Le Brésil, nouvel Eldorado pour les migrants haïtiens et africains ?
A la frontière entre le Brésil et la Bolivie, la petite ville de Brasileia est devenue la principale porte d’entrée des émigrés du tiers-monde, venus chercher du travail au Brésil. Depuis trois ans, plus de 9 000 personnes ont quitté Haïti, avec l’espoir de recommencer une nouvelle vie. Ils sont aujourd’hui rejoints par des Africains sur le chemin de l’exil. Eux aussi veulent trouver un emploi au Brésil. Mais, bloqués au milieu de l’Amazonie, des centaines de réfugiés vivent aujourd’hui dans un camp de fortune. Ils attendent des papiers, un visa, et surtout d’être embauchés par des entrepreneurs brésiliens, qui viennent de très loin pour recruter cette main-d’œuvre bon marché.
De notre envoyé spécial à Brasileia,
Le soleil vient de se lever au-dessus de Brasileia. Dans le camp, les émigrés sont déjà en train de ranger leurs affaires. Les femmes font la lessive, les hommes rangent les matelas crasseux sur lesquels tout le monde ici a passé la nuit. Quelques enfants jouent dans la poussière.
Sous une immense tente, installée près d’un préau ouvert aux quatre vents, s’entassent ce matin plus de 450 réfugiés ; la grande majorité est originaire d’Haïti. Mais depuis le début de l’année, des Africains arrivent de plus en plus nombreux à Brasileia pour tenter leur chance au Brésil, le pays du plein emploi. Depuis le début de l’année, ils sont plus de 250 en provenance du Sénégal, d’Afrique du Sud et de Tanzanie à avoir franchi la frontière avec la Bolivie, pour échouer ici, au milieu de l’Amazonie brésilienne.
Un visa et un emploi
7 h 30, l’heure du petit déjeuner. Une longue file se forme devant la petite cabane en bois où les réfugiés reçoivent un verre en plastique, avec du café au lait brûlant et un petit pain. Parmi eux ce matin, une vingtaine de Sénégalais. N’Diack Ba, 27 ans, a quitté Dakar il y a trois mois, en espérant trouver au Brésil un avenir meilleur : « J’ai vu sur internet que les Haïtiens qui arrivaient ici étaient recrutés par des entreprises. Alors je me suis dit que si nous arrivions à aller jusqu’à Brasileia, nous pourrions nous aussi y obtenir un visa et un travail », affirme le jeune homme, qui a laissé sa femme et ses deux enfants à Dakar.
Voyageurs clandestins
Il a pris l’avion pour l’Espagne. De là, il s’est envolé avec ses compagnons d’exil pour l’Equateur. Une fois à Quito, il a suivi la route ouverte par les Haïtiens, qui ont fui massivement leur île pour le Brésil, depuis le tremblement de terre de 2010. N’Diack Ba a dû franchir clandestinement la frontière en l’Equateur et le Pérou, puis atteindre la Bolivie. Un voyage difficile qui lui a couté plus de 4 000 euros, pour payer les transports et les passeurs. « Ma famille a dû me renvoyer de l’argent, quand je me suis retrouvé coincé au Pérou. Là-bas, nous étions clandestins, nous avons été arrêtés par des policiers, qui nous ont pris toutes nos économies », se souvient N’Diack Ba, soulagé d’être enfin arrivé au Brésil.
Les autorités locales débordées par le flux migratoire
A Brasileia, la frontière avec la Bolivie est rarement contrôlée. Haïtiens et Africains franchissent librement le pont qui sépare les deux pays. Entre 40 et 50 émigrés arrivent au Brésil tous les jours. Les autorités locales sont débordées par ce flux incessant de réfugiés économiques. Avec ses 18 000 habitants, la municipalité de Brasileia a du mal à faire face à cette situation qui la dépasse. Il y a deux mois, plus de 1 000 personnes vivaient dans le camp, sans nourriture ni électricité. Une situation critique qui a poussé les autorités brésiliennes à réagir.
Le gouvernement fédéral a décidé d’accorder aux Haïtiens des visas pour raison humanitaire. Dès leur arrivée, ils obtiennent rapidement une carte de travail, et un « CPF », un numéro d’identification, obligatoire au Brésil. Dans la foulée, on leur donne un visa de six mois, renouvelable. Et désormais, après un an passé dans le pays, les émigrés haïtiens peuvent demander un permis de résidence, pour cinq ans.
Un billet pour le sud du Brésil
Dans le camp, l’attente est longue. Tous les réfugiés ne rêvent que d’une chose : être recrutés par une entreprise brésilienne. Il en vient toutes les semaines embaucher cette main-d’œuvre disponible et bon marché.
Aujourd’hui, Alexandre Gardin est venu chercher plus de 100 réfugiés. L’entreprise pour laquelle il travaille découpe 500 000 poulets par jour, qu’elle exporte dans le monde entier, mais elle manque de salariés pour faire face à la demande. Alexandre Gardin espère bien que les réfugiés seront à la hauteur de ses espérances : « Ils ont la réputation de bien travailler et surtout ils ne se plaignent pas trop des conditions de travail… moins que les Brésiliens, en tout cas ». L’abattoir de poulets se situe à 4 000 kilomètres d’ici dans l’extrême sud du Brésil. Qu’importe la distance, les réfugiés sont prêts à tout pour quitter le camp.
Ndiack Ba vit ici depuis plus d’un mois. Aucune entreprise n’a jusqu’à voulu le recruter jusqu’à présent. Cette fois-ci, le jeune Sénégalais a obtenu un entretien d’embauche. Le recruteur lui promet un salaire de 300 euros par mois, pour 44 heures de travail hebdomadaire. Les trois premiers mois, la nourriture et le logement leur seront fournis gratuitement.
La crainte du « jour d’après »
Ces dernières années, la plupart des personnes recrutées sur place ont été emmenées dans le sud agricole du Brésil, dans les Etats du Parana, et du Mato Grosso do Sul notamment, mais également dans la capitale économique du pays, São Paulo. Il n’est pas rare cependant que ces mêmes entreprises ne respectent pas leurs promesses. De nombreux Haïtiens ces derniers mois en ont fait lire la suite sur rfi.fr