Haïti/Culture: Décès de l’écrivaine et dramaturge Deita
Mercedes Foucard Guignard, plus connue sous le pseudonyme Deita, défenseuse de la langue créole, est morte le samedi 29 décembre, à son domicile, à 3 h 30 de l’après-midi.
Née le 21 septembre 1935 à Port-de-Paix dans le Nord-ouest d’Haïti, Deita est écrivain, conteuse, dramaturge et ethnographe autodidacte, elle est aussi professeur.
Spécialiste de la langue créole, elle enseigne le théâtre et le savoir-vivre. De 1982 à 1986, elle a été animatrice de groupes de jeunes. A ce compte, elle a participé à la fondation de l’ASKONNA (Asosyasyon Konbit Natif Natal). Elle est aussi membre du CHAF (Comité Haïtien Art et Folklore). Deita compte à son actif plus d’une douzaine de publications. Nous présentons nos condoléances à sa famille.
Elle a publié, entre autres, Les Désespérés (1963), Majòdyòl (1981), Nanchon (1985), Esperans Déziré (1989), Contes des Jardins du Pays de Ti Toma (2 tomes, 1989 et 2003), La Légende des Loa – Vodou Haïtien (1993 et 2004), Mon Pays Inconnu (2 tomes, 1997 et 2000), Objets au quotidien – Art et culture populaires en Haïti (1993). Déita est partisan de l’intégration du folklore dans les lettres haïtiennes.
QU’IMPORTE
Esprits de la nuit
Mon ciel
Est nu d’étoile
Est nu de luneL’angoisse se liquéfie
Goutte à goutte
Sur ma désespérance
M’encerclant de taches de tristesseSoudain mon chagrin se détache
Cette transmutation tire de ma conscience
Des plaintes qui charment
Les génies de la nuit.Qu’importe si le soleil va poindre
Qu’importe si ma joie doit mourir au lever du jour
Qu’importe tout le reste
Si j’ai pu voir la beauté de mon âme
L’espace d’une nuit.
TROIS MOTS
Dans le silence immobile de la ville
J’ai perçu le tressaillement
D’un mot
Amour
Dans l’inquiétante moiteur de la nuit
J’ai senti sur mon front
L’haleine chaude de la tendresse
Dans le ciel frileux
J’ai vu filer une étoile qui pleurait
Et dans son sillage j’ai visualisé
Le pathétique de trois mots
« Je vous aime ! »
RETROUVAILLES
Minutes brèves
Trève de quiétude
Sourire narquois
Moue coquette
Doigts tremblants
Yeux noyés
Enchantement des retrouvailles
Si longtemps souhaitées
Joies profondes
Renaissance des souvenir d’antan
Dialogues des regards
Impuissants à sceller
Les élans d’une timidité
Peur prémonitoire soudaine
Efforts pitoyables de fuite
Résignation à l’ombre
D’arbres verdoyants
Sous le soleil palissant
Silhouettes indécises sur le banc dans un parc
D’une grande ville quelque part dans le monde.l967
UN MORCEAU DE SOLEIL
Sur la terre d’exil
il rêve d’un morceau de soleil
venu de son île natale
Ce morceau de soleil
Je l’ai dérobé pour lui
Mais où le dissimulerai-je
Pour que le froid hiver
Ne le congèle pointDans ma bouche
j’ai recueilli une brise marine tropicale
avec mes doigts j’ai capté
une complainte nocturne
dans mon corps j’ai gardé
l’ardente chaleur de sa terre désirée
et mon amour charrie
des rayons de soleil pour réchauffer sa nostalgie.
SILENCE CHUT !
Poings fermés
Paupières closes
Visage abandonné
Lèvres entrouvertes
Trésor précieux
Ecrin mystérieux
Une vie est là
Silence Chut !Mon joli bébé
S’amuse avec les chérubins
Ne riez pas si fort.
Vous briseriez le sourire qui éclot sur ses lèvres
Ne souille pas ce sommeil innocent
Par vos rires profanesChut silence !
Il explore le monde céleste
Des anges roses et bleus
Faites silence !
Ne brisez pas déjà ses douces illusions
CHUT !
Pour l’amour d’une mère.
l968DÉCHIREMENT
Mon chagrin se colore
Du sourire laiteux de ma fille
Le soupir exhalé de mon déchirement
Embaume du parfum des cheveux de ma fille
Et ma mémoire sculpte son corps menu
Alors que ma peine cristallisée
Concrétise ma douleurImmense lassitude
Inutile révolte
Étrange désespéranceO nuit exquise garde dans ta profondeur
L’infini du déchirement de la séparation.Mai l968
Source : http://www.lematinhaiti.com / http://www.potomitan.info
Je me souveindrai de vous Deita a chaque fois que j’aurai a vous citer comme reference.
Kont peyi Ti Toma, son recueil de conte m’a beaucoup marqué. Merci Deita.