus en rapport avec le dossier #PetroCaribe. Nous allons également faire appel à une firme étrangère d’expertise comptable et d’audit en appoint à la commission indépendante », a-t-il aussi annoncé.
Selon Évans Paul, le président et le Premier ministre ne doivent pas agir chacun de leur côté dans le dossier PetroCaribe. C’est ce manque de cohésion que dénonce l’ancien Premier ministre.
Evans Paul a rappelé que le pouvoir législatif a fait deux rapports sur le dossier PetroCaribe avec les sénateurs Youri Latortue et Évalière Beauplan, et aucun d’eux n’a été endossé par cette entité étatique. Ensuite, il a souligné que le pouvoir judiciaire, à travers le cabinet d’instruction, entame une procédure d’enquête et en même temps le parquet de Port-au-Prince fait des invitations alors qu’il n’y a pas encore d’arrêt de débet. « En invitant les gens au parquet, le commissaire du gouvernement a-t-il des experts qui travaillent pour lui ? Peut-il garantir la sécurité de ses invités dans ce contexte d’agitation ? », s’interroge perplexe Evans Paul.
Selon M. Paul il y a un amalgame dans les agissements du pouvoir dans le dossier PetroCaribe. Évans Paul a rappelé que le 17 octobre dernier le peuple avait demandé une réponse au dossier PetroCaribe. Cette réponse, a-t-il souligné, doit venir de l’État. « Si l’État n’agit pas dans la sérénité, il y aura une crise beaucoup plus grave qui est la crise de la disparition de l’État », prévoit l’ancien Premier ministre.
Évans Paul a rassuré qu’il est pour la reddition des comptes. Mais, a-t-il souligné, les procédures doivent être respectées pour que cela ne ressemble pas à de la « démagogie ».
L’ancien Premier ministre de Martelly, qui avait fait campagne avec Jovenel Moïse, a avoué au Nouvelliste qu’il ne parle plus souvent avec le chef de l’État depuis les émeutes des 6 et 7 juillet derniers.
Robenson Geffrard
Le Nouvelliste