Haïti-Université d’État : Les nouveaux dirigeants de la Fasch entre promesses, défis et attentes
A peine installés à la tête de la faculté des sciences humaines (Fasch) de l’Université d’État d’Haïti (Ueh), les nouveaux dirigeants doivent partir à la réalisation de leurs promesses électorales, s’attaquer à l’avant-projet de loi organique controversée de l’Ueh et tenir compte des attentes des membres de la communauté facultaire.
Les responsables nouvellement élus ont été installés dans leurs fonctions le jeudi 5 avril 2013.
Le conseil de coordination est constitué des professeurs Jean Rénol Élie, Josué Vaval et Guy Gérald Ménard.
Le conseil des études comprend le responsable de l’année préparatoire, Roosevelt Millard, ainsi que les responsables de départements, Jerôme Paul Eddy Lacoste (service social), Norah Brutus (sociologie), en attendant des élections complémentaires pour les départements de communication sociale et de psychologie qui sont représentés par leurs anciens responsables.
Promesses et défis
« Avec l’appui des autres membres du conseil, je pense que nous pouvons projeter de réaliser entre 80 et 100 mémoires dès notre première année », promet Josué Vaval, responsable de la coordination académique lors de la cérémonie d’installation.
Le professeur Lacoste, responsable du département de service social, encourage vivement la refonte curriculaire à intégrer dans le projet de réforme de l’Ueh en général.
Cette réforme devrait permettre à l’université d’État haïtienne de réfléchir-agir avec « efficacité et efficience » sur la réalité haïtienne.
A ce titre, il importe de rappeler le plaidoyer du professeur Jean Anil Louis-Juste (assassiné le 12 janvier 2010 avant le séisme) dans le texte « de la crise de l’éducation à l’éducation de la crise » contre l’éducation « essentialiste », formant des « princes autodominés » qui évoluent dans un espace-temps qu’ils ignorent superbement.
Au début de son nouveau mandat de responsable de l’année préparatoire, Roosevelt Millard fait le vœu de continuer à promouvoir « l’excellence académique et l’engagement citoyen ».
Quant au délégué des étudiants au conseil de l’Ueh, Jeff Brévil, il lance un appel à la collaboration pour pouvoir représenter valablement les étudiantes et étudiants de la Fasch.
Attentes d’étudiants et professeurs
« Je n’ai pas d’attente sur la délégation étudiante. Je n’ai que le souhait qu’il gardera la ligne de la Fasch au conseil : l’éthique, l’engagement et la militance pour une université autonome, indépendante au service de la communauté », confie l’ancien délégué des étudiants de la Fasch au conseil de l’université d’État d’Haïti (Cueh), James Beltis.
Ce dernier met beaucoup d’espoirs sur le nouveau conseil.
Croyant en « la volonté d’avancer » des nouveaux dirigeants, Fabiola Sénor, étudiante en service social, invite au « renforcement de la démocratie universitaire et à l’amélioration des conditions exécrables d’études ».
Il faut rapidement entamer des « discussions sur la loi organique, proposée par l’actuel conseil au parlement et la question du budget de l’Ueh », estime, pour sa part, Pierre Antoine Cherilin, étudiant en communication sociale, visiblement satisfait des récentes élections à la Fasch.
Une organisation d’étudiantes et d’étudiants de la Fasch, l’Asosyasyon kominikatè ak kominikatèz popilè (Akp), a déjà tiré la sonnette d’alarme sur la nécessité de ces discussions internes à l’université et sur les brèches qu’ouvre cette proposition de loi dans la gouvernance universitaire.
« A bien analyser l’esprit de cet avant-projet, il n’est pas difficile de déceler une certaine petitesse et un complexe d’infériorité chez ses élaborateurs, qui les portent à sacrifier l’acquis le plus cher et décisif de l’université : son autonomie », estime le professeur Franck Séguy en voyage d’études doctorales en sociologie au Brésil.
En guise d’illustration, Séguy évoque l’article 24 de l’avant-projet de loi comme preuve que les dirigeants de l’Ueh ne se sentiraient pas en mesure de prendre en charge l’institution de manière autonome, comme le reconnaît la constitution haïtienne.
« Le Haut conseil de l’Ueh (Hcueh) est composé 21 membres : 50% +1 des membres sont issus de divers secteurs de la vie nationale. Ce nombre est sujet à modification, en fonction de l’extension de l’Ueh, sans toutefois dépasser le total de 30 et en gardant la même représentativité des 2 groupes qui composent le Hcueh. Les autres [membres sont issus] de la communauté universitaire », stipule cet article.
A part cet avant-projet de loi, l’amélioration des conditions d’exercice du métier d’enseignant universitaire est une attente fondamentale.
Un professeur à temps plein gagne moins de 40,000.00 gourdes par mois [US $ 1.00 = 44.00 gourdes ; 1 euro = 60.00 gourdes aujourd’hui]. Il doit dispenser 3 cours au minimum, par session, et encadrer des travaux d’étudiantes et d’étudiants.
Un professeur nommé a un salaire mensuel net de 4,650.00 gourdes pour un cours. Le contractuel gagne environ 27,000.00 gourdes pour une session.
A l’instar d’une institution étatique autonome, comme la banque de la république d’Haïti (Brh), Franck Séguy recommande que l’Ueh « matérialise son autonomie par un ensemble de mesures, dont la définition du statut de ses fonctionnaires et l’adoption d’une grille salariale en conformité avec lui ».
Que le débat s’ouvre donc dans les deux revues scientifiques de la Fasch !
La revue du centre en population et développement, dans lequel publient professeurs et spécialistes du programme de maitrise de la Fasch, Lanbi Akp de l’ Asosyasyon kominikatè ak kominikatèz popilè [revue écrite en Créole et abordant des thématiques liées à la formation sociale haïtienne] sont les deux grandes tribunes scientifiques de la Fasch. (alterpresse.org)