12 Janvier 2010-12 Janvier 2016 : Quel nouveau bilan sur la reconstruction d’Haïti ?
Le bilan sur la reconstruction d’Haïti, 6 ans après le tremblement de terre du 12 Janvier 2010, est très décevant par rapport à la fois un tas de promesses mirobolantes et de nombreuses attentes, non seulement de la population en générale, mais aussi de nombreux secteurs du milieu des affaires et des couches les plus défavorisés du pays qui s’attendaient à des investissements massifs dans l’économie à hauteur même d’au moins 1 milliard de dollars par an.
Le constat est clair, les différents indicateurs sociaux et économiques parle d’eux-mêmes et expliquent que plus de la moitié des politiques publiques formulées dans le Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH) n’ont pas été implémentées, faute de budget et notamment d’une vision haïtienne sérieuse de développement du pays. D’un autre côté, les politiques publiques, programmes ou projets qui sont difficilement arrivés à être mises en œuvre n’ont pas pu accoucher véritablement des résultats satisfaisants et mettre Haïti sur les rails du développement et de la croissance.
Il faut rappeler que le PSDH, presque méconnu par la majorité de la population, définit les grandes lignes de la politique de développement ou de reconstruction d’Haïti post-séisme à travers quatre grands piliers à savoir : la refondation territoriale, la refondation économique, la refondation sociale et la refondation institutionnelle.
Le bilan au niveau de ces 4 grands piliers est peu reluisant quand nous regardons l’état de délabrement des institutions publiques qui ne donnent presque pas de services, la dégradation de l’environnement, le dégringolade des principaux indicateurs économiques comme l’inflation qui est à 12% maintenant contre 6.6% en Mai dernier, la dépréciation spectaculaire de la gourde par rapport au dollar américain, les taux de croissance en dessous des 5% depuis 2012, la situation catastrophique de l’emploi, la montée vertigineuse de la mendicité à Port-au-Prince et dans plusieurs villes de provinces, la détérioration de la balance commerciale, l’état des investissements directs étrangers qui n’ont pas pu totaliser même 1 milliard de dollars pour ces 5 dernières années, la situation alarmante dans des secteurs clés comme la santé et l’éducation et la défaillance de la branche d’activité électricité et eau qui a contracté en moyenne de plus de 5% durant ces 4 dernières années.
En fait, la croissance économique d’Haïti durant ces quatre dernières années a évolué à un rythme alarmant de seulement 2.9% en moyenne. Ce taux est nettement inférieur au taux de 5 à 10% prévu dans le Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH), élaboré après le tremblement de terre, pour booster l’économie, faciliter la création d’emplois et faire d’Haïti un pays à revenu moyen d’ici 2030. En outre, le secteur agricole qui emploie environ 60% de la force de travail active dans l’économie se détériore depuis 2013. Par conséquent, la situation des personnes les plus défavorisées, notamment celles des milieux ruraux, dont les moyens de subsistance dépendent à plus de 50% de l’agriculture, n’est pas améliorée et les 1.1 million de personnes qui flânent sur la frontière de la pauvreté risquent d’y être basculés en 2016. Selon le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), la prévalence de sous-alimentation en Haïti a augmenté pour la période 2012-2014 par rapport à 2009-2011. Donc, comment peut-on parler de progrès dans la politique de reconstruction du pays si on ne peut même pas nourrir la population ?
De toute façon, quels que soient les actions publiques, programmes ou projets mis sur pied dans le cadre des perspectives de développement ou de reconstruction, tout doit être reflété dans les indicateurs sociaux et économiques du pays. Si les indicateurs sont aux rouges, cela veut dire que les progrès enregistrés dans l’économie en termes de construction de quelques écoles ou centre de santé, de rénovation ou construction de quelques kilomètres de routes, d’investissements privés et de renforcement institutionnel, entre autres, ne sont ni significatifs ni de nature à garantir de forte croissance économique et d’emplois durables.
Une politique de reconstruction d’Haïti ou de relance de l’économie haïtienne doit être une vision haïtienne et ne doit pas venir du »blanc » (de l’international), sinon on n’y peut rien attendre de concrets et c’est ce qui arrive avec le PSDH qui est censé passer à côté avec ses objectifs des plus ambitieux pour l’économie haïtienne.
Riphard Serent, MPA (Policy)
Economiste
Radio Vision 2000