Haïti-Duvalier : Les enjeux de l’instruction de la Cour d’appel
La Cour d’appel de Port au Prince a fixé, au jeudi 28 février 2013, à 10 :00 am, sa prochaine audience dans l’Affaire de l’ex Président à vie Jean-Claude Duvalier.
A la précédente audience du 21 février, la Cour d’appel a rendu deux décisions importantes : un mandat d’amener est décerné contre l’inculpé et le recours introduit en cassation par ses avocats ne suspend pas l’instruction de la Cour qui se poursuit.
Enjeux
L’État qui avait introduit la poursuite contre Duvalier – le 29 avril 2008, puis le 19 janvier 2011 – n’a pas réagi à l’ordonnance du 27 janvier 2012. Duvalier a contesté la décision qui retient contre lui les délits financiers.
Le Collectif a contesté la mise à l’écart des crimes contre l’humanité (arrestations et détentions illégales et arbitraires, tortures, traitements cruels, meurtres, exécutions sommaires, disparitions et déportations forcées, actes inhumains et dégradants, etc.) et vise à faire casser l’ordonnance, pour qu’une instruction digne de ce nom soit rouverte.
Sans cela, il risquerait de ne plus avoir de cas Duvalier, vu que l’État pourrait agréer à l’abandon des poursuites pour délits financiers. Duvalier pourrait alors accéder aux fonds bloqués en Suisse.
Faits saillants de l’audience du 21 février (de 11:45 am 2:45 pm)
1. Sur base d’un recours introduit à la Cour de cassation, la défense a présumé que l’audience du 21 février n’aurait pas lieu. Or, la décision de tenir ou non audience relève exclusivement du tribunal.
2. La partie civile, représentée par les Cabinets Jean-Joseph Exumé et Mario Joseph, a argumenté :
a. Pour ce dossier emblématique, le pays attend que la justice agisse en toute indépendance, avec rigueur, impartialité, en ayant le souci du droit. La justice haïtienne est observée attentivement au niveau international, dans un contexte où les ex dictateurs sont jugés et où les graves violations de droits humains ne sont ni admises, ni tolérées. La Cour a rendu 2 décisions importantes le 7 février : la comparution en personne de l’inculpé et la reconnaissance formelle de la partie civile.
b. La partie civile a demandé de procéder à l’appel nominal de l’inculpé et de son défenseur principal, Me Reynold George. Acte a été pris de leur absence, que la partie civile a qualifiée de mépris.
c. Trois demandes ont été présentées à la Cour (les juges)
Émettre immédiatement un mandat d’arrêt contre l’inculpé, c’est-à-dire le rechercher, l’arrêter et le mettre en détention pour qu’il soit à la disposition de la justice.
Rejet de la demande de dessaisissement de la Cour, car la défense n’a pas autorité pour ce faire.
Poursuivre l’audience
Aucune disposition n’oblige la Cour à suspendre l’audience, car le recours n’est pas suspensif.
Le recours est une manœuvre pour paralyser la justice. Dès qu’une comparution est exigée, il suffirait d’introduire un recours pour que l’instruction s’arrête net, pour une durée indéterminée.
Le recours est prématuré. Il ne peut être exercé que contre la décision infirmant ou confirmant l’ordonnance du 27 janvier 2012 en cause. A date, la Cour n’a pas encore tranché, mais a pris des mesures relatives à la conduite de son instruction.
3. La défense
En cours d’audience, Me Georges s’est présenté et a été ensuite rejoint par Me Fritso Canton. En dépit de l’irrégularité, le fait a été accepté, par la Cour et la partie civile. Cette dernière l’a toutefois soulignée.
a. A fait valoir son recours en cassation pour arrêter l’audience. La Cour a déclaré ne pas être au courant ; cela n’ayant pas été fait dans les formes requises. (alterpresse.org)
b. A avancé que la Cour ne pouvait aggraver la situation de Duvalier, blanchi par l’ordonnance.
c. A déclaré que la plupart des plaignants et plaignantes avaient retiré leur plaintes.
d. Au nom de Duvalier, et contre toute logique, la défense s’est portée partie civile contre toutes les personnes qui déposeront contre lui, pour les torts et griefs qui seront causés à cet « homme intègre ».
4. Le Ministère public a rejeté la comparution personnelle de Duvalier et le mandat d’arrêt. Il a toutefois admis que le recours en cassation n’était nullement suspensif.
5. La Cour s’est prononcée pour un mandat d’amener contre Duvalier et la poursuite de l’audience.