Haïti – Séisme: A Haïti, cinq ans après le séisme, l’impossible reconstruction
Lors d’une manifestation appelant à la démission du président haïtien, Michel Martelly, à Port-au-Prince, le 11 janvier. | HECTOR RETAMAL / AFP
Par Jean-Michel Caroit (Saint-Domingue, correspondant) | Lemonde.fr
Cinq ans après le tremblement de terre qui a fait plus de 230 000 morts et dévasté la capitale, la reconstruction d’Haïti est menacée par l’instabilité politique. Lundi 12 janvier, date anniversaire du séisme, a aussi marqué un nouveau tournant dans la crise. Le mandat du Parlement, dont les membres n’ont pu être renouvelés en raison d’un retard de trois ans dans l’organisation des élections, a pris fin.
Les manifestations antigouvernementales ont provoqué la démission du premier ministre, Laurent Lamothe, en décembre 2014. Son successeur désigné, Evans Paul, n’est toujours pas entré en fonctions, faute d’accord entre l’exécutif et le Parlement. Dimanche 11 janvier, le président Michel Martelly, contesté dans la rue par des manifestations quasi quotidiennes, et une vingtaine de dirigeants politiques ont toutefois signé un accord prévoyant la tenue de nouvelles élections avant la fin de l’année 2015.
Dans ce climat d’affrontement et de vide de pouvoir, l’organisation des cérémonies de commémoration du séisme est passée au second plan. Le Mémorial du 12 janvier n’est toujours pas terminé à Titanyen, une zone désolée au nord de la capitale où des dizaines de milliers de corps ont été enfouis à la hâte dans les jours qui ont suivi le séisme. Les amoncellements de gravats ont disparu, mais ni le palais présidentiel, ni la cathédrale, ni aucun autre bâtiment emblématique de la capitale n’a été reconstruit.
60 000 expulsions forcées
« Beaucoup a été réalisé, mais bien du travail reste encore à faire », a clamé le pape François à l’ouverture d’une conférence qu’il a convoquée, samedi 10 janvier à Rome, « pour maintenir l’attention sur un pays qui souffre encore des conséquences de cette catastrophe ».
Cinq ans après le désastre qui a détruit ou endommagé plus de 300 000 édifices, jeté plus de 1,5 million de personnes à la rue et provoqué des dégâts évalués à 7,8 milliards de dollars (6,6 milliards d’euros, soit 121 % du PIB de 2009), le bilan de la reconstruction est mitigé. Le mot d’ordre « reconstruire en mieux », répété par l’ancien président des Etats-Unis Bill Clinton lorsqu’il était envoyé spécial de l’ONU pour Haïti, est largement resté un vœu pieux.
Selon Harry Adam, qui dirige l’unité publique de construction de logements, il reste un peu moins de 70 000 sans-abri dans les camps de fortune. « Malheureusement, l’intérêt de la communauté internationale est retombé alors que des dizaines de milliers de personnes sont toujours sans abri et vivent dans la misère », déplore Chiara Liguori, responsable d’Amnesty International pour les Caraïbes.
« Malheureusement, l’intérêt de la communauté internationale est retombé alors que des dizaines de milliers de personnes sont toujours sans abri et vivent dans la misère », déplore Chiara Liguori, d’Amnesty International
L’ONG vient de publier un rapport dénonçant les expulsions forcées de plus de 60 000 personnes qui avaient trouvé refuge dans les camps improvisés après le séisme. Les conditions de vie dans les 123 camps qui subsistent sont de plus en plus difficiles : un tiers des habitants n’ont pas accès à des latrines et une augmentation des cas de choléra y a été constatée ces derniers mois. L’épidémie a tué 8 000 Haïtiens.
Moins de 20 % des solutions de relogement proposées peuvent être considérées comme durables. Cinq cents millions de dollars, soit une grande partie des fonds d’aide au logement, ont été dépensés pour lire la suite sur lemonde.fr