Haïti sans les Haïtiens
par Christophe Wargny
Le tremblement de terre de 2010 a pris toute sa place dans la littérature. De Dany Laferrière à Lyonel Trouillot en passant par Gary Victor, goudougoudou est devenu un personnage essentiel. Aujourd’hui, trois ans après les livraisons postséisme, les essais ont un point commun : ils appréhendent la secousse, si terrible fut-elle, comme une vicissitude de plus dans l’histoire haïtienne. Le peuple, proche ou non de l’épicentre, souffre, mais pâtit encore davantage d’une histoire atypique qui donne le vertige, d’une économie sans projet autre que de perpétuer l’informel, d’un tissu social qui produit depuis deux siècles les inégalités les plus brutales des Amériques et les élites les plus répugnantes. Les médias nous montrent la fange des bidonvilles. Pourquoi si rarement l’insolence des châteaux d’altitude ?
Vous connaissez Haïti ? Avec Le Vertige haïtien (1), vous apprendrez beaucoup sur ce « pays en crise permanente » depuis 1804. La naissance de l’Etat se confond et perdure avec la pression et la répression contre les masses paysannes, puis urbaines. Tous les leviers de commande sont accaparés par les classes sociales supérieures, qui, jusqu’à aujourd’hui, placent le pays dans l’élite… des nations corrompues. L’ère Duvalier fut paroxystique, avec sa milice, les « tontons macoutes », qui a fait de la peur et de la violence les seules issues des conflits. Elle a entraîné des conséquences sociales désastreuses. Le produit national brut par habitant a chuté de 30 % depuis trente ans, la ration calorique est amputée de 10 % ; les terres irriguées sont plus rares, la couverture forestière a diminué de 90 %, l’agriculture produit moins avec lire la suite sur monde-diplomatique.fr