Les intérêts d’Haïti dans les échanges USA-Caricom-Cuba
Source Dieudonné Joachim Source || Le Nouvelliste
Les relations commerciales entre Cuba et les États-Unis d’Amérique qui se profilent à l’horizon intéressent Haïti au premier plan et fait débat dans les milieux caribéens. La Caricom, qui a vu venir l’effondrement certain du bloc de l’Est, avait rédigé, dès 1989, un document en vue d’avoir des relations commerciales avec Cuba. Depuis le 8 décembre 2000, la Caricom a signé avec Cuba un accord commercial et économique. Si Haïti se met au diapason, elle peut tirer profit des relations de Cuba avec son grand voisin nord-américain.
Malgré l’embargo qui a rongé son économie, Cuba reçoit quelque 2,5 millions de touristes par an. L’industrie du tourisme représente la deuxième source de revenus pour ce pays de 11 millions d’habitants. La République dominicaine a reçu 4,5 millions de touristes en 2015. Cuba, qui affiche sécurité et infrastructure, se dresse comme un compétiteur de poids dans la zone et déjà certains pays craignent ce retour en force des Cubains. À l’instar d’une entreprise haïtienne qui exporte des pâtes alimentaires vers le pays de Raul Castro, d’autres peuvent tirer leurs épingles du jeu. Pour Cuba, renouer des relations avec les États-Unis est synonyme de source de devises.
Pour des raisons liées aux turbulences sociopolitiques ou de catastrophes naturelles, Haïti a raté moult rendez-vous dans les négociations commerciales internationales. Le pays est passé à côté des négociations qui ont mené à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) entre 1986 et 1994. Dans les négociations, entre mars 2003 et décembre 2007, pour l’Accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne, Haïti n’a participé qu’à la phase finale de ces rencontres. À cause des dégâts causés par le tremblement de terre du 12 janvier 2010, les décideurs politiques se sont tenus à l’écart des pourparlers pour un accord entre le Canada et les pays membres de la CARICOM.
Les années passent et les jours ne se ressemblent pas toujours. « En 2002, au moment de la signature du protocole, par le président haïtien Jean-Bertrand Aristide, Cuba ne représentait pas pour Haïti un intérêt à l’exportation. Aujourd’hui, la situation a changé », souligne Chenet St-Vil. Il remarque que le secteur privé haïtien s’est engagé dans une dynamique de renforcement de ses capacités d’exportation.
À présent, Haïti ne peut que rêver de la mise en œuvre de l’accord signé entre les parties et qui n’est même pas encore ratifié par le Parlement haïtien. Les autres pays travaillent sans relâche pour défendre leurs intérêts commerciaux. « Le volet commercial, les marchandises représentant les concessions octroyées par Cuba peuvent être exportées sur son territoire à partir de la Caricom en exemption de droits de douane », explique au Nouvelliste le coordonnateur du Bureau de coordination et de suivi des accords Caricom/OMC /ZLEA (Bacoz), Chenet St-Vil.
« Les pays considérés comme les plus développés de la Caricom tels que la Barbade, la Guyane ou la Jamaïque octroient en retour des concessions à Cuba », fait savoir Chenet St-Vil. Le coordonnateur du Bacoz ajoute que les pays les moins développés de la Caricom ne sont pas obligés d’octroyer la réciprocité à Cuba.
En juillet 1997, Haïti devient membre provisoire de la Caricom et ne pouvait donc pas, en 2000, être partie à cet accord entre Caricom et Cuba. Suite à l’acquisition par Haïti du statut de membre à part entière de la Caricom en juillet 2002, le protocole sur la mise en œuvre de cet accord a été signé par le président haïtien d’alors, Jean-Bertrand Aristide. Ce fut à l’occasion du premier sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Caricom et de Cuba, tenu le 8 décembre 2002, à La Havane.
Ledit protocole prévoit la possibilité pour tout État de la Caricom ou Cuba d’appliquer l’accord sur une base provisoire, en attendant l’accomplissement des procédures internes de ratification. Cependant, s’agissant d’Haïti, la Constitution ne permet pas d’user d’une telle possibilité.
Hormis la Barbade d’un côté, Trinidad & Tobago qui dispose d’une industrie de pétrochimie assez développée et Jamaïque qui produit des biens de consommation d’un autre côté, les autres pays de l’espace Caricom offrent essentiellement des services notamment dans le tourisme. L’accord de commerce et de coopération économique entre la Caricom et le gouvernement de la République de Cuba a été signé et fait d’Haïti un PMD. De par ce statut de pays moins développé de la Caricom, Haïti bénéficie des concessions commerciales offertes par Cuba sans obligation de réciprocité.
Cuba est un partenaire commercial, un voisin qui importe des biens pour une valeur tournant autour de 14 milliards de dollars américains par an (Bacoz). Haïti doit ratifier l’accord pour avoir accès au marché cubain, objet de convoitises américaines. Même si le gouvernement aux commandes en Haïti est provisoire, parallèlement il faut avancer dans le domaine commercial. Nous devrions aussi travailler sur le Tarif extérieur commun (TEC) de la Caricom afin de commercer avec les pays membres de l’organisme régional.
Trop souvent, les gens ont tendance à faire de la population ou de la densité de celle-ci son talon d’Achille. Chenet St-Vil s’inscrit en faux contre de telles allégations. Haïti n’a pas la plus forte densité de la région. « La Barbade accuse une densité de 697 hab/km2 alors que celle d’Haïti est de 360 hab/km2. Elle est un pays développé, alors qu’Haïti est un PMD. Si c’était vrai, la République dominicaine, qui a une densité proche de la Belgique, aurait le même niveau de développement. La population peut être force ou faiblesse, cela dépend de son éducation et des choix économiques.