Jérémie : l’horreur pendant et après Matthew
Source Robenson Geffrard | Le Nouvelliste
Une fois que vous avez atterri dans ce qui reste de l’aéroport de Jérémie, la principale ville du département de la Grand’Anse, vous êtes coupé du reste du monde. Adieu Facebook, Twitter, WhatsApp et les autres réseaux sociaux. Aucune compagnie de téléphonie mobile ne fonctionne. Pas d’électricité non plus. « Je sais que vous n’apportez ni eau, ni nourriture, ni médicaments dont on a tellement besoin, mais vous nous apportez de l’espoir. On sait maintenant que Port-au-Prince n’a pas été détruit comme Jérémie, on peut espérer de l’aide », soupire Batiste, un homme dans la cinquantaine.
Un seul mot pour décrire la situation à Jérémie. Désolation ! La ville n’est même pas à genoux. Elle n’a pas la force pour ça. Elle est détruite. Elle est en ruine. En lambeaux. Méconnaissable. L’ouragan Matthew a emporté la quasi-totalité des maisons en toiture de tôle. Seules quelques constructions en béton ont résisté aux assauts répétés de l’ouragan.
« On dirait que quelqu’un avait un remote control (télécommande), il augmentait le volume du vent à chaque fois encore plus. Lorsque le toit de ma maison s’est envolé, je me suis agrippée à un mur avec la main gauche et avec la main droite je tenais fermement mon enfant de trois ans qui pleurait de toutes ses forces… », raconte au Nouvelliste Carmine Luc, une jeune fille de 22 ans qui habite dans une localité appelée Numéro 2 située à environ 15 minutes à moto de la ville de Jérémie. Hier jeudi, c’est la première fois depuis le passage de l’ouragan Matthew qu’elle et ses voisins ont vu un visage étranger.
« Pour nous mettre à l’abri après que les toits de nos maisons ont été emportés par le vent, on esquivait les tôles qui volaient dans toutes les directions. J’ai vu des gens se faire couper la main, le pied et même le cou par des tôles. Le vent était tellement puissant qu’il nous renversait », explique Fritznel Antoine, père de trois enfants.
Sachant que la Grand’Anse n’est pas accessible par voie terrestre, Baptiste, le cinquantenaire, vient chaque jour après le passage de Matthew sur les ruines de l’aéroport, espérant l’atterrissage d’un avion ou d’un hélicoptère en provenance de Port-au-Prince. Il espère avoir les nouvelles de ses enfants qui étudient dans la capitale. « Je sais que l’aide dont on a besoin va prendre encore du temps pour arriver. Mais voir que des gens commencent à venir ici à Jérémie, c’est une sensation qu’on existe encore et qu’on va finir par prendre les nouvelles de nos familles à Port-au-Prince », soupire-t-il.
La reprise des activités n’est pas pour demain dans le département de la Grand’Anse, particulièrement à Jérémie. « Ce qu’on veut maintenant c’est de pouvoir donner à manger et à boire à nos enfants et leur donner la possibilité de dormir dans un endroit sec. Après on verra pour l’école, les élections et tout le reste… », fulmine un homme, très agressif, qui a gardé l’anonymat. Il ne savait pas encore que les élections n’auront pas lieu ce dimanche et qu’elles ont été reportées à une date ultérieure. D’ailleurs, personne dans le département de la Grand’Anse ne le savait avant notre arrivée dans la zone.
Le département a fait un bond de plus de 50 ans en arrière. Si vous avez bien besoin de quelqu’un, il faut aller directement le voir. Pour atteindre le département de la Grand’Anse ces derniers temps, il vous faut soit un bateau ou un hélicoptère ou encore un avion. Cette partie du pays est pratiquement inaccessible par voie terrestre. La piste de l’aéroport de Jérémie est encore opérationnelle ou dans son état habituel. Un avion ou un hélicoptère peut atterrir et décoller, mais à l’aveuglette. Pas moyen de communiquer avec les tours de contrôle.
L’eau et la nourriture, denrées rares à Jérémie…
« Le verre de riz est passé de 10 à 20 gourdes après le cyclone. Ici, on consomme tous les jours de la noix de coco et de l’arbre véritable abattus par le vent », avance les pieds nus Angélie Léonard, mère de trois enfants qui habite dans la localité de Numéro 2. Dans la zone, il n’existe pratiquement aucun arbre debout. Tout a été renversé par Matthew.
« Au début, l’eau sortait du robinet avec une couleur rougeâtre. On ne pouvait pas la boire. Maintenant, elle est plutôt claire, on la consomme… On n’a pas le choix d’ailleurs… », indique Angélie Léonard. L’eau potable demeure……lire la suite sur lenouvelliste.com