Prosper Avril se prononce : La réhabilitation de la force armée, une décision heureuse, mais…

Source Prosper Avril Lieutenant-Général (ret) FAd’H Ancien président de la République  | Le Nouvelliste

En tant que militaire de carrière et ancien président de la République, je salue l’heureuse décision que vient de prendre le président Jovenel Moïse de réhabiliter l’institution militaire haïtienne en conformité avec des prescriptions de la Constitution du pays. Pour ma part, il s’agit d’une démarche lucide, indispensable pour la pérennité de la patrie commune. Cependant, de nos jours, beaucoup de mes concitoyens font encore état de leurs préoccupations concernant cette décision. Ils évoquent généralement, à ce propos, deux craintes majeures: celle d’une résurgence du phénomène des coups d’État militaires qui ont traumatisé le pays dans le passé, et celle de voir réapparaître des cas de violation des droits des citoyens de la part de certains militaires dans l’accomplissement de leurs tâches (Lame koudeta, lame kraze zo).

«Une armée sans mission, a dit récemment un officiel américain en visite dans le pays, est susceptible de se transformer en un atelier de démons». Cette pensée tout à fait judicieuse devait être considérée comme un conseil salutaire. L’absence d’une mission bien définie ou l’attribution d’une mission nocive à une force armée aura certainement des conséquences néfastes sur le comportement de ses membres.

Or, ce n’est pas l’armée qui fait les lois qui la gouvernent. Dans le cas qui nous concerne, précisément, l’erreur commise sur le plan légal en accordant des prérogatives illimitées à la force armée lors de sa création en l’année 1915 a grandement contribué à dénaturer l’institution militaire. Faisons rapidement un rappel historique sur ce point. L’article X du traité signé le 16 septembre 1915 entre les Etats-Unis d’Amérique et la République d’Haïti concernant la création de la force armée stipulait: « Le gouvernement haïtien, en vue de la préservation de la paix intérieure, de la sécurité des droits individuels et de la complète observance de ce traité, s’engage à créer sans délai une gendarmerie efficace, rurale et urbaine, composée d’Haïtiens».

La force armée était donc créée d’abord comme moyen de coercition pour l’observance stricte du traité d’occupation (d’où son emploi pour l’extermination des Haïtiens révoltés dénommés “cacos”) et pour sécuriser les droits des citoyens, ce qui autorisait son intervention au niveau politique. Il ne faut pas oublier que cette force armée était commandée par des officiers américains commissionnés par le président d’Haïti. L’année suivante, le 24 août 1916, un accord fut signé à Washington entre les gouvernements haïtien et américain dans lequel l’article IV confiait pratiquement le pays à la force armée en y renouvelant les mêmes attributions : « La Gendarmerie sera considérée comme l’unique force militaire et de police de la République d’Haïti, revêtue du plein pouvoir pour maintenir la paix intérieure, garantir les droits individuels et faire strictement observer les clauses du traité.» Avoir les pleins pouvoirs pour maintenir la paix intérieure, cela dit vraiment beaucoup.

Ces prérogatives extraordinaires attribuées à la force armée dès sa création constituent…………………………...lire la suite sur lenouvelliste.com

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