Monde – Économie: Et la monnaie chinoise devient une monnaie de réserve du FMI
Le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé, hier lundi 30 novembre à Washington, l’inclusion de la monnaie chinoise, le renminbi ou yuan, dans les droits de tirage spéciaux (DTS), le panier de devises qui sert d’actif de réserve international à l’institution. A partir du 1er octobre 2016, date à laquelle cette mesure est censée devenir réalité, les 188 Etats membres du Fonds pourront échanger des DTS contre les cinq monnaies dites « librement utilisables » – dollar, euro, livre sterling, yen et désormais le renminbi – s’ils en ont besoin pour équilibrer leur balance des paiements.
Pour la Chine, qui en avait fait la demande en 2009, la décision du FMI vaut reconnaissance du poids de l’économie chinoise, la deuxième de la planète, sur la scène internationale. Les devises qui composent les DTS doivent en effet répondre à deux critères : être émises par un pays clé en matière d’exportations de biens et de services, et être « librement utilisables », c’est-à-dire largement utilisées dans les transactions internationales et couramment échangées sur les marchés de changes. La devise chinoise remplit depuis 2010 le premier critère, relatif à son importance dans le commerce mondial. En estimant, cinq ans plus tard, que Pékin remplit le second critère, le FMI donne acte à la Chine des réformes économiques et financières qu’elle a engagées. Et il encourage les réformateurs chinois à pousser les feux de la libéralisation.
Au-delà de sa portée symbolique, l’inclusion du renminbi dans les DTS ne va pas changer la face du monde. Car la monnaie chinoise occupe aujourd’hui une place marginale : elle représente 2,5 % des transactions internationales, contre 3 % pour le yen, 29 % pour l’euro et 43 % pour le dollar américain.
La Chine est un acteur financier de plus en plus important : on ne compte plus le nombre de pays avancés ou en développement auxquels elle a prêté. Pour ce faire, les autorités chinoises avaient jusqu’à présent opté pour une internationalisation de leur monnaie sans convertibilité. C’est-à-dire que le yuan ne peut pas être échangé librement contre d’autres devises. La banque centrale chinoise a, dès lors, privilégié les accords de swaps de devises, des échanges directs avec d’autres banques centrales, sans passer par les Etats. Fin mai, la valeur totale de ces accords avec 32 pays et régions a dépassé 3 000 milliards de yuans soit 469 milliards de dollars selon la Banque Populaire de Chine.
L’inclusion du renminbi dans les Droits de Tirage Spéciaux va conduire à une plus large utilisation de la monnaie chinoise et devrait accroître sa convertibilité. Faut-il en conclure que la Chine va devenir sous peu un acteur financier international comme les autres ? Sûrement pas à court terme, répondent les économistes qui connaissent le pays. La plupart d’entre eux pensent que la libéralisation du secteur financier chinois va prendre du temps et que Pékin, selon l’expression de Jean-Pierre Cabestan, directeur du département science politique de l’Université baptiste de Hongkong, n’est « pas prêt pour une libéralisation totale de l’économie ».
Il faut dire que selon plusieurs économistes, officiellement, cette décision est déconnectée des problèmes posés par le blocage de la réforme de gouvernance du Fonds, qui devait doubler ses ressources et assurer une meilleure représentation des pays émergents. Annoncée en 2010, elle n’est toujours pas ratifiée par le Sénat américain. Bref, le FMI continue d’être de ce qu’il a toujours été pour « encadrer », évaluer, donner des ordres aux petits pays et les octroyer des prêts très conditionnés comme les programmes d’ajustement structurel (PAS), que nous connaissons tous leurs résultats en Haïti.
Etzer S. Emile
Economiste
Radio Vision 2000