Complication de la situation politique et économique au Venezuela : Haïti doit surveiller de près

L’évolution de la situation politique, sociale et économique au Venezuela ces derniers temps est un sujet de plus en plus brulant pour les analystes de la région latino-américaine et caribéenne et les commentaires sur cette crise ne font que se multiplier.

Depuis plus de deux semaines donc, le Venezuela est le théâtre de manifestations pour et contre le gouvernement. Elles ont déjà laissé des morts et des dizaines de blessés selon les principaux journaux du pays. Ayant commencé comme une manifestation étudiante contre l’insécurité et le coût de la vie, elles ont été très vite capitalisées par l’opposition pour faire entendre le mécontentement de la société. La situation inquiète grandement le gouvernement dont la stabilité dépend de l’appui massif de la population, notamment des secteurs moins favorisés. Le gouvernent a dénoncé une campagne de désinformation et il a arrêté le chef de l’opposition le plus actif considéré comme l’instigateur de la violence. Il a aussi expulsé des diplomates de l’ambassade des États-Unis en les accusant d’avoir appuyé les manifestations contre le gouvernement.

Trois facteurs fondamentaux alimentent ces mouvements. D’abord, les pénuries des denrées de première nécessité dont le lait, la farine, l’huile et le papier toilette. Le Venezuela, jadis pays d’agriculture et élevage, importe aujourd’hui presque tout. Le pays n’a jamais été aussi dépendant du pétrole. Le montant total des importations du pays est passé de 13 milliards de dollars en 2003 à plus de 50 milliards de dollars aujourd’hui.

Un deuxième motif est l’inflation. D’abord, l’inflation record (56 % en 2013) ronge le pouvoir d’achat, surtout des plus pauvres. Donc, avec le même niveau de revenu, les citoyens ne pourront plus acheter les mêmes quantités de biens. Une situation qui agit directement sur le niveau de vie de la population.

Plus loin, le Venezuela accuse un déficit budgétaire de l’ordre de 26% de son PIB. S’agissant du marché des devises, un dollar acheté dans la rue coûte quatre fois plus cher qu’un dollar vendu au taux officiel établi par le gouvernement.

Coté emploi, il faut dire que le niveau de l’emploi a artificiellement gonflé, en raison d’un très fort accroissement du fonctionnariat, ou en d’autres termes, le recrutement de plus en plus de personnes au niveau du secteur public. Pour ainsi dire, le gouvernement vénézuélien n’a jamais été aussi pléthorique, car il comprend présentement une centaine de ministres et vice-ministres, sans compter les dirigeants d’entreprises publiques.

En ce qui concerne la dette extérieure, depuis 2003, la dette extérieure a été multipliée par dix dans ce pays où le système bancaire est extrêmement fragile et dont la capacité de production y compris celle du secteur pétrolier est radicalement diminuée.

A tout cela, s’ajoute le fait que le Venezuela d’Hugo Chavez figure parmi les derniers du classement par la Banque mondiale des pays selon la compétitivité, la facilité de faire des affaires ou l’attraction d’investissement direct étranger (IDE).

Enfin un troisième facteur est l’insécurité croissante. Le chiffre de 25 000 homicides par an est un indicateur terrifiant alors qu’il y avait 5 000 en 1998, lors de la première élection de Chavez. Une situation d’insécurité qui inquiète les investisseurs étrangers qui sont déjà dans le pays. Ceci envoie des signaux négatifs aux potentiels investisseurs et touristes étrangers. D’ailleurs, même des compagnies aériennes internationales ont menacé de suspendre leur vol.

Quel avenir donc pour le Venezuela

En fait selon certains analystes, Maduro n’a ni le charisme ni le talent de son mentor. Chavez était un animal politique et médiatique, capable de retomber sur ses pieds après chaque déconfiture. Maduro, lui, est incapable à la fois de rassurer ses partisans et de se faire entendre de l’opinion en général. La gestion de la crise politico-économique risque d’être une épreuve définitive. Ensuite, les déclarations des organisations régionales, en particulière celle de l’Unasur (Union de nations sud-américaines) qui laisse entrevoir l’éventuel appui des pays voisins, s’est limité à faire un appel à la paix et au respect de la démocratie. Dans d’autres cas plus ou moins similaires, comme celui de la Bolivie en 2008 ou de l’Équateur en 2010, l’Unasur s’est exprimé explicitement en faveur des gouvernements en place. L’OEA seulement à une position plus critique envers le gouvernement vénézuélien actuel. Il reconnait la justesse des manifestations contre Maduro et recommande une médiation externe pour essayer de résoudre ce conflit.

C’est donc une situation que nos dirigeants ici en Haïti doivent surveiller de très près, et surtout il faut bien réfléchir des stratégies alternatives si les choses tourneraient au pire au Venezuela. Car une plus grande complication de la situation économique ou éventuellement un changement de régime mettra en péril le programme de Petrocaribe. En fait quelque soit le scenario, les implications sont sérieuses pour nous. D’une part en effet, le gouvernement vénézuélien même s’il résiste et reste au pouvoir face à cette crise sera moins généreux envers des pays comme nous autres qui ne remboursent pas régulièrement les dettes.

L’autre scenario le plus grave serait l’avènement de l’opposition au pouvoir, qui couperait automatiquement ce programme comme l’opposant Monsieur Capriles l’avait déjà annoncé estimant que le Venezuela a trop de problèmes économiques internes, il ne peut pas se permettre de donner autant de support a d’autres pays. Donc, nous sommes appelés ici en Haïti à penser à d’autres formes de partenariat stratégiques et d’autres options en matière de financement des investissement publics, car ce serait l’asphyxie financière pour le pays de perdre un partenaire qui finance 97% de nos investissement public sans aucune préparation préalable et sans alternative. Un dossier à prendre très au sérieux sinon on risque de se réveiller un jour sans ce support important du Venezuela qui permet de financer les routes, les écoles et bien sur d’autres activités productives et ainsi que des activités improductives depuis quelques années.

CHIFFRE DU JOUR: 5

Le Venezuela est le 5eme plus grand exportateur mondiale de pétrole, et selon les chiffres du CIA factbook, ses exportations de pétrole représentent 95% des recettes totales d’exportations de ce pays.

Etzer Emile, Radio Vision 2000

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