Le financement bancaire en Haïti : Toujours insuffisant et trop difficile
Le problème du crédit bancaire au secteur prive est un sujet brulant qui a toujours suscité de l’intérêt chez les analystes politiques, économistes et même le simple citoyen. On admet que le financement bancaire en Haïti est rare et reste un handicap majeur au développent de l’entrepreneuriat dans l’économie.
Bref, voyons comment ce crédit bancaire a évolué dans la République voisine.
Selon les données fournies par l’Association des banques commerciales (ABA) de la République Dominicaine cette semaine, les prêts de plusieurs banques ont connu une augmentation nominale annuelle de 20 % soit la plus forte croissance au cours des dernières années, ce qui met le volume des prêts des banques a plus de 13,1 milliards de dollars américains soit un taux de crédit bancaire de 22% par rapport au PIB. A rappeler que ce taux était de 16% en 2006.
» C’est un fait qui démontre de manière irréfutable le soutien accru du secteur bancaire pour le développement économique en RD », a noté l’Association des banques commerciales dans son rapport. Une expansion du crédit qui a bénéficié énormément au secteur privé dominicain en termes de capacité pour de plus grands investissements.
Il faut dire que la croissance du crédit en 2013 actualisée, tenant compte du taux d’inflation est d’environ 16 %. Un chiffre qui représente environ 4 fois le taux de croissance économique de ce pays.
Parmi les secteurs qui ont reçu le plus de fonds des banques commerciales, nous avons le commerce, la construction, l’agriculture, le tourisme et l’industrie.
En ce qui concerne l’économie haïtienne, le dernier rapport du forum économique mondiale sur la compétitivité a évoqué le problème de financement comme le premier facteur de blocage du développement des affaires a 22,8%, suivi de faiblesse des infrastructures a 15,4%.
Quelle est la source du problème exactement?
Y – a –t-il un problème de disponibilité bancaire?
Pas nécessairement selon toute analyse. Quoiqu’il faut reconnaître que selon la dernière note monétaire de la BRH, de décembre 2013, les dépôts totaux ont connu une baisse, en rythme trimestriel, à 145,6 milliards de gourdes, alors que les prêts nets accordés par les banques du système ont accéléré de 5,69 % pour se fixer à 62,2 milliards de gourdes soit environ 18% du PIB. Toutefois, il faut donner cette baisse observée au niveau des dépôts totaux n’affecte pas nécessairement le niveau de surliquidité qui existe dans le système bancaire.
Il faut admettre également que le ratio Prêts nets/Dépôts a crû passant de 40,31 % en juin 2013 à 42,68 % au 4ème trimestre de 2013.
L’autre aspect de la question est le coût du crédit. En Haïti, les institutions de crédit ont tendance à imposer des conditions draconiennes face à la demande des agents qui ont besoin du crédit, un ensemble de mesures qui protègent les banques certes, mais entravent l’activité de crédit. Nous reconnaissons certes, le niveau élevé de risque qui entoure les investissements économiques par rapport à la fragilité du pays. Se repliant, elles préfèrent investir dans des obligations publiques que de prêter au secteur privé pour booster l’économie.
Ce qui expliquerait en partie le cout élevé du crédit. En effet, un élément clé peut nous aider a mieux comprendre cette réalité, c’est le spread bancaire qui est resté généralement élevé. Le spread est donc l’écart entre le taux d’intérêt d’un emprunt donné et un taux d’intérêt sur les dépôts.
Selon les sources de la BRH, en décembre 2013, pour les opérations en gourdes, il a atteint un taux moyen de 17,9 %, pour un taux d’intérêt moyen de 0,09 % sur les dépôts d’épargne et un taux d’intérêt moyen sur les prêts de 17,90 %. Pour les opérations en dollar, au 30 Décembre 2013, le taux d’intérêt moyen sur les dépôts d’épargne est de 0,14% contre un taux d’intérêt moyen sur les prêts de 10,25%.
Cet écart de taux qui est généralement inélastique par rapport aux variations des taux directeurs de la BRH nuit considérablement à la demande de crédit car ceux qui ont besoin du financement sont de plus en plus désintéressés à formuler une demande qui souvent représente un casse-tête.
Un autre aspect du problème de crédit est l’exclusivité ou encore la non-démocratisation, dans le sens qu’il n’est pas ouvert à tout le monde ou en d’autres termes, une minorité de personnes est privilégiée au dépend d’une certaine majorité. Selon un document produit conjointement par le PNUD et le bureau international du travail BIT, environ 133 clients sur 400,000 détiennent les 2/3 du volume de crédits supérieurs à 75,000.00 gourdes au niveau des banques commerciales haïtiennes. La BRH de son coté parle de près de 10 % des emprunteurs du système bancaire haïtien qui bénéficie approximativement de 70-80 % du portefeuille de crédit total.
On reconnait toutefois qu’au niveau de la demande du crédit, il y a certaines contraintes, car trop de demandeurs du crédit n’ont pas un vrai projet d’affaires, des états financiers bien montés, ou tout simplement n’ont pas une bonne éducation financière.
En conclusion, l’amélioration de l’accès au crédit demeure un processus long et difficile, mais les obstacles peuvent être surmontés, à condition de mettre en oeuvre les réformes indispensables pour faire évoluer l’environnement de crédit. Il s’agit notamment d’améliorer la circulation de l’information, de mettre en place des normes comptables appropriées, de diversifier les produits de crédits, de perfectionner les mécanismes de recouvrement de créances et d’exercice des sûretés et de renforcer les incitations au respect des contrats. Ou enfin, il faut penser à développer des formes alternatives de financement autre que le crédit bancaire, tels le crédit bail, l’actionnariat, le crowdfunding, et autres.
Il faut reconnaître que la richesse de l’économie passe par les entreprises, et le développement des entreprises dépend du financement. Un Financement démocratique, abordable et accessible pour tous.
CHIFFRE DU JOUR: 1%
Moins de 1% du financement bancaire haïtien est destiné au secteur agricole. Les prêts financent majoritairement des activités commerciales, sans valeur ajoutée, et faible en productivité, et qui renforce notre dépendance par rapport aux produits importés.
Etzer Emile, Radio Vision 2000