Haïti-Politique-International: Israël, Haïti et la Bolivie
Une « légende noire » veut qu’en l’an 1867, l’émissaire plénipotentiaire de Sa Gracieuse Majesté avait été traité d’une manière très peu conforme aux usages diplomatiques. Le représentant de la Couronne, dit-on, aurait été dénudé, sur ordre du caudillo bolivien Mariano Melgarejo, juché sur le dos d’un âne, la tête tournée vers le postérieur de l’animal, et promené ainsi sur la grand-place de la capitale. S’estimant insultée, on le serait à moins, la reine Victoria avait alors ordonné à l’amiral de la flotte – la Grande-Bretagne régnait à l’époque sur les mers – d’envoyer une canonnière bombarder La Paz. Un peu gêné, le brave homme, carte d’état-major à l’appui, avait dû expliquer à la souveraine que la ville, perchée à plus de 3 500 mètres d’altitude, se trouve à des centaines de kilomètres de la côte et donc inaccessible à ses bombes. C’est alors que celle que l’on surnommait « la grand-mère de l’Europe », prenant un gros crayon noir, avait barré d’une grande croix le pays et décrété, péremptoire : « Very well then, Bolivia doesn’t exist. »
En Israël, le gouvernement de Benjamin Netanyahu vient de mettre fin à l’existence du Conseil des droits de l’homme des Nations unies ; pour cela, il lui a suffi d’estimer que cet organisme, « essentiellement politique », était trop partial et qu’en conséquence, il cessait de coopérer avec lui. S’il est vrai que plus de la moitié des résolutions adoptées depuis 2006 porte sur l’État hébreu et le traitement infligé aux Palestiniens, c’est que jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale les conventions de Genève n’ont été autant violées, et non pas que les rapports sur lesquels s’appuie l’organisation internationale sont « biaisés », ainsi que vient de l’affirmer le ministère israélien des Affaires étrangères.
La goutte d’eau qui a fait déborder un vase rempli à ras bord, provoquant l’ire de cet État, parangon de toutes les vertus démocratiques : dans un rapport commandé par l’ONU, un groupe d’experts indépendants réclame l’arrêt immédiat des colonies de peuplement dans les territoires occupés et le retrait par étapes des colons, sous peine d’une saisine de la Cour pénale internationale. Dans ce qui fut la chasse gardée d’Avigdor Lieberman, on manie l’humour, involontaire on veut le croire. Aussi se frotte-t-on les yeux à la lecture du communiqué dont les apprentis diplomates viennent de gratifier l’opinion internationale. « De telles mesures contre-productives ne feront que saper les efforts pour trouver une solution durable au conflit proche-oriental », ont-ils fait savoir. Comprendre : s’il n’y avait pas ces pseudo-spécialistes et leur approche unilatérale de la question, un grand pas aurait été accompli sur la voie de la paix dans cette partie du monde. Jugement sévère du New York Times dans un éditorial : « Avec l’affaire des points de peuplement sur la rive occidentale du Jourdain ou encore l’embargo sur Gaza, Israël n’a cessé de s’isoler du reste du monde ; et maintenant, il donne une nouvelle preuve de son manque de sagesse en mettant un terme à sa coopération avec le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. » Sa conclusion : « Le prochain gouvernement issu des élections qui viennent de se tenir devra comprendre que se marginaliser ainsi a son prix. »
L’État hébreu partage désormais avec Haïti le triste privilège d’un boycott qui ne peut que favoriser l’avancée de la communauté internationale vers un monde meilleur où les principes les plus élémentaires de la démocratie seront mieux respectés et bannie toute forme de ségrégation. Il serait malvenu donc de rappeler que depuis la guerre de juin 1967, 250 colonies ont été créées, occupées par non moins de 520 000 ressortissants israéliens, ce qui conduit à « une annexion rampante », souligne le rapport établi par les trois spécialistes (une Française, une Pakistanaise, une Botswanaise) mandatées par l’ONU. Fait sans précédent, les 47 États membres permanents de l’organisme onusien ont accepté de reporter au 18 mars l’examen du rapport, dans l’incertain espoir de voir Tel-Aviv revenir à de meilleurs sentiments.
Il faudrait pour cela que le nouveau cabinet accepte, comme le préconisent huit associations israéliennes, de modifier son approche du sujet,et d’abord de reconnaître ses torts, ce qui est hautement improbable. De même, il lui faudrait, ainsi que le préconisent le coordinateur humanitaire, James Rowley, et l’Union européenne, renoncer à tout usage excessif de la force qui provoque un nombre incalculable de victimes dans les rangs palestiniens. Enfin, il ne devrait plus répéter qu’il est seul à décider de ce qui est bon pour le pays, comme ne manque jamais de le soutenir Benjamin Netanyahu.
Autant de conditions difficiles, sinon impossibles à tenir. En politique aussi, les miracles existent. Du moins faut-il faire semblant de le croire.
Source: http://www.lorientlejour.com