Haïti-Duvalier : La victime Raymond Davius partage les souffrances endurées sous l’ancien régime

La victime Raymond Davius a raconté, le jeudi 18 avril 2013, les nombreuses tortures subies pendant les sept mois (de février à septembre 1981) passés dans les geôles de l’ancien régime du dictateur Jean-Claude Duvalier, lors du procès contre ce dernier poursuivi pour crimes contre l’humanité et détournements de fonds, a obseervé l’agence en ligne AlterPresse.

Âgé actuellement de 57 ans, l’économiste Davius rapporte avoir été battu, à maintes reprises, pendant son passage en prison.

Les multiples coups reçus ont fini par laisser des cicatrices sur tout son corps, confesse-t-il attristé.

Il se plaint du fait que les sbires du régime ne lui ont jamais offert la possibilité de se rendre à l’hôpital, malgré ses nombreuses blessures.

Au cours de l’année 1981, il fut arrêté 17 fois et emprisonné trois fois.

« A chaque arrestation, j’ai du vomir du sang. Cc’est à cause de ces atrocités que j’ai été contraint d’aller me cacher dans la ville de Bainet (Sud-Est), alors que je n’avais personne dans cette ville. J’ai passé quelques mois là-bas avant d’être arrêté, ligoté et conduit aux Casernes Dessalines », se souvient, avec amertume, Raymond Davius.

En prison, un seul seau lui servait, à la fois, de récipient pour ses besoins physiologiques et de plat pour ses repas. La nourriture lui était servie en-dessous de la porte, avec les pieds, par les geôliers.

Davius était fermé dans une cellule étroite, où une ampoule était tenue allumée en vue de permettre au geôlier de vérifier si le maltraité était en vie.

Un petit matelas, fabriqué avec des résidus de tissus contenant des épingles, ne lui offrait aucune possibilité de s’allonger dessus convenablement.

Le régime voulait faire de Davius un « exemple », parce qu’il a laissé l’armée – en tant que soldat de première classe – à l’hôpital militaire pour rejoindre le Parti démocrate chrétien haïtien (Pdch), alors dirigé par le défunt Sylvio Claude.

« Le 13 octobre 1982, à la suite des menaces exercées par les sbires du régime, j’ai dû sauter les murs de l’ambassade du Venezuela au Bicentenaire (à proximité du bord de mer de la capitale), pour retrouver un asile politique. L’ambassadeur vénézuélien de l’époque m’a donné près de 250.00 dollars américains pour aller me cacher dans les recoins du pays », relate Davius, la tristesse dans la voix.

En janvier 1983, il a tenté, une seconde fois, de s’échapper en s’introduisant, à nouveau, à l’ambassade du Venezuela.

« L’ambassadeur m’a mis en résidence surveillée. Un mois plus tard, soit le 1er février 1983, j’ai pris l’exil (pour le Venezuela), qui a duré près de deux ans et demis. Je suis revenu [dans le pays] en juillet 1986, après la chute de Jean-Claude Duvalier », indique la victime Raymond Davius.

A l’audience du jeudi 18 avril 2013, Davius a présenté et remis, à la cour d’appel de Port-au-Prince, une liste partielle des séquestrations, tortures, assassinats et exécutions sommaires, perpétrés durant la dictature duvaliériste, notamment en la seule année de 1976.

Figurent, dans cette liste, cinq journalistes [1], une dizaine de militaires [2], près d’une quinzaine d’avocats (Benoît Armand, Emile Cauvin, Seymour Cauvin, Max Charlmars, Hervilus Antoine, Henri Carnot, Joseph Vergniaud, Hubert Legros, Christian Nau, Salma Pierre-Paul, Edmond Pierre-Paul, Antoine Pierre-Paul, Pierre Victor Joseph, Roc ainsi connu, Antonio Vieux.]] et environ 70 autres citoyens de diverses couches, [3] ayant laissé leur peau dans les geôles du dictateur Duvalier (données tirées de l’ouvrage « le prix du sang », Tome II)

La prochaine audition, dans le cadre du procès de Jean-Claude Duvalier est prévue pour le jeudi 25 avril 2013.

Le 11 avril 2013, lors de la précédente audience, Henry Faustin a été auditionné comme plaignant après Robert Duval, Alix Fils Aimé et Nicole Magloire, entendus tour à tour dans cette affaire. [jep emb rc apr 19/04/2013 14:50]

[1] Les journalistes cités étaient : Ezéchiel Abellard, René Midouin, Gasner Raymond, Saintini ainsi connu, Salès Pierre.

[2] Les militaires exécutés en 1976 étaient Dagobert Jean, Jean Paul, Ménélas alias Ayiti, Reynold ainsi connu, René Sajous, Santiague, Gasner Siméon, Vitey ainsi connu, Merceron alias Guantanamo.

[3] Les citoyens, disparus en 1976 et rapportés par Raymond Davius dans sa déposition du 18 avril 2013, étaient les suivants : Jean-Claude Alexandre alias Blanco, Macéna Anibot, Renel Baptiste, Justin Bertrand, Ronel Bertrand – le fils de Justin Bertrand -, Blanc Paul, André Bien-Aîmé, Gérard Blanco, Jean-Claude Baucicaut, Joseph Brignol, Noly Buron, Gilbert Cadostin, Muscadin Cajuste, le pharmacien Camille Sébastien, Horace Daccueil, Guélot Daccueil, le prêtre français Albert De Smet, Raphaël Delva, Archer Denis, Cadeau Jean Dérisié, Ambroise Desravines, Serge Donatien, Clotaire Dorneval, Paul Donneur, Ronald Duchemin, Oveze Duquesne, Rameau Estimé, Wilterne Estimé, le professeur Jésulmé Eugène, Exante ainsi connu, Servilus Exantus, Pierre Féquière, Marie Thérèse Féval, Marie Thérèse Gasner, Henri Jean, Morency Jean, Kesnel Jean, Joseph Jean, Théocel Jean, Maurace Jean-Baptiste, Antonio Jean-Baptiste, Lucio Jules, Oswald Jules, Hébert Liautaud, Lener Livert, Chéry Louissaint, Gérard Michel, Milfort alias Joe Malaka, Yves Musac, Jean-Marc Nérestant, Jacques Paul, Luc Pierre-Paul, Pipirit ainsi connu, Dès Prédestant, Eddy Price, Jean-Louis Roy, Jean Robert alias Dérécul, Raymond Saint-Louis, Luc Saint-Vil, Jean-Pierre Saint-Vil alias Ti Dyab, Saladie Thélusmond, Tony Thélusmond, le médecin Watson Telson, Ténor Auguste, Antoine Templier, Jean Rifla Vasseau, Romulus Vilbrun, Pierre Michel Vital, Wellington Élie. (alterpresse.org)

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